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Rachat de Béziers - Ménard : « J’ai trop voulu croire au père Noël »

  • Robert Ménard (au centre, photo du haut) dit avoir toute confiance en la nouvelle direction de l’ASBH, notamment les deux coprésidents, Jean-Michel Vidal (à droite) et Michael Guedj (à gauche).
    Robert Ménard (au centre, photo du haut) dit avoir toute confiance en la nouvelle direction de l’ASBH, notamment les deux coprésidents, Jean-Michel Vidal (à droite) et Michael Guedj (à gauche). Icon Sport - Icon Sport
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Au Midol, le feuilleton biterrois a donc démarré fin avril, via le courriel d’un lecteur nous alertant sur un récent déjeuner entre l’ancien international Christophe Dominici, représentant les intérêts de mystérieux investisseurs emirati, et Robert Ménard, le maire de béziers. Une fois cette information confirmée, l’un des plus haletants et ubuesque récits du rugby professionnel contemporain démarrait alors. Ainsi, Béziers allait-il devenir à court terme le plus grand club d’Europe comme l’avait dit "Domi" dans nos colonnes ? Les fonds emirati étaient-ils à ce point gigantesques ? Qui était le supposé milliardaire Samir Ben Romdhane, le patron de Sotaco International ? Et finalement, pourquoi le rachat du club, qui n’aurait du être qu’une simple formalité, prenait autant de temps ? Aujourd’hui, alors que des rumeurs font état d’un retour des Emirati à la table des négociations, Robert Ménard prend la parole afin de livrer sa vérité sur cette incroyable saga et, de toute évidence, sonner le glas du fantasme emirati en Biterre : Ma’a Nonu, Beauden Barrett et Michael Cheika ne viendront pas. Mais en fut-il un jour vraiment question ?

Il y a un peu plus d’un mois, Michaël Guedj et Jean-Michel Vidal étaient nommés présidents de la SASP de Béziers. Où en est-on, aujourd’hui, de ce qu’il est convenu d’appeler le "feuilleton biterrois" ?

D’abord, la ville a décidé d’être infiniment plus présente, à la fois dans le capital de la future société propriétaire du club et dans la gestion de l’ASBH au quotidien. En clair, il n’y a aucun sauveur à l’horizon.

Que voulez-vous dire ?

Aujourd’hui, il n’y a plus aucune discussion avec Sotaco International et ceux que nous avons appelé les "Émiratis". Les gens qui font circuler de telles informations sont des menteurs !

Développez…

Personne, ni les émirats arabes unis, ni un partenaire privé français ne s’est engagé à amener de l’argent pour sauver le club. On a simplement reçu de la part d’un entrepreneur, que je ne nommerai pas, un geste important, qui consiste à prêter au club la somme d’un million d’euros pour lui permettre de passer une étape difficile de son existence. Parallèlement à ça, la ville et l’agglomération ont décidé d’amener une somme d’argent conséquente pour passer au mieux cette période difficile. C’est ça, la réalité. Tout le reste n’est que mensonges, affabulations et fantasmes.

Jusqu’ici, la mairie donnait 900 000 € par saison à la SASP du club. à combien est évalué le surplus dont vous parlez aujourd’hui ?

La ville et l’agglomération se sont engagées à apporter immédiatement – car il fallait le faire cette semaine - 400 000 € de plus dans les caisses du club. Et je n’oublie pas les 100 000 € apportés par Michaël Guedj… Ce n’est pas rien !

Quel est le but, en fait ?

Grâce à l’argent que nous venons de débloquer, trente-six contrats sur quarante ont été validés par la DNACG et la Ligue nationale de rugby. Les quatre autres le seront dans les prochains jours. Tout le reste n’est que médisance, "fake news" ou incrédulité, pour les plus gentils d’entre eux…

Béziers avait donc encore besoin d’argent pour passer le cap de la DNACG, le gendarme financier du rugby professionnel…

Absolument. Et, il fallait même amener l’argent cette semaine.

Vous aviez pourtant dit que la mairie de Béziers n’aiderait plus le club comme elle avait pu le faire par le passé…

Oui. Mais la nouvelle direction (Guedj et Vidal, N.D.L.R), en qui j’ai totalement confiance, avait besoin de ce coup de main. Ce geste, je ne l’aurais pas fait avec l’équipe précédente.

Pourquoi ?

