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Petite mort, grand vide

Par Vincent Bissonnet avec Arnaud Beurdeley
  • Raphael Poulain
    Raphael Poulain Icon Sport - Icon Sport
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Henry Tuilagi devenu traiteur, Romain Terrain spécialiste du désamiantage, Laurent Cabarry propriétaire d’une carrière de pierre, Lionel Nallet à fond dans le métal… Depuis deux mois, Midi Olympique vous invite à la découverte de reconversions originales de rugbymen bien dans leurs baskets après s’être épanouis crampons aux pieds.

Cette facette réjouissante comporte sa part d’ombre. Julien Peyrelongue, maître d’œuvre dans le bâtiment, nous le rappelait à juste titre, dans ces colonnes, vendredi : "Le sujet de l’après-carrière m’a toujours concerné. C’était un peu ma hantise. On n’en parle pas beaucoup mais il y a un paquet de mecs qui galèrent après le rugby. Il faut dire que l’on commence par notre passion. C’est donc dur de basculer sur autre chose qui va à la fois nous intéresser et nous faire vivre." La question reste un tabou. Ô combien sensible. Elle n’en reste pas moins une réalité pour bon nombre d’anciennes gloires ou anonymes joueurs de devoir. Raphaël Poulain, grand espoir du Stade français contraint à une retraite prématurée à 25 ans, a été un des premiers à briser le silence sur "la petite mort du sportif". Ce processus de descente aux enfers si destructeur : "Je représente exactement ce que les rugbymen vivent : la notoriété, la blessure et puis l’arrêt." Lui a connu cet enchaînement. Avec une déflagration puissance 10 : "En 2005, j’explose en vol avec les pépins physiques. Je me retrouve dans la galère, au "RSA". J’avais perdu confiance en moi. Je ne savais plus à quoi m’accrocher. Cette problématique-là, beaucoup de joueurs l’ont rencontrée."

Une prise de conscience générale

Quand rien n’a été anticipé, la chute peut se révéler très douloureuse : "Je n’avais pas de recul quand j’ai commencé à 18 ans, se remémore l’ancien ailier. J’étais à fond sur la performance et j’avais délaissé les études. Mon projet, c’était de faire carrière et pour y parvenir, on te demande d’être pro six jours sur sept, de penser tactique, technique, préparation. C’est dur de se projeter sur l’après, pendant. Et je n’avais pas été aiguillé sur un double projet. Alors, quand tout s’est stoppé, je n’avais rien." Le vide, à tous niveaux ou presque, se dévoile alors sous les pieds. Que faire ? Avec qui ? Comment ?

Un rude atterrissage dans la normalité quand la planète a continué de tourner pour tous les autres : "Je me suis retrouvé à la retraite en même temps que mon père et à l’âge où les potes de la vie normale cartonnent ou commencent à s’émanciper professionnellement. Toi, tu dois te renouveler. Or, le changement fait peur. Depuis, je m’en suis sorti, heureusement." Ce discours résonne comme un message d’alerte. Près de dix ans après la parution de son livre témoignage "Quand j’étais superman", les mentalités ont fini par évoluer. Les prises de conscience commencent à devenir concrètes. Au printemps, Provale, de plus en plus préoccupé par ces thématiques, avait programmé la première session des "journées de la reconversion". L’initiative a été repoussée, logiquement. Mais la question du double parcours s’est invitée au cœur du débat à travers la crise du moment et les incertitudes sur l’avenir. Désormais, des dirigeants aux représentants en passant par les joueurs eux-mêmes, plus personne ne peut fermer les yeux sur les risques liés à la fameuse "petite mort".

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