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Simon Gillham : « Le rugby doit se battre contre les préjugés »

Par Propos recueillis par Jérémy Fadat
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    Gillham : « Le rugby doit se battre contre les préjugés » Icon Sport
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Le Président de Brive Simon Gillham est engagé sur ces questions depuis très longtemps.

Vous êtes toujours mesuré dans vos prises de parole mais avez réagi publiquement, sur votre compte Twitter, sur cette affaire…

Oui, c’est vrai. Il doit y avoir zéro tolérance pour des propos racistes, homophobes ou sexistes.

Avez-vous été surpris par cette polémique ?

J’ai été surpris des propos tenus par un joueur qui évolue en Top 14 ou Pro D2 depuis longtemps. D’autant que, quand on joue au rugby, c’est avec des personnes d’origines différentes. Si tu insultes quelqu’un sur sa couleur, tu insultes aussi tes coéquipiers. Pour moi, il n’y a pas de circonstances atténuantes. Tu peux dire « tu es un gros fainéant » mais pas tenir des propos de ce genre, croire que ça va mieux parce que tu t’es excusé. Il n’y a pas d’excuse.

Que pensez-vous de la sanction ?

Zéro tolérance, c’est zéro tolérance. En réduisant la peine de 52 à 26 semaines, il y a quand même une tolérance. Il ne doit pas y en avoir. De façon plus large, nous devons toutes et tous œuvrer pour l’inclusion et la diversité dans le rugby.

Comment ?

Je suis un militant, très engagé sur ces sujets. Je suis content de voir que la Ligue, sous l’impulsion de Paul Goze puis avec René Bouscatel et Thomas Otton à la communication, met en place de belles initiatives là-dessus. Idem pour France 2023, avec Claude Atcher qui veut rassembler autour de cet événement des gens qui ne s’identifient pas au rugby. Il y a eu un moment fabuleux à l’In Extenso Sevens à Toulouse, avec un match entre une équipe LGBT et une équipe de migrants. C’était certainement le plus beau de la journée, mais sur le terrain annexe. Pourquoi ne l’a-t-on pas joué sur le terrain principal ? Ces sujets doivent être centraux. J’ai tout de même dit à la Ligue que je soutiens les initiatives mais je n’étais pas favorable à « plaquons l’homophobie ». C’est agressif et négatif. Je préfère parler d’inclusion, de diversité, ce qui est positif. Tout le monde peut venir dans le rugby et y trouver quelque chose. Plutôt que « luttons contre », je préfère « venez avec nous ».

Pourquoi ?

Ce qui me choque, c’est que ce sont les blancs qui décident de protéger leurs amis noirs, homosexuels ou femmes. Nous ne sommes pas les blancs sauveurs ! Je préfère un message de bienvenue. Le rugby est un fantastique vecteur de lien social. Je vous raconte une anecdote. À Paris, à travers une association, nous accueillons des réfugiés afghans en difficulté. Des garçons ont longtemps logé à la maison, dont Tariq qui n’avait jamais joué au rugby. Il était un peu agressif, je l’ai amené au rugby. Pour son premier match, il était à l’aile. Il parlait mal français ou anglais, on lui a dit : « Si tu as le ballon, tu cours vers là-bas. Si quelqu’un vient sur toi, tu le plaques. » Au bout de cinq minutes, Tariq fonce sur le mec en face et le renverse. Sauf que le ballon était à vingt mètres ! Les adversaires ont couru vers lui mais ses partenaires sont venus le défendre et dire : « C’est un Afghan qui n’a jamais joué, soyez sympas. » Le reste du match, les joueurs des deux équipes lui disaient où se placer. Aujourd’hui, Tariq joue encore chaque semaine. Pour moi, c’est ça le rugby.

Doit-on aller plus loin ?

C’est peut-être un mal pour un bien, pour se poser la question : que veulent dire inclusion et diversité dans le rugby ? Travaille-t-on assez sur ça dans les clubs ? Il faut déjà commencer par la diversité dans nos instances dirigeantes et parmi nos entraîneurs. Nous l’avons sur le terrain, pas dans les instances. Une phrase en anglais dit « you can’t be what you can’t see ». Tu ne peux pas être ce que tu ne peux pas voir. Certains peuvent malheureusement se dire qu’ils n’ont pas leur place. On doit y travailler à tous les niveaux. À Brive, on a mis l’accent sur l’amélioration du rugby féminin. C’est une obligation si nous voulons vraiment être un club inclusif. On a aussi deux femmes au conseil d’administration. C’est peu mais, au moins, elles nous font nous poser les bonnes questions.

Le rugby doit-il se battre contre sa culture ?

Il doit se battre contre les préjugés. On ne va pas se voiler la face, le rugby est un sport viril, avec un langage masculin, où on joue avec les c... Il faut réfléchir à ce que personne ne se sente exclu. Même dans les réunions de président, il m’est arrivé d’entendre des mots que je ne supporte pas. Quand c’est le cas, je le dis. Mais la réponse de quelqu’un qui émet un propos raciste est toujours : « Tu n’as pas le sens de l’humour. » Il faut être vigilant. Certains stéréotypes peuvent être drôles. Samedi, j’ai entendu trente fois : « Tu dois être content, c’est un temps britannique. » J’ai ri, c’est gentil. Mais d’autres préjugés sont blessants et faux. J’entends parfois que « tous les Fidjiens sont paresseux ». C’est aberrant. Ça veut dire quoi ? Les Fidjiens, à Brive, travaillent dur, envoient l’argent gagné à leur famille. Ce sont des hommes formidables que nous sommes fiers d’avoir avec nous.

Vous avez aussi un capitaine, Saïd Hirèche, international algérien et très respecté…

Il est respecté parce qu’avant tout, il mène par l’exemple. Samedi soir, je discutais avec un nouveau joueur, qui m’a dit : « Ici, c’est une famille et on peut appeler Saïd dès qu’on a un problème. Il est gentil, disponible et aide toujours. » Saïd a prononcé un jour une phrase fabuleuse. On lui a demandé : « Comment menez-vous toutes ces nationalités dans l’équipe ? » Il a répondu : « C’est comme mon immeuble à Mantes-la-Jolie où on avait dix-sept nationalités différentes. » Ça résume tout.

Avez-vous été victime de propos déplacés, sous couvert de la rivalité franco-anglaise ?

Au début, à Brive et ce n’est rien par rapport à ce qu’il s’est passé à Aix-en-Provence, j’ai reçu des lettres anonymes : « Rentre chez toi, rosbif ». C’est tellement bête… Quand on gagnait, j’étais le plus Corrézien des Anglais.Quand on perdait, ça devenait : qu’est-ce qu’il fout là l’Anglais ? Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Faut-il combattre le cliché selon lequel « ce qui se passe sur le terrain reste sur le terrain » ?

Tout n’est pas permis sur un terrain. Arracher l’oreille d’un joueur est interdit. Idem pour l’insulte raciste, qui est punie par la loi. Quelle image renvoie-t-on aux mamans et papas qui veulent mettre leurs enfants au rugby ?

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