6 Nations 2023 - Les Gallois en grève ? Les précédents cas où les matchs du Tournoi n'ont pas eu lieu

Par Jérôme Prévot / Paul Arnould
  • George North et les Gallois menacent de faire grève face à l'Angleterre.
    George North et les Gallois menacent de faire grève face à l'Angleterre. Spi / Icon Sport - Spi / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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6 NATIONS 2023 - Les internationaux gallois ont menacé de boycotter le troisième match du Tournoi des 6 Nations face à l'Angleterre le 25 février. En conflit ouvert avec la Fédération concernant leurs contrats de la saison prochaine, les joueurs du pays de Galles pourraient ne pas disputer une rencontre du 6 Nations. Dans l'histoire, certains matchs n'ont jamais eu lieu. 

Les Gallois joueront-ils le troisième match du Tournoi des 6 Nations 2023 prévu face aux Anglais le 25 février ? Dans l'état actuel, les joueurs ont menacé de faire grève, mécontents de leur situation contractuelle pour la saison prochaine. Un match du Tournoi qui ne se joue pas, est-ce déjà arrivé dans l'histoire ? En se plongeant dans les archives, on se rend compte que la situation est déjà arrivée plusieurs fois. Guerre, conflit ouvert entre les nations, exclusion, les causes sont nombreuses. 

1888-1889 : l'Angleterre est boycotée

Depuis 1883, le pays de Galles et l'Angleterre (clin d'œil à l'histoire), se disputent le Tournoi britannique. Avec l'arrivée de l'Ecosse et de l'Irlande l'année suivante, quatre nations sont chaque année en lice pour remporter la compétition. Le premier boycott a lieu en 1888. Le Tournoi ne se terminera jamais car Irlandais, Ecossais et Gallois refusent de jouer l'Angleterre. Le cas se répète lors de l'édition 1889. La raison ? Le XV de la Rose refusait de rejoindre l'International Rugby Board, le World Rugby de l'époque. La fédération anglaise ne souhaite pas rejoindre l'IRB créé par les autres pays britanniques et qui doit régir les règles du jeu. Finalement, la RFU rejoint l'IRB en 1990 et le litige s'apaise. 

1897-1898 : l'affaire Arthur Gould

Après les Anglais, c'est au tour des Gallois d'être boycottés. C'est "l'affaire Arthur Gould". Il faut tout d'abord se rappeler qu'à l'époque, le rugby est amateur et l'IRB tient énormément à ce statut. L'Angleterre est divisée entre le nord, qui a pris le tournant de la révolution industrielle, et le sud très traditionaliste. Une opposition socio culturelle coupe l'Angleterre en deux : plus simplement, le nord ouvrier et urbain, souhaiterait indemniser ses joueurs issus d'un milieu plutôt modeste qui loupent souvent des heures de travail pour jouer, face au sud traditionaliste, qui ne veut pas entendre parler de cette évolution. 

La RFU gère donc les agitations dans son propre camp mais surveille aussi ce qu'il se passe en dehors de ses frontières. En clair, la fédération anglaise au lieu de balayer devant sa porte, préfère rejeter la faute sur le voisin. C'est ce qu'il se passe lors de l'affaire Gould. Arthur Gould est le capitaine du pays de Galles, très populaire jadis (il apparaissait sur des boîtes de chocolats ou des paquets de cigarettes), au palmarès impressionnant : 27 sélections dont la première victoire historique du pays de Galles contre l'Angleterre. Il symbolise ce rugby gallois qui attire de plus en plus les foules. 

Suite à un article du South Wales Argus du 1er janvier 1896, les fans de son club de Newport lancent des démarches pour le récompenser financièrement pour ses exploits. La démarche est noble, la fédération galloise soutient l'idée mais la fédération anglaise, elle, lance l'alerte. Climat de crise, les supporters gallois proposent alors d'acheter une maison au capitaine Gould. Cela ne change rien pour la RFU, qui interdit aux clubs anglais d'affronter l'équipe de Gould. La situation se tend, et la fédération galloise pour calmer les hardeurs de la population, démissionne de l'IRB et Arthur Gould reçoit bel et bien sa maison. Après deux éditions où le pays de Galles est boycotté par l'Irlande et l'Ecosse, la situation s'apaise, en grande partie grâce à l'arrêt de carrière du capitaine gallois, qui décédera prématurément à 54 ans après avoir été arbitre puis sélectionneur. 

