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Top 14 - Bordeaux-Bègles : Santiago Cordero, parcours d’un grand voyageur

  • Santiago Cordero, ailier aux appuis de feu.
    Santiago Cordero, ailier aux appuis de feu. Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
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L’ailier des Pumas est arrivé à Bordeaux-Bègles en même temps que Christophe Urios, en 2019. Il est devenu l’une des armes offensives décisives de l’UBB. Tout un département comptera sur ses fameux crochets pour retrouver les demi-finales.

Ça nous avait un peu échappé sur le coup. Mais contre Lyon, pour le dernier match de la saison régulière à Chaban-Delmas, il a fêté son cinquantième match sous le maillot de l’UBB. Pour un joueur arrivé en 2019 et potentiellement international, le chiffre en dit long sur l’importance qu’a prise Santiago Cordero à l’UBB. Le petit lutin argentin a donc découvert Bordeaux en même temps que Christophe Urios.

Avec Maxime Lucu, il est l’un des joueurs totems de l’ère Urios, dans le genre « Saeta Rubia », une flèche blonde à la Alfredo Di Stefano avec une sorte d’éternelle jeunesse. Il est frappant quand on se retrouve en face de lui de constater son allure juvénile, alors qu’il a déjà 29 ans et tout un parcours derrière lui.

Il va retrouver dimanche le Racing, un adversaire qui lui a si bien réussi le 29 novembre dernier quand il signa à l’Arena de Nanterre un triplé en quinze minutes, héros d’une victoire magnifique de l’UBB : 37-14, l’un des plus beaux exploits de l’UBB sous l’ère Urios. Ce jour-là, Santiago Cordero était tellement euphorique qu’il poussa le curseur jusqu’au quadruplé, mais son dernier essai fut refusé à la vidéo.

Un film était sorti sur l’aventure de la Coupe du monde 2007 avec Agustin Pichot et toute sa bande. Pendant toute une période, j’ai dû le voir une fois par jour.

On se souvient qu’il revenait juste d’une campagne automnale tristounette avec les Pumas. Le sélectionneur Mario Ledesma ne lui avait offert qu’une sélection sur trois possibles, mais il avait marqué un essai contre l’Italie. Quand on le voit multiplier les courses dangereuses avec l’UBB, on se demande comment un sélectionneur peut se passer de lui et comment, il a pu manquer la Coupe du Monde 2019. Mario Ledesma ne l’avait pas mis sur sa première liste alors que « Santi » faisait une saison exceptionnelle en Angleterre.

Puis il l’avait rappelé in extremis pour le Tournoi de l’Hémisphère sud avant, à nouveau, de se passer de ses services pour le Mondial. Le choix avait interpellé sur le moment, à l’instar des absences de Facundo Isa ou de Juan Imhoff. On avait compris que la Fédération argentine privilégiait ceux qui étaient restés au pays avec la franchise des Jaguares. Santiago Cordero, lui, avait signé à Exeter début 2018. Évidemment, notre raisonnement est subjectif, mais on s’est toujours dit que les Pumas auraient été plus dangereux avec leur lutin blond, tant mieux pour le XV de France, vainqueur d’extrême justesse 23-21 à Tokyo (Matias Moroni et Ramiro Moyano aux ailes).

Privé de mondial 2019

Santiago retrace ce moment forcément difficile : « C’était une déception car je sortais d’une saison réussie avec Exeter. Mais Mario Ledesma avait travaillé deux ans avec les Jaguares et il les connaissait très bien. Il m’a prévenu qu’il avait ses quatre gars pour le trident arrière, et que derrière eux j’aurai peu de temps de jeu. Il a ajouté qu’il préférait prendre un joueur plus jeune pour être réserviste et que comme ça, je pourrais me consacrer pleinement à mon nouveau club. Malgré ma déception, j’étais content, car il m’a dit la vérité. »

On se souvient de son premier match, début septembre 2019 et une victoire à Castres (34-32), pour le premier retour de Christophe Urios dans son ancien club. Il n’avait pas marqué, mais ses interventions incisives prouvèrent tout de suite l’importance de son recrutement. Le Puma avait l’étoffe pour faire franchir un cap à l’UBB. Il a déjà marqué 21 essais sous le maillot frappé du scapulaire, dont deux triplés, face au Racing et en Coupe d’Europe face aux Newport Gwent Dragons en décembre 2020.