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. En aucun cas, je ne pense que les anciens dirigeants étaient malhonnêtes ; il fallait simplement tourner la page. Moralement, je me sens engagé vis-à-vis de cette nouvelle direction, que j’ai poussée de toutes mes forces à prendre la tête du club.

Qui est cet investisseur privé prêtant 1 million d’euros au club ?

Je ne peux pas vous le dire (lire ci-dessous, N.D.L.R.).

Soyons clairs : c’est donc la fin du feuilleton émirati à Béziers ? C’est bel et bien terminé ? Vous nous l’assurez ?

Oui, c’est terminé depuis des semaines ! Fantasmer sur l’arrivée de sauveurs d’Abou Dhabi, c’est une connerie ! Aujourd’hui, on vient juste de passer un cap difficile avec la DNACG et nous travaillons sur le fond : il faut fermer "Passion Ovalie" (la holding détenant la majorité des parts de la SASP), faire table rase de cette entreprise.

En faisant croire des choses dont il n’avait pas le début d’une preuve, Monsieur Dominici a fait un mal terrible à Béziers

Pourquoi ?

Elle a été utile au club dans un passé récent mais a participé à l’opacité des choses. Je ne reproche rien aux dirigeants précédents (Valaize et Bistué). Comme dans beaucoup d’autres clubs, ils ont fait de la jonglerie : pas pour s’enrichir mais parce qu’ils n’avaient pas d’autre solution et parce qu’ils ne savaient plus comment s’en sortir. Au bas mot, il y avait un déficit d’1 million d’euros par an.

On le disait plus conséquent…

Encore une fois, c’est faux. On a récemment demandé à KPMG (un cabinet d’audit financier) de nous établir un point précis des finances du club et le 15 septembre, on aura tout en mains. Pour tout vous dire, je rendrai cet audit public.

Comment "Passion Ovalie" couvrait-elle ce déficit structurel d’un million d’euros par saison ?

Ils ont apporté de l’argent, trouvé des partenaires, tel Louis-Pierre Angelotti (un puissant promoteur immobilier de la région biterroise). Ils ont aussi vendu par avance un certain nombre de recettes.

Détaillez, s’il vous plaît…

Par exemple, si vous vouliez exploiter les buvettes de l’ASBH, il vous fallait logiquement payer un fixe puis un pourcentage sur les ventes. Le club faisait alors payer aux intéressés les cinq prochaines années d’exploitation, ce système faisant rentrer d’un coup cinq années de recettes dans les caisses. Mais cette fuite en avant nous a placés, aujourd’hui, dans une situation terrible puisqu’un certain nombre de recettes ont déjà été versées, sans que nous puissions plus compter dessus…

C’est risqué.

Oui même s’il n’y a rien de malhonnête là-dedans ! Plein de clubs le font ! C’est juste de la cavalerie, comme on dit !

Comment allez-vous supprimer "Passion Ovalie", détentrice de la SASP ?

On s‘apprête à créer une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) qui regroupera, à la fois, des partenaires publics et privés : les collectivités locales peuvent aller jusqu’à 50 % des actions quand l’autre moitié du capital sera partagée entre les différents investisseurs privés, les abonnés, les supporters, l’association… Les 400 000 € provenant de la mairie et de l’Agglo ainsi que la création de la SCIC en question seront présentés aux prochains conseils municipal et communautaire.

Quelle sera la fonction de cette société ?

Apurer les comptes, éponger les dettes, reprendre les emprunts en cours et faire entrer de nouveaux partenaires dans le club. On repart donc de zéro.

Avec quel budget ?

Entre 7 et 8 millions d’euros, me semble-t-il.

Pierre Olivier Valaize et Cédric Bistué, les détenteurs de "Passion Ovalie", n’auront donc plus aucune part dans le club ?

C’est bien ça.

Tous ceux qui se sont intéressés à ce feuilleton biterrois ont parfois eu des doutes sur la véracité des fonds émiratis. Qu’en est-il réellement ?

Je vais essayer de peser mes mots. à l’heure qu’il est, je n’ai jamais vu un centime des Émiratis. J’ai seulement vu des copies de relevés de compte où étaient inscrites des sommes importantes. Mais quand nous avons demandé des garanties précises, bancaires, nous ne les avons jamais obtenues, si ce n’est de vagues promesses de la part de banques du bout du monde… Tout le reste, c’est le délire de Christophe Dominici (l’émissaire des Émiratis). Je lui en veux terriblement.

