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XV de France - Romain Ntamack : « C’est même moi qui suis allé voir Thomas (Ramos) pour lui dire qu’il se prépare à buter »

  • Romain Ntamack, face à l'Australie.
    Romain Ntamack, face à l'Australie. Midi Olympique. - Patrick Derewiany.
Publié le Mis à jour
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Pour son retour, après presque deux mois d’absence à cause d’une blessure à la cheville, il fut plutôt discret. Mais, dimanche à midi, il retenait ses bonnes sensations jusqu’à sa sortie à l’heure de jeu, et la manière dont les Bleus ont su arracher la victoire.

Au lendemain de ce succès, que retenez-vous de ce premier rendez-vous de l’automne ?

La victoire déjà. C’est le plus important parce que ce fut un match difficile du début à la fin, durant lequel nous avons peut-être mal géré certaines choses et globalement connu trop d’indiscipline. Il n’empêche, chacun peut être heureux d’avoir gagné à l’arrivée. Encore une fois, cela montre le caractère de cette équipe qui ne lâche rien jusqu’au bout, qui parvient à marquer dans les dernières minutes pour l’emporter face à une formation australienne qui, je le pense, se voyait gagner. Ce que l’on retient avant tout, ce sont l’état d’esprit et la victoire.

C’est la grande différence avec le début du mandat, quand vous étiez déjà séduisants mais perdiez plusieurs matchs dans les dernières minutes…

Oui, les gagner maintenant n’est pas anodin. Surtout que, dans ce cas, on avait vu que les Australiens avaient l’habitude de ne rien lâcher non plus, qu’il leur était arrivé plusieurs fois de renverser des situations dans les ultimes instants. On savait que la fin de match serait cruciale, et cela s’est vérifié puisque rien n’était joué jusqu’à la 80e minute. On savait aussi qu’en poussant fort, on aurait forcément une opportunité pour l’emporter. Elle est arrivée et on a su la saisir.

Comment l’expliquer ?

D’abord par la mentalité de ce groupe qui a grandi. Il y a quelque temps, on aurait sûrement perdu ce match. Mais depuis un an, l’équipe parvient à faire tourner les situations en sa faveur dans les dernières minutes. Ce n’est pas un hasard. Sur ces fameuses fins de match, le groupe est parvenu à basculer sur quelque chose de plus positif.

Il y a trois ans, vous parliez beaucoup du besoin de vécu commun. Au-delà de l’état d’esprit, ces fins de match ne reflètent-elles pas l’expérience collective de votre groupe ?

Si, forcément. Avoir ce vécu commun, depuis maintenant trois ans, y contribue. C’est la même ossature d’équipe et nous nous connaissons tous très bien. Puis, il y a le rôle que chacun doit jouer. Le staff en accorde un important aux finisseurs. On n’emploie pas le terme de remplaçants. Ce sont des finisseurs, et ce qu’ils ont fait contre l’Australie le montre. Ils ont parfaitement terminé le match, nous ont permis de le gagner.

Vous étiez sur le bord quand Damian Penaud a inscrit l’essai de la victoire. Qu’est-ce qui vous a traversé l’esprit quand le ballon lui est arrivé entre les mains ?

Vu la physionomie, on ne pouvait pas se dire qu’il irait forcément au bout mais on sait que Damian est capable de tout. Quand il a autant d’espace devant lui, il peut faire des merveilles et il l’a encore prouvé. Nous étions très contents qu’il ait pu marquer et surtout nous faire gagner.

Vous attendiez-vous à une telle adversité, à une rencontre aussi accrochée ?

Oui, je pense, mais peut-être pas à autant d’organisation en face. On avait bien étudié leurs matchs lors du Rugby Championship pour réaliser une analyse précise de cette équipe.

Et alors ?