Santiago avait été énorme avec les moins de 20 ans, tout le monde a compris que c’était un facteur X, un gars capable de faire exploser les défenses les mieux organisées par ses prises de risque.

Santiago Cordero a été formé dans l’agglomération de Buenos Aires chez les Regatas de Bella Vista. Club sérieux sans être non plus l’une des écuries les plus productives en internationaux argentins outre Santiago. « Mon père a joué un peu, jusqu’à 17 ans, mais ma famille n’était pas spécialement fan de rugby. J’ai découvert ce sport à l’école avec un entraîneur qui était de Bella Vista. C’est comme ça que j’ai commencé. » Il découvre alors les Pumas dont il avait peu entendu parler dans sa prime enfance : « Un film était sorti sur l’aventure de la Coupe du monde 2007 avec Agustin Pichot et toute sa bande. Pendant toute une période, j’ai dû le voir une fois par jour. »

Sur un plan plus personnel, il s’identifiait au Gallois Shane Williams, souris plus maline que les chats : « Ahhh, ses fameux tchic-tchac. » Son itinéraire est celui d’un attaquant surdoué évidemment, celui qui attire immédiatement les regards des spécialistes et des profanes. « En Argentine, il y a les « Trials » où chaque club envoie trois, quatre ou cinq joueurs dans des sortes de tournois où tout le monde est mélangé. On est réparti par couleurs de maillot. Je me suis retrouvé chez les rouges, j’ai fait des matchs avec des gars de tout le pays, de Buenos Aires, de Tuciman de Rosario. Et puis, peu après j’ai reçu chez moi une lettre qui me disait qu’on avait pensé à moi pour représenter la Province de Buenos Aires mais aussi l’Union argentine de rugby. Sur le coup, je n’ai pas bien compris la différence. C’était parce qu’à cet âge-là, le tournoi des Provinces est important. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé à m’entraîner presque tous les jours, avec mon club, ma province et la fédération, tout en continuant l’école. À la fin de l’année scolaire, je me suis préparé à aller à l’université, mais j’ai commencé à voyager pour le rugby car je me suis retrouvé à la coupe du monde des moins de 20 ans en Afrique du Sud alors que j’étais surclassé. Je fais partie de la génération Isa, Lavanini, Montoya… Nous sommes allés jusqu’en demi-finale. »

Toujours à la recherche d’un titre

C’est cette compétition et l’année 2012 qui ont tout changé pour lui. Mauricio Reggiardo qui faisait partie du staff des Pumas se souvient. « Il avait été énorme avec les moins de 20 ans, tout le monde a compris que c’était un facteur X, un gars capable de faire exploser les défenses les mieux organisées par ses prises de risques. Il nous avait tapés dans l’œil. » Santiago reprend : « Je me suis retrouvé appelé par Santiago Phelan chez les Pumas pour la tournée de novembre en Europe. Je me suis retrouvé soudain avec des gars comme Felipe Contepomi ou Patricio Albacete, ce n’était pas rien. »

De quoi impressionner un joueur de 18 ans de nature timide : « Sur le plan amical, j’étais proche de gars comme Agustin Creevy ou Leonardo Senatore, même s’ils étaient un peu plus vieux que moi. » Cette année 2012 le précipita brutalement dans le grand bain : « J’ai signé un contrat professionnel, je ne pouvais plus jouer avec mon club qui était amateur. Mais en 2012, j’ai aussi été appelé par l’entraîneur de l’équipe nationale à sept. J’ai donc fait des étapes du circuit mondial. J’ai commencé à pas mal voyager. »

