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Procès Laporte : le récit d’une journée folle

  • Bernard Laporte.
    Bernard Laporte. Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Ce mardi après-midi, Rose-Marie Hunault a donc livré son délibéré dans l’affaire « Laporte-Altrad » nous occupant depuis déjà plusieurs années. Si le verdict est salé pour le président de la FFR, celui-ci peut néanmoins rester en fonctions. A moins que…

On attendait du monde, au tribunal correctionnel de Paris. Il y en eut encore davantage qu’escompté, l’immense salle d’audience appelée « Victor Hugo » affichant à 13h30, et si vous nous permettez l’expression, « guichets fermés ». Avocats, prévenus, simples curieux, journalistes ou stagiaires de 3ème du cabinet Versini-Campinchi, qui défend Bernard Laporte, tous attendaient, l’oeil glouton, l’arrivée dans la salle de Rose-Marie Hunault, la présidente du tribunal et unique décisionnaire, sur ce dossier brûlant. Celle-ci a débarqué à 13h35, les bras lestés d’un dossier de plusieurs kilos. Elle a dans la foulée appelé au centre de l’immense auditorium Bernard Laporte, son vice-président Serge Simon, l’ancien directeur de France 2023 Claude Atcher et son ancien bras droit à la société Score XV, Benoit Rover. L’avocat de Mohed Altrad, maître Antoine Vey, a quant à lui excusé son client, retenu pour raisons professionnelles à Montpellier.

La suite ? Elle fut copieuse, pour dire le moins. Rose-Marie Hunault s’attela d’abord au cas Laporte, principal protagoniste du procès portant son nom. Ici, on comprit rapidement que la présidente avait globalement suivi les réquisitions du procureur de la République. Considérant d’abord que l’appel d’offres concernant l’attribution du maillot du XV de France n’avait pas été correctement respecté, énonçant aussi que le contrat d’images de 150 000 euros entre le patron de la FFR et le milliardaire héraultais « scellait un pacte de corruption » entre les deux hommes, assurant enfin que les interventions de Bernie auprès de la commission d’appel de la FFR avaient été commises au seul profit du MHR, la présidente reconnaissait Bernard Laporte coupable de quatre délits, à savoir la corruption passive, l’abus de bien social, le trafic d’influence et la prise illégale d’intérêts. Le dossier « Gloucester », où il avait été reproché au patron de la FFR d’intercéder en faveur de Mohed Altrad pour le rachat par celui-ci du club anglais, ainsi que le premier partenariat maillot signé entre la FFR et le groupe AIA, ne comportaient en revanche aux yeux de la présidente aucune anomalie.

Bernard Laporte condamné à 2 ans de prison avec sursis + 75 000€ d'amende !

Toutes les infos du procès Laporte/Altrad > https://t.co/jgGzPOf3hP pic.twitter.com/VXi1E4Cq8Y

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) December 13, 2022

Alors ? Bernard Laporte, fort empourpré lorsque Hunault énonça d’une voix monocorde son délibéré, fut condamné à deux ans de prison avec sursis, 75 000 euros d’amende et à une interdiction d’exercer toute fonction dans le rugby pendant deux ans. Mais si le verdict fut plutôt lourd, il ne fut néanmoins assorti d’aucune « exécution provisoire » (c’était la requête majeure du procureur), rendant le renvoi en appel suspensif et laissant Laporte en fonction jusqu’à la fin de son mandat, soit en décembre 2024. Fanny Colin, l’une des avocates de l’ancien manager du Rct, nous confiait à la fin de l’audience : « Ce délibéré est injuste puisqu’il retient des faits de corruption et de trafic d’influence que nous réfutons fermement. Nous faisons donc appel de toutes les peines prononcées. Je rappelle aussi que le tribunal a relaxé Bernard Laporte de tout abus de bien social au détriment de la fédération. Mon client n’a donc aucune raison de quitter la FFR ». Mais si le Ministère des Sports décidait de destituer un président de fédération condamné en première instance pour quatre délits ? Colin répondait : « Alors que le parquet avait demandé une exécution provisoire qui aurait permis au tribunal de donner force immédiate à son jugement (les deux ans d’inégibilité, N.DL.R.), le tribunal ne l’a pas fait. Je ne vois pas pourquoi la Ministre (Amélie Oudéa-Castera) pourrait donner à ce jugement une force exécutoire que le tribunal lui-même ne lui a pas donné ». Et pourtant… Deux heures après le délibéré, un communiqué du Ministère des Sports demandait à Bernard Laporte de quitter ses fonctions...

