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6 Nations 2023 - Thomas Ramos : "Sexton sera chez lui, dans son jardin..."

Par Jérémy Fadat
  • Thomas Ramos lors du premier match du Tournoi des 6 Nations 2023 face à l'Italie.
    Thomas Ramos lors du premier match du Tournoi des 6 Nations 2023 face à l'Italie.
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Thomas Ramos (Arrière du XV de France) - Conscient de la montagne qui attend les Bleus à Dublin, le Toulousain sait qu’il aura aussi un sacré défi personnel à relever. Ce sera notamment le cas dans son rôle de buteur, Face à un des meilleurs artilleurs au monde et dans un Aviva Stadium qu’il connaît bien.

Malgré la victoire bonifiée, le XV de France a tremblé en Italie. Quel goût vous laisse ce match ?

On gagne, on prend cinq points. Comptablement, c’est une très bonne opération. Mais, au vu de l’entame de match, on espérait mieux. On a laissé les Italiens revenir et nos erreurs, nos imperfections leur ont permis d’y croire jusqu’à la dernière action, puisqu’ils avaient le ballon de la victoire dans les mains. À 19-6, avec un peu plus de maîtrise, on aurait dû mieux gérer et marquer encore sur nos temps forts.

Avez-vous craint de vous prendre les pieds dans le tapis à Rome ?

Franchement, je sentais quand même une certaine sérénité sur le terrain, en tout cas pas la peur de perdre. Je ne vais pas dire que nous étions sûrs de nous… Mais on a su repasser devant au score quand ils ont mené à la 60e. On a fait preuve de caractère en marquant cet essai, ou encore sur la défense du dernier ballon porté. Il y a donc des choses positives à retenir.

Mais le gros point noir, c’est l’indiscipline et ces dix-huit pénalités sifflées contre vous…

Bien sûr. On a cherché des explications et la première qu’on a trouvée, c’est que certaines fautes étaient évitables. On en fait toujours dans un match mais, sur les dix-huit, il y en avait quelques-unes qui n’auraient pas dû exister. Après, on a fait le point sur les secteurs dans lesquels nous avons commis ces fautes pour éviter que cela se reproduise.

Si c’est le cas, ce sera rédhibitoire à Dublin !

Exactement. La discipline sera un gros facteur de la réussite de notre match. Face à une équipe qui aime chercher les pénaltouches dans les vingt-deux mètres adverses, on ne peut pas se permettre de faire autant de fautes, quelle que soit la zone du terrain. Il faut éviter de les laisser venir jouer chez nous.

Ce rendez-vous au sommet en Irlande n’était-il pas déjà dans toutes les têtes avant l’Italie ?

Je ne pense pas. Le groupe s’était focalisé sur le match en Italie et avait noté les progrès réalisés par cette équipe depuis un an, dans sa façon de jouer. Ses récents résultats, notamment la victoire contre l’Australie en novembre, nous avaient mis en alerte. Après, dire qu’on avait l’Irlande en tête, c’est forcément… (Il s’arrête) Non, même pas. Je crois vraiment que tout le monde était concentré sur ce premier match, avait à cœur d’ouvrir le chapitre du Tournoi de la meilleure des manières. Nous sommes contents d’avoir gagné avec le bonus mais, je le répète, pas totalement satisfaits sur le contenu.

À titre personnel, que représente votre essai ?

J’ai été un peu opportuniste sur le coup ! Damian (Penaud) a gagné son duel en l’air et le ballon m’est presque revenu dans les mains. Je n’avais plus qu’à aplatir. Ce n’est pas le plus dur que j’ai eu à mettre mais, de temps en temps, c’est sympa de marquer des essais faciles (sourire).

Vous n’aviez plus joué depuis le 18 décembre, en raison de votre suspension. Quelles furent vos sensations ?

J’avais hâte de rejouer. Cela faisait tout de même six semaines que je n’avais pas remis les pieds sur le terrain, en match. J’en avais besoin, aussi de retrouver le rythme. Pour une reprise, c’est pas mal de commencer par une rencontre internationale. Finalement, c’est bien d’avoir aussi connu des périodes difficiles durant le match pour préparer le gros défi qui nous attend ce week-end.

Avant le stage de Capbreton, vous nous confiez que vous seriez déçu de ne pas débuter le Tournoi comme titulaire. Comment avez-vous réagi quand vous avez compris que vous porteriez le numéro 15 en Italie ?