Les Australiens nous ont surpris sur leur organisation défensive, notamment dans le troisième rideau. On avait vu qu’ils avaient rencontré pas mal de difficultés là-dessus. Mais, samedi soir, ils étaient pourtant très bien en place et on a eu du mal à les déplacer au pied. En défense, ils ont aussi été très efficaces, nous ont mis souvent à la faute et nous ont régulièrement bloqués. On n’a pas réussi à avoir beaucoup d’avancées sur nos premiers temps de jeu. Je ne dirais pas qu’on a déjoué mais on ne s’y attendait pas vraiment, même si on a su garder la tête froide pour trouver des solutions par le pied de Thomas (Ramos) ou par Damian (Penaud) à la fin.

Thomas Ramos racontait que leur présence plus nombreuse que prévu sur le troisième rideau vous a empêchés de trouver des espaces libres, comme vous l’aviez prévu…

C’est exactement ça. On avait anticipé une certaine désorganisation de leur part sur le fond de terrain, mais ce n’était finalement pas le cas. On a essayé de s’adapter, de taper plus long, de remonter des ballons plus haut pour les mettre sous pression et récupérer des munitions, ou parfois de relancer comme l’a fait Thomas. Cela ne nous a pas toujours réussis mais l’équipe a gardé le même cap, est restée dans le plan établi même s’il a fallu l’ajuster en cours de match.

Après plusieurs mois sans match international pour la plupart des « chelemards », une montée en puissance est-elle nécessaire au moment d’entamer la tournée d’automne ?

Oui, on ne s’attendait pas non plus à faire le match parfait, avec un large écart au score, d’autant plus que l’Australie est une grande équipe. On savait qu’il y aurait des détails à régler, des repères à reprendre. Le plus important sur ce premier rendez-vous, c’étaient l’état d’esprit, le caractère et la cohésion. Au-delà du jeu, il fallait se retrouver là-dessus. Accrocher la victoire était donc essentiel. Mais il faudra augmenter le curseur de plusieurs niveaux si on veut espérer rivaliser avec les Sud-Africains, puis les Japonais ensuite.

Sur le plan personnel, vous n’aviez plus joué depuis le 11 septembre, en raison d’une blessure à une cheville. Qu’avez-vous ressenti au moment de fouler la pelouse du Stade de France ?

C’était une sorte de libération pour moi. C’était presque mon premier match de la saison, depuis les vacances d’été. J’avais hâte et, physiquement, je me sentais très bien. J’avais largement quatre-vingt minutes dans les jambes. Mais c’était un match de reprise, donc je me doutais que je n’allais pas rester sur le terrain jusqu’à la fin. Le principal, c’était de répondre présent sur les contacts et les courses. Je suis en forme et, en sortant, j’en avais encore sous la pédale.

Votre sortie, juste avant l’heure de jeu, était-elle donc prévue par le staff ?

Je pense qu’il l’avait anticipée. En tout cas, je m’y attendais et c’est assez logique. Je retiens surtout que, lorsque je suis sorti, mes sensations étaient encore bonnes.

Comment avez-vous vécu ces deux semaines de préparation particulières ?

Sereinement, comme un gamin qui avait juste envie de rejouer après avoir été privé de ballon pendant un petit moment (sourire). En fait, je trépignais d’impatience, il me tardait de revenir sur le terrain, de reprendre les contacts et de rejouer au rugby. Alors, le faire dans un Stade de France plein… Même si j’aurais souhaité un scénario de match plus maîtrisé, j’étais heureux.

Aviez-vous besoin de vous rassurer physiquement en arrivant à Marcoussis ?

Physiquement non, car je me savais prêt. J’avais travaillé pour cela. Je n’avais pas d’interrogation là-dessus. C’était davantage sur mes sensations au niveau de la cheville, qui était encore un petit peu sensible ces dernières semaines, et même ces derniers jours. C’est davantage sur ce plan que j’avais besoin de me tester. Mais cela s’est très bien passé. Dès les premiers entraînements à Marcoussis, j’étais vite rassuré.

Le fait d’avoir des connexions naturelles sur la conduite du jeu avec Antoine Dupont et Thomas Ramos fut-il un gain de temps pour vous ?

