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Narbonne : retour d’un bastion historique

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    Narbonne : retour d’un bastion historique Midi Olympique
Publié le Mis à jour
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Voilà donc le Racing Club de Narbonne de retour dans le monde professionnel. décryptage des étapes d’une destinée émouvante et cruelle. Ceci est une version rallongée de l'article paru dans Midi Olympique du 7 juin.

Narbonne retrouve le Pro D2, un niveau plus conforme à l'histoire et à l'aura de ce club pour qui le label « historique » n'est pas galvaudé. Narbonne, c'est deux titres de champion de France (1936 et 1979), neuf challenges Yves Du-Manoir, le dernier en 1991, et 34 internationaux dont Walter Spanghéro et Jo Maso, le dernier en 2005 (Julien Candelon).

Les prémices : club de vituculteur

Ce fut le premier âge d'or du RCN, avec un Brennus gagné en 1936, mais aussi deux finales et deux demi-finales perdues. Comment fonctionnait-alors le club en ce temps qui nous paraissent si reculés ? Avec des joueurs du crû et une poignée de dirigeants locaux, dont le président David, médecin de son état. Le club avait l'image d'une équipe populaire, avec beaucoup de viticulteurs. La presse avait monté en épingle la finale de 1936 face à Montferrand sous un angle politique. Il y avait d'un côté, les « 200 familles » capitalistes, les Michelin contre une équipe de gars du peuple. En plus, Léon Blum, président du conseil et leader du Front populaire s'était fait élire dans l'Aude à partir de 1929. Pour la petite histoire, celui qui marqua l'essai décisif de la finale 36, Francis Vals sera ensuite élu maire socialiste de Narbonne. 

L’âge d’or : Pech de la Clause, statue du commandeur

Après un premier âge d’or dans les années 30, le club ressuscita avec l’arrivée à la présidence en 1962 d’un homme étonnant. Bernard Pech de Laclause, 29 ans, plus jeune président de France. Sous son impulsion, le RCN devient un club de premier plan. Il était notaire, il savait se montrer généreux évidemment, mais il n’était pas un mécène. Disons qu’il a créé une vraie dynamique, autour de quelques entreprises locales et avec le soutien de la municipalité. Son aura, sa passion, sa capacité à fédérer les énergies correspondaient parfaitement au rugby de ce temps-là où les joueurs exerçaient tous de vrais métiers. Pech de Laclause n’était pas extravagant, ni mégalomane pour autant. Les succès de son club fétiche lui suffisaient.

Narbonne : retour d’un bastion historique
Narbonne : retour d’un bastion historique Midi Olympique

Avec lui, Narbonne devint une vraie place forte avec des équipes composées à 80 % de joueurs locaux, fruits d’une formation locale de premier choix, élément capital. La seule vraie concession au recrutement extérieur fut la venue en 1973 de Lucien Pariès, formé à Biarritz. Après un premier départ en 1980, Pech de Laclause revint de 1987 à 1991. Ses premiers successeurs (Molveau, Pribat, Despoux) étaient dans sa mouvance. On peut considérer que ses deuxièmes successeurs, François Sangalli et André Maratuech, étaient toujours dans sa filiation. Le Du-Manoir 1991 (neuvième du nom) reste le dernier trophée majeur du RCN titulaire aussi de deux Brennus.

Le professionnalisme : quand de Pouzilhac regardait encore vers le haut

Avec le professionnalisme, le modèle traditionnel du RCN fut totalement secoué. Mais le club continua à regarder vers le haut pendant six ou sept ans. Gérard Bertrand, ancien joueur devenu chef d’entreprise dans le monde viticole, prit le relais et fit appel à une personnalité parisienne, Alain de Pouzilhac, directeur de l’Agence Havas (mais Narbonnais d’origine). Avec Pierre Berbizier aux commandes, le club avait encore de l’allure et de l’ambition, mais De Pouzilhac finit par lâcher l’affaire, vexé par l’hostilité d’un noyau de purs Narbonnais. À partir de cette époque, le club cessa de regarder vers le haut. Même si en 2001, il joua une finale du Challenge européen.

