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Procès Altrad/Laporte : chahuté, le président de la FFR remonte sur le ring

  • Bernard Laporte, président de la FFR, retourne devant le tribunal correctionnel de Paris dès ce lundi.
    Bernard Laporte, président de la FFR, retourne devant le tribunal correctionnel de Paris dès ce lundi. Abaca / Icon Sport - Abaca / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Ce lundi, Bernard Laporte a rendez-vous à 14 heures au tribunal correctionnel de Paris pour la deuxième partie de son interrogatoire. Celle-ci sera-t-elle aussi musclée que la première ?

Ce lundi, le prévenu Bernard Laporte se présentera face au tribunal correctionnel de Paris pour le deuxième volet de son interrogatoire. Au terme « volet », on pourrait toutefois préférer celui de « round », tant le clash inaugural, survenu jeudi après-midi du côté de la porte de Clichy, fut intense, acharné, entre la présidente du jury Rose-Marie Hunault et le patron de la FFR… La juge, qui s’est maintes fois excusée depuis le début du procès de méconnaître le monde du rugby et ses rouages, a pourtant remarquablement mené son premier interrogatoire, démarrant l’entretien par des considérations plutôt larges avant de tisser sa toile au fur et à mesure de l’audience, jusqu’à placer Bernard Laporte au centre de plusieurs contradictions. Après un incipit doucereux, au fil duquel « Bernie » conta son passé d’électricien et ses débuts au CABBG, il retraça son parcours d’entraîneur du Stade bordelais à Toulon, avant d’évoquer l’ambition qui l’habitait à l’époque où il se lança dans la course à la présidence de la fédération, en 2016 : « J’ai quitté le giron professionnel parce que je voulais m’engager, parce que le rugby français reculait. Je voulais redonner le pouvoir aux clubs, redistribuer l’argent du rugby professionnel et faire revivre un XV de France en plein déclin. Le résultat est là, aujourd’hui. »

S’ensuivit une longue démonstration de la part du président de la FFR, au terme de laquelle il tenta de faire comprendre au tribunal que le rugby français avait, à une époque où il était en souffrance, besoin d’argent pour réformer un système qu’il estimait, lui, à bout de souffle. Et qu’en ce temps où « les sponsors ne se bousculaient pas », le soutien financier de Mohed Altrad fut une bénédiction pour l’ovale tricolore dans son ensemble. « Devions-nous refuser l’argent dont le rugby avait tant besoin et que nul autre sponsor ne nous offrait ? », martelait Laporte pour légitimer, entre autres, la campagne « #France2023 » soutenue par Mohed Altrad en 2017. A-t-il alors convaincu la présidente ? Toujours est-il que celle-ci ne montra rien et, peu à peu, amena même Bernard Laporte sur le sujet central du procès, synthétisé en ces termes : le contrat d’image passé entre le milliardaire héraultais et le patron de la FFR, non exécuté après que son existence a été révélée par le Journal du Dimanche, a-t-il oui ou non placé l’élu fédéral dans un conflit d’intérêts ? Et pour se prémunir d’un faux pas éventuel, avait-il consulté les différentes commissions d’éthique qu’il avait lui-même mises en place à Marcoussis ? « La commission d’éthique avait disparu depuis trois ans quand je suis devenu président, disait l’élu fédéral. Je l’ai relancée. La Ligue Nationale de Rugby l’a d’ailleurs consultée pour savoir s’il y avait conflit d’intérêts ou pas lors de l’achat du maillot tricolore (par M. Altrad). - Et vous ? demandait alors la présidente. - Je ne l’ai jamais consultée. - Aucune question d’éthique ne s’est donc posée durant votre mandat, monsieur Laporte ? -Je n’en ai pas été alerté, en tout cas. - Et pourquoi l’avoir créée, cette commission, si vous ne la consultez pas vous-même ? »

Ce dialogue, plutôt vif, se concluait sur une autre question de la présidente, cette fois-ci relative à une charte de déontologie signée en 2015 par Pierre Camou (le prédécesseur de Bernard Laporte) et la LNR. « Je ne l’ai pas lue, disait Bernard Laporte, mais nous avons de notre côté créé la charte de l’élu fédéral. » À cet instant, la présidente demandait au prévenu si cette charte de l’élu fédéral devait être signée avant d’intégrer la FFR. Devant l’incertitude du prévenu, qui renvoyait alors madame Hunault au secrétaire général Christian Dullin, en charge de toutes les « questions régaliennes », la présidente disait : « Mais vous êtes en charge de quoi, alors ? » Laporte encaissait le coup puis répondait : « Je représente la fédération de rugby. Je suis son premier commercial. Je vais chercher des contrats… »
 

Comment interpréter le langage corporel de la présidente ?