Personnellement, ça m’a fait du bien de rester dans la continuité de ce qui a pu se passer en novembre. Comme je l’avais dit, j’avais une opportunité à saisir à ce moment-là. J’ai pu le faire et enchaîner avec le Tournoi montre que mes performances de l’automne ont été bonnes, et ont surtout satisfait le staff. Lors d’une discussion très ouverte et honnête avec le sélectionneur, il m’a fait part de la confiance qu’il m’accordait. Tant mieux.

La présence dans le groupe de Melvyn Jaminet, contrairement à l’automne, vous met-elle une pression supplémentaire ?

Non. Vous savez, on se côtoie aussi tous les jours en club. Pour moi, en ce qui concerne la concurrence avec Melvyn, il n’y a aucune différence entre ce que je vis au quotidien à Toulouse et ce que je vis en équipe de France.

Quand on joue arrière, qu’on voit Sexton, Keenan ou Lowe en face, s’attend-on à être sollicité dans les airs et le prépare-t-on spécifiquement ?

Oui mais, avant d’être spécifique, le travail est d’abord mental. C’est de se dire qu’il va falloir s’envoyer (sic) fort sous les ballons hauts. Déjà parce que c’est une de leurs qualités premières. Mais, sur le triangle arrière ou avec Romain (Ntamack) qui est souvent sur le fond du terrain, je sais que nous sommes capables de relever ce défi. Sur les trois ou quatre dernières années, j’ai affronté le Leinster avec Toulouse, donc j’ai conscience de ce qui nous sera proposé. Mais c’est bien de se mesurer à ce qui se fait de mieux dans le secteur aérien au niveau mondial.

Il est vrai qu’avec Penaud, Dumortier ou Ntamack, vous êtes entouré de joueurs à l’aise dans les airs…

Oui, même si les Irlandais sont très forts là-dessus, ça apporte de la confiance. On a vraiment des atouts aussi. Ethan est quelqu’un d’aérien, Romain est grand et gagne 90 % ses duels aériens, et Damian est toujours dangereux et fort en l’air. Je suis convaincu que, de ce côté-là, on a de quoi les embêter. En tout cas, si on a des duels à aller chercher sur leur fond de terrain, il ne faudra pas hésiter à sauter.

Êtes-vous d’accord pour dire que c’est un des secteurs sur lequel vous avez le plus progressé ?

C’est vrai. J’ai beaucoup échangé avec des joueurs qui évoluaient au même poste que moi et qui ont donc été sollicités sous les ballons hauts durant toute leur carrière. J’ai la chance d’avoir au club Clément (Poitrenaud) comme coach, dont c’était un point fort. On le travaille davantage à l’entraînement et j’ai changé ma façon d’aborder le duel aérien. Au niveau international, c’est un secteur primordial.

C’est quoi la clé alors ?

Déjà de ne pas se poser beaucoup de questions le jour du match quand un ballon haut arrive. C’est une vraie approche psychologique et, le duel, c’est souvent du 50-50. Les premiers sont hyper importants. Quand on envoie un ou deux bons signaux d’entrée de match, les adversaires te visent moins sur ce secteur. À moi d’être performant dès les premières minutes à Dublin.

Si on vous suit, c’est plus mental que technique…

Les deux. J’ai un peu évolué sur le plan technique aussi. J’avais l’habitude d’anticiper et d’être souvent en avance sous le ballon. Du coup, au moment du saut, je montais un peu moins haut. Aujourd’hui, j’ai bossé pour arriver, peut-être pas en retard, mais pile à temps pour avoir le bon timing et monter au ballon en avançant. Quand personne ne saute en face, c’est plus simple. Mais, quand quelqu’un saute et arrive lancé, il est essentiel que, dans ma position d’arrière, j’ai aussi de la vitesse pour encaisser l’impact et dominer le duel.

Vous avez déjà joué quatre fois à l’Aviva Stadium, y avez vécu des moments durs ou heureux. Que vous inspire ce stade ?

C’est l’un des plus beaux d’Europe. Le décor est magnifique, l’ambiance y est superbe. J’ai donc hâte d’y jouer. Mes souvenirs là-bas sont mitigés. J’ai gagné en club contre le Munster, aux tirs du but l’an dernier. Mais j’ai aussi perdu lourdement contre le Leinster la semaine suivante. Forcément, je préfère garder à l’esprit les moments victorieux, même s’il ne faut pas oublier les défaites que j’y ai connues, notamment avec Toulouse. Ça aide à appréhender l’atmosphère, qui sera contre nous, et à comprendre quelles ont été nos erreurs pour ne pas les reproduire. À 80 %, ce sera la même équipe que le Leinster en face.