Que ce soit Mohed Altrad, ma femme Emmanuelle (député) ou d’autres, ils n’ont jamais rien trouvé sur Sotaco International…

Que voulez-vous dire ?

En faisant croire des choses dont il n’avait pas le début d’une preuve, Monsieur Dominici a fait un mal terrible à ce club et à cette ville. Je m’explique : ce n’est pas parce que vous allez dîner chez des gens qui ont un bel appartement à Paris que vos hôtes ont les moyens d’apporter des dizaines de millions d’euros dans un club de rugby…

Du coup ?

Nous payons tout ça aujourd’hui : toute solution envisagée pour reprendre le club paraît aux yeux des gens "riquiqui", étriquée par rapport au rêve que l’on a vendu aux Biterrois aux prémices de ce feuilleton. […] Monsieur Dominici n’est plus le bienvenu dans cette mairie.

Mais vous avez pourtant poussé pour les Émiratis, à un moment donné…

Comprenez-moi : comme tout le monde, j’ai voulu y croire ! Le problème, c’est que chaque fois que j’ai demandé des choses précises – et pas du blabla ! - je n’ai jamais été satisfait. Je n’ai jamais eu entre les mains de documents bancaires dignes de ce nom. Personne, d’ailleurs, ne les a jamais eus. La réalité est là.

La question qui nous a tous hantés, à un moment ou à un autre, est la suivante : s’ils n’ont pas les fonds, pourquoi viennent-ils ?

Il y a des moments où faire parler de soi, être au cœur d’un débat national, c’est toujours flatteur pour l’ego. Même si vous ne cessez d’expliquer que d’ego, vous n’en avez pas…

Avez-vous des regrets par rapport à la conduite de ce dossier du rachat de Béziers ?

J’ai trop voulu croire à ce père Noël, peut-être… Je me suis rapidement rendu compte qu’il y avait des zones d’ombre mais, en même temps, je n’ai jamais voulu leur fermer totalement la porte. Je me disais : "S’il y a une chance sur cent que ce soit vrai, donnons-nous là !" (il soupire) Oui, peut-être aurais-je dû leur fermer la porte plus tôt… (il marque une pause) Aujourd’hui, j’en veux aux Émiratis de ne pas avoir tenu leurs engagements.

Nombreux ont été ceux qui se sont penchés sur ces fonds émiratis. Mohed Altrad, qui emploie plusieurs milliers de gens dans le Golfe, n’avait par exemple rien pu vous dire par rapport à Sotaco International…

Et c’est bien pour ça que les doutes ont germé. Que ce soit Mohed Altrad, ma femme Emmanuelle (député de la 6e circonscription de l’Hérault) ou d’autres, ils n’ont jamais trouvé la moindre information sur Sotaco International… Mon épouse a personnellement demandé à l’ambassade de France aux émirats des renseignements mais personne n’a été capable de donner le début d’une preuve.

Vous connaissez Bernard Laporte et Vincent Moscato. Que vous ont-ils dit, ou même conseillé, à un moment de ce feuilleton ?

Bernard Laporte a été très proche de Christophe Dominici à une époque de sa vie. Il m’a dit et redit à la fin du feuilleton : "Attention, sois prudent." Quant à Moscato que j’ai appelé après l’interview de Christophe Dominici diffusée sur RMC, il était comme moi : atterré. […] Christophe Dominici fut un immense joueur de rugby mais il aurait dû s’en tenir à cette réputation-là.

Vous avez été l’une des rares personnes à rencontrer Samir Ben Romdhane, le souteneur du projet émirati. Quelle impression vous avait-il faite, au juste ?

Celle d’un garçon sympathique, ouvert, amical ; une personne avec qui vous avez envie de déjeuner sans hésiter, ce que j’ai fait. Samir Ben Romdhane avait un vrai talent pour dire les mots que tout le monde avait envie d’entendre. Mais tout ceci ne fait pas quelqu’un capable d’amener réellement l’argent qu’il promettait. […] Je suis déçu parce qu’on a joué avec ma ville. Je suis amer parce que ce feuilleton a laissé des traces indélébiles à Béziers. Je suis inquiet parce qu’un certain nombre de gens continuent à colporter de fausses informations et à croire que les Émiratis ne sont pas totalement écartés du nouveau projet.