Oui, pour moi et pour l’équipe. C’est plus simple d’avoir des mecs qui ont l’habitude de jouer ensemble en club. Avec Thomas et Antoine, nous nous sommes très vite retrouvés sur les entraînements. Avec Thomas, on a l’habitude d’alterner sur nos positions, lui en 10 et moi en 12, moi en 10 et lui en 15. On sait échanger nos rôles, donc la communication est facile. On se connaît par cœur et on a le même langage sur le jeu. Je sais ce que l’autre pense, à quel moment il va déclencher, et c’est pareil pour lui.

Vous avez été beaucoup déchargé sur le jeu au pied sur le match, par Antoine Dupont sur l’occupation et par Thomas Ramos dans les tirs au but. Était-ce pour faciliter votre retour ?

Pour les tirs au but, j’en ai rapidement parlé à Thomas quand on a vu qu’on allait démarrer tous les deux. Il fait un superbe début de saison, il est en réussite dans tous les secteurs et c’était logique qu’il soit le buteur. D’autant que je revenais après deux mois sans compétition. Il a d’ailleurs été très efficace face à l’Australie. De mon côté, j’ai pris les pénaltouches ou les renvois aux 22 mètres. Les rôles avaient été répartis ainsi. Pour le jeu au pied, je ne sais pas si j’ai été déchargé. On a l’habitude qu’Antoine prenne les ballons sur les sorties de camp, même s’il a été très bien visé par les Australiens. Ils l’ont mis en difficulté et il faudra peut-être qu’on trouve d’autres options aussi.

On parle souvent de l’ego des champions, dont vous faites partie, mais cela ne vous empêche de le faire passer au second plan…

Moi, je le vois comme ça et je n’ai aucune amertume. C’est même moi qui suis allé voir Thomas pour lui dire qu’il se prépare à buter. Cela me paraissait tellement normal et naturel. Et je suis sûr que, dans le cas inverse, Thomas serait venu me voir et m’aurait dit la même chose. Il suffit d’être honnête les uns envers les autres, et d’avoir une confiance mutuelle. À partir de là, on peut tout se dire, dans l’intérêt collectif, il n’y a aucun souci.

Votre match a été plutôt discret à l’arrivée…

Pour moi, il était important de rejouer, de me sentir encore assez frais à l’heure de jeu. C’est ce que j’attendais de ce retour, je suis donc satisfait.

Était-il aussi capital d’avoir cette heure de jeu dans les jambes avant d’affronter les Springboks ?

Oui, parce que ce sera toute autre chose, dans un autre contexte. J’avais besoin d’avoir ce temps de jeu, de reprendre de la confiance, de retrouver mes sensations dans le jeu, sur le terrain et dans les contacts. Aussi plus globalement, de retrouver ces sensations collectives, de gagner ce match parce que ce sera un défi d’un niveau encore supérieur contre l’Afrique du Sud.

Vous n’avez pas encore affronté les champions du monde sud-africains sous l’ère Galthié et il ne manque qu’eux à votre tableau de chasse…

On le prend comme un défi justement. Notre équipe adore en relever, tout comme elle aime se confronter à ce qui se fait de mieux au monde. J’ai regardé le match que les Springboks ont perdu de peu en Irlande et il y avait tout de même une très grosse intensité. On devra bien se préparer pour rivaliser contre cette formation qui n’est pas championne du monde en titre pour rien. Nous sommes loin d’être favoris mais on fera tout pour la battre.

Le record de victoires est-il anecdotique ou compte-t-il dans une carrière de joueur ?

Pour chaque joueur qui fait partie de cette aventure, c’est l’occasion de se dire qu’on a marqué une petite partie de l’histoire du XV de France. Cela reste de beaux moments passés ensemble, qui seront gravés. Cela nous rend fiers de laisser notre trace dans cette histoire mais ce n’est pas cette série qui nous rendra champions du monde. Au-delà du record, notre objectif, c’est tout simplement de gagner.

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Les commentaires (3)
Kikouyou Il y a 1 année Le 08/11/2022 à 15:09

Il pouvait faire les deux mi-temps, la troisième... et même préparer le p'tit déj. Quel joueur !!!

fojema48 Il y a 1 année Le 07/11/2022 à 11:21

Intelligence et capacités exceptionnelles !

fifilongagien Il y a 1 année Le 07/11/2022 à 10:47

quel magnifique joueur !!!