Dans les années 2000, l’arrivée de Gilbert Ysern provoqua quelques espoirs. Cet autre Narbonnais d’origine avait réussi à Paris jusqu’à devenir directeur du Tournoi de Roland-Garros et DG de la Fédération Française de Tennis. Il fut aussi cadre d’Amaury Sport Organisation. Il passait pour un homme de réseaux, mais il n’empêcha pas la descente en Pro D2 de 2007, borne historique funeste. On n’oublie pas le passage de Joël Carrère, chef d’entreprise, originaire de Pau, venu par admiration du RCN. Dans les années 2009-2010, il ne put enrayer la chute, mais les vrais amoureux du club se souviennent du millions d’euros qu’il paya de sa poche.

L'incroyable parenthèse Elsom

De 2013 à 2016, l'ancien troisième ligne australien Rocky Elsom (75 capes) s'est retrouvé à la tête du club, à la surprise générale car cet excellent joueur en fin de carrière, n'avait aucun lien au départ avec le RC Narbonne, ni avec le rugby français d'ailleurs. Il est arrivé dans l'Aude en provenance du Japon et d'un passage comme joker médical à Toulon. Il n'avait que trente ans, mais il était blessé à l'épaule.

L'épaisseur de son CV avait de quoi impressionner les supporteurs de Narbonne. Mais il n'a que très brièvement chaussé les crampons (neuf feuilles de matchs), il s'est surtout évertué à prendre le contrôle du club qui était déjà détenu par des Australiens, FG management depuis 2011. A la tête de cette société, il y avait une autre figure connue, Bob Dwyer, l'ancien sélectionneur des Wallabies (aux côtés de Daryl Gibson et Stephen Cook). Au départ, FGM venait comme partenaire généreux mais six mois plus tard, la société prenait le contrôle du club. La présence de ces investisseurs venus du bout du monde semblait déjà assez étrange, mais à côté d'Elsom, ils font figure  de bons samaritains.

Rocky Elsom a pris le contrôle du RC Narbonne en un tournemain, dans des conditions très opaques. En tout cas, lui, ne les a jamais expliquées. Mais qu'a-t-il expliqué durant ses trois ans de présidence ? Et à qui ?

Jamais nous n'avions vu un président aussi secret. Ses confidences à la presse ont été aussi rares que celles de la Reine d'Angleterre. Il semblait prendre un malin plaisir à couper le club de la ville, de ses supporteurs, de ses élus, des partenaires et de tous les médias. Il surgissait au dernier moment juste avant les matchs, affectant de ne pas parler français. Même avec ses pairs, lors des réunions des présidents du monde professionnel, il demeurait plus que circonspect.

Reconnaissons-lui,une étoile à son palmarès, une demi-finale d'accession en 2014 (perdue face à  Agen). Pour le reste, il a donné l'impression de faire "vivoter" le club avec des bouts de ficelle en se payant sur la bête (il avait signé un contrat de joueur au départ), en se soignant grâce à la générosité du système français et en recrutant une masse de joueurs venus de l'hémisphère sud, certains corrects, certains moyens d'autres fantomatiques. Avait-il des liens particuliers avec eux ? Dès le départ, nous avions eu des doutes en le voyant laisser partir facilement plusieurs bons joueurs français (Beaux, Lima, Grammatico, Aurignac, mais aussi Josh Valentine) pour les remplacer par ce qu'on appellera pudiquement des "hommes à lui". On se souvient notamment de l'arrivée de l'ancienne gloire Piri Weepu, vraiment en bout de course.

Narbonne : retour d’un bastion historique
Narbonne : retour d’un bastion historique Midi Olympique

Rocky Elsom a multiplié les décisions brutales, parfois incongrues et même mesquines. N'a-t-il pas décroché la photo de l'équipe championne 1979 des locaux du club ?