Puisque vous parlez de "rumeurs", la dernière courant à Béziers assurait pourtant que vous aviez rencontré les Émiratis en mairie, mardi soir…

(il coupe) Mais enfin, comment faut-il vous le dire ? C’est la vingtième fois qu’on m’explique que je déjeune, dîne ou reçois les représentants de Sotaco ! C’est insensé ! Mardi soir, je dînais en famille pour dire au revoir à ma fille, qui va suivre ses études à Paris. Et ce dîner était plus important que n’importe quoi, pour moi. (il soupire) Putain, ça me tue… Mais comment peut-on dire ça ? Comment peut-on dire que j’ai vu ces gens-là ? Pourquoi veut-on nous faire croire qu’ils entreront bientôt dans le club ?

Aucune idée…

Je peux dire un dernier mot ?

Allez-y.

Je suis inquiet de voir l’état d’esprit de nos supporters. Leur attitude est irresponsable. En temps normal, à cette époque de l’année, le club compte mille trois cents abonnés et, cette saison, nous en avons seulement trois cents. Il en manque mille ! Agir ainsi, c’est jouer avec le feu. J’ai donné ma parole aux supporters que nous sauverions le club et c’est ce que nous sommes en train de faire, quitte à revenir sur mes propres engagements qui consistaient à dire que la mairie ne mettrait plus un centime dans l’ASBH. Je le fais parce que nous ne pouvons pas laisser tomber le club. Et personne, parmi les supporters, ne me donnera une leçon d’amour du club.

Ce week-end, Béziers entamera bien une nouvelle saison en Pro D2, ce qui était loin d’être acquis au début de l’été.
Ce week-end, Béziers entamera bien une nouvelle saison en Pro D2, ce qui était loin d’être acquis au début de l’été. Icon Sport - Icon Sport

D’accord…

Je suis présent à tous les matchs de l’ASBH, en première mi-temps avec les officiels, en deuxième période avec les supporters. De leçons, je ne veux donc en recevoir de personne. Simplement, ne pas prendre son abonnement aujourd’hui, ne pas être présent au stade, c’est donner un coup de poignard dans le dos du club. Je le dis et le répète : les deux personnes qui étaient à la tête du club (Bistué et Valaize) n’y sont plus. Il est plus que temps de repartir de l’avant.

Quoi d’autre ?

Contre Toulouse en amical, on a fait seulement 3 500 entrées payantes alors que Didier Lacroix (le président du Stade toulousain), à qui je veux rendre hommage, avait une fois de plus accepté de venir à Béziers, avec sa belle équipe, pour aider le club. Et qu’ont fait de nombreux anciens de l’ASBH ? Ils ont boycotté le match contre le grand Stade toulousain, eux aussi ? Aiment-ils encore le club ?

On vous sent en colère.

Oui, je le suis ! Nous avons sauvé le club, homologué les contrats, apuré les finances, changé de dirigeants ! Que veulent-ils de plus, tous ? Que je sois écartelé sur la place publique ? Nom de Dieu !

Ce feuilleton aura laissé de vraies séquelles dans la ville : l’ancien coprésident Pierre-Olivier Valaize a été menacé de mort, les enfants de Louis-Pierre Angelotti se sont fait cracher dessus… Avez-vous revu ces hommes-là, dernièrement ? Où en sont-ils ?

Oui, je les ai croisés à nouveau. (il marque une pause) Je m’en veux : j’aurais dû soutenir davantage Louis-Pierre Angelotti. Cet épisode l’a profondément blessé. Lui qui avait soutenu des années durant le football, le rugby, le volley et de si nombreuses associations des villages alentour a non seulement vu des gens lui tourner le dos mais aussi l’insulter, le menacer… C’est juste insupportable et il n’en revient toujours pas. C’est la raison pour laquelle il s’est retiré de l’ASBH et je le comprends. (il coupe) Le rugby engloutit parfois la raison, ici.

C’est la nature du sport.

Peut-être… Mais si Valaize, Bistué et Angelotti n’avaient pas été là, le club n’existerait plus en Pro D2. Il faut les remercier pour ce qu’ils ont fait ! Sans eux, l’ASBH serait avec Tarbes, Lourdes, Narbonne ou Dax. Et cela, certains l’oublient…

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Les commentaires (1)
Doterive Il y a 3 années Le 04/09/2020 à 12:24

Bonne chance en cinq lettres à Béziers !