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Toulouse : Rodrigue Neti, atout du cœur

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    Rodrigue, atout du cœur
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Devenu taulier de l’effectif stadiste, dont il est aujourd’hui un des capitaines aux côtés de Julien Marchand ou Antoine Dupont, le Calédonien n’avait pourtant pas vocation à connaître une telle trajectoire, lui qui s’éclatait comme ouvreur ou sur la plage quand il était encore sur son "caillou". Neti, l’histoire d’un mec qui, à chaque étape, a su se forger un destin.

Imaginez la liste récente des capitaines toulousains : Julien Marchand, Antoine Dupont, Jerome Kaino, qui ont succédé à Thierry Dusautoir ou Florian Fritz… Puis Rodrigue Neti, capitaine en début de saison à Pau, comme il l’a été sur les doublons la saison passée. « Avoir été nommé est une immense fierté, une grande responsabilité, avoue l’intéressé. On parle du capitanat du Stade toulousain ! Je pense aux très grands capitaines passés dans ce club. » Le choix de le promouvoir, à une période où l’équipe traversait une série de revers, ne doit rien au hasard dans l’esprit du manager Ugo Mola, qui avait perçu ses qualités de meneur et l’unanimité qu’il fait. Lui, débarqué de Nouvelle-Calédonie à 16 ans, qui s’est forgé un caractère trempé dans un contexte alors inconnu. « J’ai toujours aimé avoir un certain leadership, poursuit-il. Je suis arrivé la même année que Peato Mauvaka, qui a deux ans de moins que moi.

Ensuite, il y a eu Alexandre Manukula et Bernard Thevenot, aussi venus de Nouvelle-Calédonie, puis Paulo Tafili. On était à peu près de la même génération, ça nous a aidés. Nous nous sommes soutenus quand ça n’allait pas et j’ai toujours pris soin d’eux, comme s’ils étaient mes petits frères. C’est naturel chez moi. » Mais, à l’instant d’évoquer ce parcours, Neti lâche : « Pour la plupart, on joue en professionnel et certains sont internationaux mais on ne doit pas oublier chaque étape cruciale de notre construction, en tant que joueur et surtout en tant qu’homme. » Car tout n’a pas été aussi rose que la ville dans laquelle il s’est épanoui. Pour le comprendre, il faut revenir aux origines, à plus de 17 000 kilomètres. Avec une constante : le ballon ovale. « J’ai constamment baigné dans le rugby, mon papa y a toujours joué et s’en occupe encore à l’URC Dumbéa, où j’ai commencé. » Et d’ajouter : « Je vais vous raconter une anecdote : mon papa était le capitaine du père de Matthieu Jalibert (militaire sur place, N.D.L.R.). Avec Matthieu, on a fait l’école de rugby ensemble en Nouvelle-Calédonie ! Lui aussi a débuté là-bas, on jouait dans la même équipe. Ce fut bref parce que son père est revenu en métropole. Quand je revois les photos, le fait de jouer contre lui désormais me fait remonter le temps.

Mon papa a aussi joué en sélection de Nouvelle-Calédonie avec le père de Sébastien et Romain Taofifienua, avec Abraham Tolofua, qui ont eu une trajectoire différente. Mon papa est resté sur le caillou comme on l’appelle. »

Il a d'aborde refusé l'offre toulousaine

C’est là-bas que Rodrigue Neti a fait ses classes en tant qu’ouvreur – « J’aimais jouer au ballon », sourit-il. Avec le rêve, comme tout gamin bercé par ce sport, d’en faire son métier ? « Jamais, réplique-t-il. Le rugby, c’était le plaisir de finir l’école et d’aller s’amuser avec les copains sur la plage. C’était le rugby des îles sous le soleil ! Je jouais avec mes potes, c’est tout, sans l’ambition de faire ce que je fais maintenant. » Mais, un jour, des dirigeants du Stade toulousain, dont Abraham Tolofua, sont venus sur place dans le cadre d’un tournoi international de rugby à 7 auquel Neti participait avec son équipe, et ont filmé un entraînement.

« J’ai fait partie des trois joueurs repérés, avec Rémy Siega (international à 7, N.D.L.R.) et un jeune Samoan. Mon père, qui était entraîneur principal du club, n’en revenait pas. Il s’attendait à tous sauf moi. » La proposition toulousaine est vite arrivée. « J’ai dit non. Je n’en avais pas envie, j’étais bien avec mes potes et ma famille. À 16 ans, je n’avais pas la maturité pour franchir ce pas. Ils m’ont répondu : « Ce n’est pas possible, il faut qu’on te laisse du temps, que tu réfléchisses. » Ils étaient là en décembre et m’ont donné six mois en vue de la rentrée scolaire. J’ai bien réfléchi et beaucoup parlé avec mon père. Il n’a pas pris la décision pour moi mais m’a conseillé. »

L’enfant de Nouméa a donc choisi de quitter ses racines et les vices qu’elles cachaient. « Finalement, je voulais sortir de ce milieu. J’ai grandi dans un environnement pas facile, avec beaucoup de délinquance. Vous savez, l’effet de groupe… J’ai des potes qui sont en prison aujourd’hui, des gens avec qui j’ai grandi. Ils ont pris un autre chemin. J’ai eu la chance d’avoir une bonne éducation, de saisir mon opportunité. J’ai toujours eu mes parents derrière moi et cela m’a aidé à faire le bon choix. J’ai dit : « D’accord, je viens. Si ça marche, tant mieux. Si ça ne marche pas, au moins, j’aurais vu autre chose que la NouvelleCalédonie. »

« Moi, je venais du rugby cocotier... »