Simon et Atcher, les grands « gagnants » du procès

Mohed Altrad, dîtes-vous ? Il était, avec le patron de la FFR, l’autre grand protagoniste de l’affaire et à son sujet, Rose-Marie Hunault décida, pour les motifs de trafic d’influence et de corruption d’un agent public, d’une peine de 50 000 euros ainsi que de dix-huit mois de prison avec sursis. De ce que l’on sait, le milliardaire héraultais et ses avocats réfléchissent aujourd’hui à faire appel, ou pas, du verdict. Mais en l’état, le tribunal a néanmoins considéré qu’Altrad n’avait pas acheté le maillot des Bleus au rabais et de fait, le préident du MHR peut donc continuer de présider AIA (Altrad Investment Authorities, une multinationale qui compte 64 000 salariés), de diriger le MHR et demeurer sponsor maillot du XV de France.

Mohed Altrad.
Mohed Altrad. Abaca / Icon Sport - Abaca / Icon Sport

Au bout du bout, les grands « gagnants » du délibéré se nomment donc Serge Simon, Claude Atcher et Benoît Rover. Pour Atcher, également dans le viseur de l’inspection des finances dans une autre affaire, le tribunal a ainsi considéré que la prime octroyée par la FFR après l’obtention de la Coupe du monde 2023 correspondait à un travail effectif de la part de l’ancien directeur du Gip et il est donc relaxé du chef d’accusation de recel d’abus de confiance et celui d’abus de bien social, qui portait surdes frais de crèche qu’il avait finalement le droit de faire payer par sa société. En revanche, il devra, comme son ancien associé chez Score XV Benoit Rover, payer une amende de 5000 euros pour avoir ommis de déclarer certaines prestations à l’Ursaff du Limousin. Serge Simon ? Le vice-président de la FFR était de son côté poursuivi pour prise illégale d’intérêts et risquait une grosse amende ainsi que de la prison avec sursis pour avoir, aux yeux du procureur de la République et des enquêteurs de la BRDE, envoyer des arbitres sur un match (MHR-Racing 92) préalablement reporté par la Ligue Nationale de Rugby. Simon, simple chaînon dans cette décision, a comme attendu été relaxé par le tribunal.

Serge Simon.
Serge Simon. Icon Sport - Icon Sport

Mais cette histoire est-elle vraiment terminée ? D’évidence, non. Mardi soir, et de façon concomitante au communiqué de presse envoyé par le Ministère des Sports, on apprenait ainsi que la liste d’opposition menée par Florian Grill (« Ovale Ensemble ») avait demandé la démission d’un comité directeur de la FFR ayant soutenu bec et ongles le président Laporte depuis le début du procès. Le même Grill appelait aussi à des élections anticipées, l’image du rugby étant à son sens ternie et le président Laporte hautement fragilisé. De son côté, World Rugby, dont Bernard Laporte est le vice-président, prenait simplement « acte » de la décision, sans entrer davantage dans le commentaire. So british…  

Claude Atcher accompagné de son avocate.
Claude Atcher accompagné de son avocate. Icon Sport - Icon Sport

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Les commentaires (1)
lepetitbasset Il y a 1 année Le 14/12/2022 à 10:42

Toujours compliqué de commenter ce type de décision, mais les affaires collent aux fesses de B Laporte depuis de nombreuses années... C'est certainement compliqué de résister à l'appel des sirènes de M. Altrad, mais les réquisitions du procureur semblent vraiment justifiées, et les décisions prises en conséquences également. Voir que faire appel est suspensif de cette décision est une injure à notre justice. Ces hommes s'accrochent comme ils le peuvent à leurs petits acquis. C'est moche pour le rugby dans tous les cas