Jeudi après-midi, la présidente du tribunal n’a donc pas épargné Bernard Laporte, le reprenant de volée quand il était imprécis ou trop léger sur certains aspects de sa fonction, ironisant carrément lorsque l’élu fédéral lui confia « ne pas avoir regardé en détail » le contrat d’image que lui avait proposé Mohed Altrad en 2017 : « Vous n’êtes pas très curieux, monsieur Laporte. Moins que le tribunal, en tout cas… »

Alors, il est évidemment difficile d’interpréter le langage corporel de Rose-Marie Hunault, dans son rôle lorsqu’elle houspille le prévenu Laporte, au centre d’une enquête policière ayant duré quatre ans et mobilisé des dizaines de policiers. « Elle a voulu marquer son territoire, nous disait vendredi soir un acteur de l’audience. Elle sait que le procès est d’importance, qu’il est médiatisé. Secouer Bernard Laporte, c’est aussi une façon de montrer qu’elle prend sa mission au sérieux et ira jusqu’au bout. Mais ça ne présage en rien de l’issue du procès. » Certes… Mais Rose-Marie Hunault et ses deux assesseurs se montrèrent néanmoins fort interloqués lorsqu’ils demandèrent à Bernard Laporte s’il avait demandé conseil à quelqu’un, au moment d’étudier le contrat d’image proposé par Altrad Investment Authority.

« Je l’ai montré à mon épouse, répondait le président de la FFR. Elle est avocate fiscaliste. - Mais cela ne fait pas d’elle une spécialiste de la question, rétorquait aussitôt la présidente. Le droit est un vaste monde. Je suis juge mais ne saurais moi-même me prononcer sur toutes les questions de droit. Avez-vous consulté un juriste de la FFR au moment de signer ? - Non, tranchait Laporte. Parce que dans ma tête, il n’y avait pas le moindre conflit d’intérêts : je n’ai pas signé un contrat avec le club de Montpellier ; j’ai signé avec l’entreprise Altrad Investment Authority (pour 150 000 euros hors taxes, N.D.L.R.) parce que cette entreprise est l’un des plus beaux fleurons de son secteur. Dans l’idée, je devais intervenir quatre fois par an pour motiver les salariés du groupe. Pourquoi aurais-je dû cacher ce contrat ? Je ne l’ai pas signé en tant qu’élu à la FFR mais en tant qu’entraîneur ayant gagné des titres avec Toulon ou le Stade français. - Vous auriez dû le clarifier par une clause, monsieur Laporte. »
 

La relaxe ? Elle semble inenvisageable…

De ce contrat d’image, remboursé par Bernard Laporte malgré les difficultés financières que rencontrait le président de la FFR (sa société BL Communication accusait alors un déficit chronique), découle la majeure partie des griefs qui sont aujourd’hui imputés à Bernard Laporte : a-t-il intercédé pour que la sanction prononcée par la commission de discipline de la Ligue envers le club de Mohed Altrad soit amoindrie ? A-t-il aussi aidé le groupe Altrad à devenir le sponsor maillot du XV de France, à une époque où seule l’entreprise du milliardaire héraultais semblait s’intéresser à la tunique tricolore ? Autant de questions qui restent, à ce jour, en suspens…

Ce lundi, Rose-Marie Hunault abordera donc en profondeur ces aspects-là du dossier avec l’élu fédéral avant que celui-ci ne cède place à la barre à Mohed Altrad puis à Serge Simon, et enfin à Claude Atcher. Les plaidoiries des avocats, elles, n’arriveront que la semaine suivante, la fin du procès étant attendue le 22 septembre. À l’issue de cette date, le tribunal aura devant lui plusieurs semaines pour rendre sa décision. Les enjeux, dîtes-vous ? Bernard Laporte est actuellement poursuivi pour six chefs d’accusation : la corruption passive, la prise illégale d’intérêts, le trafic d’influence, l’abus de confiance, le recel d’abus de biens sociaux et l’abus de biens sociaux. Si le tribunal retient la corruption et le trafic d’influence, tous deux graves, Bernard Laporte risque gros. Si ces deux griefs ne sont pas pris en compte par le tribunal et qu’il est sanctionné pour les autres, jugés moins sérieux, le président de la FFR pourra considérer ce dénouement comme une victoire, si l’on ose dire. La relaxe, elle, semble en revanche fort peu envisageable…

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