Le jeune homme a débarqué à Paris, où il a passé une semaine chez son oncle, qui l’a ensuite emmené à Toulouse. Une année pour prouver et intégrer le centre de formation « Ce fut un choc culturel, d’autres codes. Tout changeait. Ce n’était pas la même mentalité et il a fallu s’adapter, dans un espace-temps très court. Je suis resté un an en famille d’accueil. » L’intégration en fut-elle simplifiée ? « Non, cela ne s’est pas très bien passé… »

Pudique, Neti ajoute juste : « Je ne l’ai jamais dit à mes parents, car je ne voulais pas qu’ils s’inquiètent et me demandent de rentrer. J’ai tout pris sur moi. Je ne l’ai même pas dit au club. Cela a renforcé mon mental, je m’en suis bien sorti. » Nul besoin de s’épancher davantage. L’acclimatation fut aussi épique sur le plan sportif, de façon plus légère. « Je n’avais jamais joué pilier et même jamais joué à XV. Mon premier match en Crabos, j’ai joué 8. Après, j’ai suis vite passé en pilier droit. Puis à gauche en espoirs. J’ai beaucoup travaillé avec Abraham Tolofua, qui fut important dans ma formation de pilier. C’était un peu dur la première année, je ne connaissais rien du tout à ce poste. J’ai commencé avec Julien Marchand, Thomas Ramos ou Arthur Bonneval pour ne citer qu’eux. » Et, pour son baptême du feu en première ligne, il fut servi sur « les habitudes du poste », comme il le dit en se marrant. « C’était à Béziers, Juju (Marchand) était au talon et moi à droite. Il m’a dit : « Allez, on relève la mêlée. » Moi, j’ai répondu : « Mais c’est quoi ça ? » Et lui : « C’est comme ça ici, on relève ! » Du coup, je me suis relevé… Enfin, je me suis juste mis debout. Je n’avais pas compris que c’était la bagarre ! C’était énorme, je découvrais, je n’avais pas cette culture… Moi, je venais du rugby cocotier : on va sur le sable et on joue avec le ballon qu’on a sous la main, on rigole, puis on se casse. Là, j’arrive et Juju m’annonce qu’on relève la mêlée. La première bagarre, ce n’était pas simple (rires). Mais s’adapter, c’était ça aussi. »

« Ugo (Mola) a su me cerner »

Neti a ensuite bien grandi, jusqu’à maîtriser ce poste dont il est un des meilleurs spécialistes en Top 14 dorénavant. En professionnel, il a surtout pris de l’ampleur depuis trois ans. « Le vrai déclic, ce fut dans ma vie personnelle, avec la naissance de ma fille Kaylee en 2019. Cela a modifié ma vision des choses, ça s’est vu dans ma carrière. J’ai mûri. Jusque-là, on va dire que, dans ma tête, je restais un « petit jeune » du groupe. Mon évolution fut assez conséquente. »

Aussi parce que le staff, en ne recrutant personne pour compenser les départs de Lucas Pointud en 2019 ou de Clément Castets en 2021, lui a apporté des garanties. « J’ai reçu le message : Ugo compte beaucoup sur moi, je le sais. » Mola, qui confiait un jour que, si certains joueurs ont besoin d’une concurrence accrue pour offrir leur plein potentiel, un mec comme Neti doit plutôt sentir qu’on a envie de se reposer sur lui. « Je suis comme ça, c’est vrai. Au début, il apprenait à me connaître et ça a pris du temps. Mais quand on s’est compris, il a vu ma progression positive. On a longuement parlé et il a su me cerner. Je marche énormément à la confiance, il en a conscience. Plus il m’en a donné, plus je lui ai rendu. »

Notamment en ce début de saison, avec la blessure de Cyril Baille. « Cela met toujours une pression car j’ai plus d’attention sur moi. Cyril est quand même le titulaire en équipe de France, je ne peux pas me permettre de rester sur mes acquis. » À l’image de sa trajectoire personnelle. « Ce fut un sacré bout de chemin. Mais je sais d’où je viens et par quoi je suis passé pour en être là. »

Les Bleus ? « C'est arrivé trop vite »

À l’automne 2020, Rodrigue Neti avait profité de la limitation à trois matchs pour les internationaux (après accord entre FFR et LNR) pour faire ses débuts avec le XV de France. Deux sélections, dans le cadre de la Coupe d’Automne des Nations, contre l’Italie (titulaire) et l’Angleterre (remplaçant). Les deux seules pour lui.

« Je crois que c’était précipité, reconnaît-il. C’était bien, une grande fierté pour ma famille et moi d’être appelé en équipe de France. J’étais content d’y être mais pas pour les raisons sur lesquelles j’étais attendu. »

En clair, lui a le sentiment de ne pas avoir saisi sa chance cette fois-là, de n’être pas parvenu à donner sa pleine mesure sportive. Neti n’était pas totalement prêt et a trop subi les choses. « Je n’ai pas su croquer le truc à pleines dents, poursuit-il. Je pense que c’est arrivé trop vite. Si je venais à être rappelé maintenant, je crois que j’ai vraiment basculé. » Depuis, son statut a changé en club et il apporte des garanties plus impressionnantes. De quoi lui laisser l’espoir de revenir à Marcoussis, avec le Mondial 2023 en ligne de mire ? « Ce serait mentir de dire que je n’ai pas cette ambition. »

Digest

Né le : 26 avril 1995 à Nouméa (Nouvelle-Calédonie)

Mensurations : 1,85m, 124kg

Poste : Pilier

Clubs successifs : URC Dumbéa, Stade toulousain (2011-...)

Sélections nationales : 2 1er match en sélection : 28 novembre 2020 contre l’Italie.

Palmarès : champion de France 2019 et 2021, champion d’Europe 2021 avec le Stade toulousain.

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