Santiago fut happé par le rugby de haut niveau : « J’ai fait partie de l’équipe des Pampas qui faisait la Vodacom Cup en Afrique du Sud. La fédération nous faisait faire beaucoup de choses différentes, c’était la seule façon de garder le rythme, c’était comme ça, mais ça demandait beaucoup de sacrifices. »

Retracer le parcours de Santi, c’est se rendre compte de la difficulté de pratiquer le rugby de haut niveau en Argentine et ce pour des raisons géographiques. Le pays des Gauchos est isolé du reste des grandes nations. « Après 2015, j’ai fait partie des Jaguares sous la direction de Raul Perez. C’était une expérience formidable, mais l’effectif n’était pas pléthorique, nous faisions beaucoup de matchs et il y avait tellement de voyages. »

On sent bien à travers ses propos combien cette vie itinérante peut-être pesante. Et combien l’expérience des Pumas entre 2015 et 2019, si séduisante qu’elle fut vue de l’extérieur, a représenté beaucoup d’abnégation pour ceux qui l’ont vécue. Un tribut si lourd payé aux aéroports, aux avions et aux hôtels, au décalage horaire et au final à la vie personnelle.

Avec le recul, on comprend mieux qu’il ait eu envie de répondre aux sirènes d’Exeter au cours de la saison 2017-2018 : « J’y suis arrivé comme joker médical et j’y suis resté une saison et demie. Une expérience formidable dans une belle ville. Nous sommes allés jusqu’en finale du championnat d’Angleterre. Pour moi cette expérience m’a aussi amené de la tranquillité. En Argentine, quand tu es international, joueur de l’unique équipe professionnelle du pays, tout le monde te regarde. En Angleterre, j’ai ressenti moins de pression. Cette saison 2018-2019 fait partie de mes meilleurs souvenirs, j’ai réussi pas mal de choses. L’entraîneur des lignes arrières Ali Hephner est l’un des techniciens qui m’a le plus fait progresser avec Daniel Hourcade, ancien sélectionneur des Pumas. »

Il ne le cache pas, le Top 14 lui paraît plus dur : « Oui, clairement, en France tu as la tête constamment dans le guidon, tu ne peux pas te relâcher et les saisons sont tellement longues que tu as moins le temps d’apprécier les bons moments. »

À Bordeaux, il a découvert une autre ville très belle, un personnel qui l’a vraiment impressionné – Semi Radradra- et un coach Christophe Urios qui a clairement expliqué qu’il désirait un titre. Ça tombe bien, Santiago Cordero n’en a toujours pas gagné depuis qu’il met le feu, crampons au pied aux défenses adverses.


L’épisode de 2019 n’a pas sonné le glas de la carrière internationale de Santiago Cordero. Depuis Mario Ledesma lui a fait faire neuf matchs dont sept comme titulaire. Il a participé à la victoire historique face aux All Blacks du 14 novembre 2020 : « En plein Covid-19, un souvenir extraordinaire évidemment, même si je n’ai joué que dix minutes. » Michael Cheika, le nouveau sélectionneur l’a couché sur sa première liste. Santiago a trouvé un nouvel aiguillon à représenter son pays : jouer enfin avec son frère Facundo, de six ans son cadet, appelé en novembre. « Oui, il joue lui aussi à Exeter. Il vient juste de devenir international, c’est mon grand objectif de jouer avec lui. »


Digest

Né le : 6 décembre 1993 à Buenos-Aires
Mensurations : 1, 75 m, 83 kg
Surnom : « Santi »
Poste : ailier, arrière demi de mêlée en dépannage
Clubs successifs : Regatas de Bella Vista, Jaguares, Exeter, Bordeaux-Bègles.
Sélections nationales : 33
1er match en sélection : Angleterre-Argentine à Twickenham, le 9 novembre 2013.
Points en sélection : 75 (15 essais)

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