On l'a vu également entrer en conflit avec les socios du club de Gérard Sutra qu'il a traité par un mépris laconique alors qu'ils avaient réuni 250 000 euros. On l'a vu aussi refuser de donner à l'association (responsable du Centre de formation) la somme qu'il lui devait légalement. Début 2016, on l'a vu dissoudre autoritairement le Conseil de Surveillance du club, rien que ça, pour le remplacer par des organismes très vagues et à sa botte. Il a même refusé de s'entendre avec des possibles investisseurs ….qataris (fin 2015), divine surprise qui a fait long feu.

On passe ici sur la valse des entraîneurs, même son compatriote Justin Harrisson a fini par être en conflit ouvert avec lui. Par moment, l'attitude d'Elsom confinait au cynisme, vu la déconfiture du club, il semblait mettre la pression sur les autres bienfaiteurs potentiels possibles pour éviter le pire .

Tout ça s'est terminé en juin 2016 avec une trou de 750 000 euros et une rétrogradation administrative de la DNACG. Rocky Elsom se fit prier pour faire appel in extremis. Des investisseurs locaux réunis autour de Gérard Bertrand se sont alors réunis pour reprendre le contrôle du club et, enfin, faire partir Rocky Elsom.

Celui-ci s'éclipsa prestement, sans tambour ni trompette, pour de nouvelles mystérieuses aventures. Qui peut savoir ce qu'il fait à l'heure actuelle ? Il n'est plus réapparu à Narbonne. Ceux qui lui ont succédé autour du nouveau président Bernard Archilla, ont paraît-il découvert des "mines" dans les comptes du club

Deux ans après, le club s'est retrouvé bel et bien en Fédérale 1. Que retenir de cette folle aventure ? Que pour la première fois, nous avons vu un club de rugby "privatisé" au mauvais sens du terme. Un club s'est retrouvé comme un jouet dans les mains d'un petit "patron" sans attaches avec son histoire ni avec sa région. L'équipe aux deux Brennus et aux neuf Du-Manoir s'est retrouvée gérée comme une sorte de salle de transit ou de gare de triage. Sa présence au cœur du Pro D2, loin du regard des grands médias a sans doute favorisé cette incroyable expérience, stigmate du professionnalisme dans ce qu'il a de plus glaçant.

En 2018, ce fut donc la descente en Fédérale 1, nouvelle borne douloureuse avec une liquidation de la SASP avec un passif de 885 000 euros.

Le renouveau : le club des cinq relève le défi

En 2018, le club repartit "à l’ancienne" sous l’autorité de la seule association présidée par Jean-Louis Caussinus et un budget de 2 millions d’euros pour une saison tristounette en Fédérale 1. Le fatalisme, voire le désespoir était en train de gagner la sous-préfecture. Mais en 2019, cinq personnalités se sont levées : Philippe Campos, Gilles Belzons, Marc Delpoux (trois anciens joueurs), Xavier Marco (négociant fruit et légumes), et Jean Ormières (magistrat à la retraite). Pas de grosses fortunes, ni des capitaines d’industrie, mais ils ont fait bouger les lignes. Ils sont en train de créer une nouvelle SAS (S) P avec un capital constitutif de 75 000 euros. Les cinq fondateurs ont été rejoints par Jacques Bascou, ancien maire et président de l’agglomération. Ils veulent ouvrir le capital du club aux plus grand nombre (action de base à mille euros), à l’association, aux socios ou à des partenaires (pourquoi pas Bertrand ?). Le discours de Philippe Campos est optimiste : "Le public est toujours là. Il est plus facile de monter un budget de 5 ou 6 millions en Pro D2 que de 3 millions en Nationale, grâce aux droits télés à l’aide de la LNR pour commencer et à la médiatisation. Le RCN peut être un bon vecteur de communication pour des investisseurs. Il y a quelques bons projets dans le coin, l’extension de Port-la-Nouvelle, une nouvelle clinique. La présence d’autres clubs à proximité ? C’est une chance."

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