Est-ce un avantage de bien connaître ces joueurs ?

Oui, évidemment. Leur façon de jouer est identifiée. Elle est certes très efficace mais, si on arrive à la contrer, on pourra dévoiler nos forces aussi. Il faudra être fort défensivement pour éviter absolument que les Irlandais mettent leur jeu en place. Leur qualité principale est là, à savoir qu’ils le maîtrisent parfaitement. Si on y parvient, offensivement, notre équipe aura également des choses à faire valoir.

Vous évoquiez la demi-finale de Champions Cup perdue avec Toulouse en mai dernier. Quels enseignements en aviez-vous tirés ?

À ce moment de la saison, nous étions peut-être un peu fatigués. Et si tu as moins de gaz contre ces joueurs, tu le ressens tout de suite. Au-delà, on les avait sûrement trop regardés jouer. Défensivement, nous n’étions pas assez montés sur eux et ils ont donc toujours été dans l’avancée. Face à des mecs qui connaissent leur système de jeu par cœur, qui jouent ensemble depuis des années, ça devient trop dur et tu ne fais que subir. Samedi, on ne pourra pas se le permettre. Il faudra monter fort et arrêter cette ligne offensive pour ne pas les laisser s’installer dans ce qu’ils maîtrisent si bien.

Sur le terrain, vous nourrissez-vous des chaudes ambiances, comme celle qui vous attend samedi ?

Oui, mais il faut aussi savoir faire abstraction de ce qu’il se passe dans les tribunes. Si on reparle de la défaite en demi-finale en Champions Cup, le public poussait fort derrière son équipe. Si tu te laisses influencer par ça, c’est encore plus difficile de se relever dans les moments durs. Même s’il faut être conscient de notre privilège de jouer dans de telles enceintes. Si on fait un gros match, le public fera peut-être un peu moins de bruit, et ce sera à nous d’en profiter (sourire).

De toute façon, un buteur doit savoir faire abstraction…

Tout à fait. Même si, là-bas, on sait très bien le respect que le public a pour les buteurs et le silence qui règne à chaque coup de pied. Mais là aussi, il faut me mettre dans les bonnes dispositions, préparer le fait qu’il n’y ait pas un bruit dans ces moments-là.

C’est paradoxal mais n’est-ce pas déstabilisant qu’un stade entier se taise d’un coup avant un coup de pied ?

Un peu. En tout cas, ça l’était la première fois pour moi. On n’y est pas du tout habitué et, du coup, on ne s’y attend pas vraiment. Voilà pourquoi c’est une bonne chose d’avoir déjà une certaine expérience personnelle à l’Aviva, d’avoir buté dans ce contexte par le passé. J’ai joué plusieurs fois en Irlande, je sais à quoi m’attendre et je ne serai pas surpris.

Surtout quand, dans un tel duel entre les deux premières nations mondiales, le rôle du buteur sera capital…

Oui, mon rôle est très important dans ce genre de match et il me faudra répondre présent. En face, Jonathan Sexton est des meilleurs buteurs du monde et sait être décisif au niveau international. Là, il sera chez lui, dans son jardin. Par rapport à ça, ce sera un gros défi personnel. Mais je ne veux pas me mettre de pression particulière. À moi d’être précis et de buter comme je sais le faire, en espérant que ça se passe aussi bien que lors de tous mes matchs à l’Aviva. À chaque fois que j’ai joué là-bas, mes statistiques au tir au but ont été bonnes, je croise donc les doigts pour que ça continue.

On vous a souvent parlé de votre record de victoires ces derniers temps mais le fait d’aller chercher, en cas de victoire à Dublin, la première place du classement World Rugby est-elle une motivation supplémentaire ?

Non, on ne le voit pas comme ça. Ce qui nous importe, c’est le Tournoi dans son ensemble. Notre série de victoires est belle et nous rend fiers. Mais on veut juste remporter chaque match qui arrive. Le classement mondial, c’est anecdotique. Notre but, il est de gagner des titres. Si on nous donne le choix entre en remporter un autre et être premiers au classement World Rugby, on prendra la première solution. Et je sais que c’est pareil pour les Irlandais.

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