1913 : un arbitre agressé, la France boycottée 

En 1910, la France est officiellement intégrée au Tournoi, qui devient celui des 5 Nations. Mais trois ans plus tard, et alors que les Bleus n'ont gagné qu'un seul match en 1911 face à l'Ecosse (16-15 à Colombes) et ont enchaîné deux cuillères de bois, la rencontre face à l'Ecosse dégénère au Parc des Princes lors de la première journée. Mécontents de la piètre prestation du XV de France, des spectateurs se jettent sur l'arbitre. La police est obligée d'intervenir. L'année suivante, les Ecossais refusent de jouer la France. 

Le comble, c'est que la Première Guerre mondiale "sauve" en quelque sorte le rugby français. Exclue du Tournoi par l'organisateur, la France entre en guerre le 3 août 1914 face à l'Allemagne et l'Europe se déchire. Le Tournoi reprend six ans plus tard, lors de l'édition 1920, et la France fait bien partie des 5 Nations présentes.

1931 : la France est virée

Oubliez l'ébranlement récent de la FFR, la plus grande et grave crise de son histoire, le rugby français la vit en 1931. En effet, le 2 mars 1931, la FFR reçoit une lettre des autres fédérations du Tournoi qui stipule noir sur blanc mettre fin à leur collaboration avec le rugby français. "Au vu des conditions peu satisfaisantes dans lesquelles le rugby-football est dirigé et joué en France, ni nos fédérations, ni les clubs dépendants de notre juridiction ne pourront organiser de match avec la France ou les clubs français." En clair, les Français sont virés du Tournoi. Les Britanniques reprochent à la France depuis plusieurs années une trop grosse dureté dans les matchs, comme en 1922 où les Bleus réalisent l'exploit de décrocher le nul à Twickenham et où le pilier Jean Sébédio et le Toulousain Marcel-Frédéric Lubin-Lebrère égratignent les Anglais dans les regroupements. 

Galles - France en 1930. Les Gallois sont choqués par le jeu très violent pratiqué par les Français.
Galles - France en 1930. Les Gallois sont choqués par le jeu très violent pratiqué par les Français. Midi Olympique

Le match entre la France et le pays de Galles en 1930 est l'illustration de cette brutalité excessive. Plusieurs joueurs sont blessés (des supporters aussi), et la fédération galloise est scandalisée. Les Nations reprochent à la France de payer des joueurs, ce qui est interdit. L'Hexagone est exclu du Tournoi jusqu'en 1939 mais la Seconde Guerre mondiale prive les Français de rejouer la compétition (jusqu'en 1947). 

1972 : Bloody Sunday

À l'après-guerre, le Tournoi enchaîne les éditions. Les Français sont proches d'une exclusion en 1952 pour professionnalisme mais restent dans la compétition. Les Bleus réalisent leur premier grand chelem en 1968 avec le capitaine Christian Carrère et sans entraîneur... En 1972, c'est la situation politique en Irlande du Nord qui perturbe la compétition. Le 30 janvier 1972, une tuerie a lieu à Londonderry, quatorze personnes dont sept adolescents sont tués par des soldats de l'armée britannique dans un contexte de manifestation pour les droits civiques. Les Gallois et les Ecossais refusent d'aller jouer en Irlande à cause de l'instabilité qui y règne et le Tournoi n'est jamais terminé. Aucun classement n'est effectué. 

1999 : question de droits TV

Le comité du Tournoi annonce que l'Angleterre est exclue de l'édition 99. D'après les Britanniques, la RFU n'a pas respecté l'accord conclu en 1996 qui concerne les droits TV de la compétition. On parle alors d'une arrivée plus rapide que prévu pour l'Italie dans le Tournoi, dès 1999. Finalement, le XV de la Rose participe bel et bien et passe tout proche du grand chelem, perdant seulement de deux points au pays de Galles lors de la dernière journée. Une édition marquée par la révélation au plus haut niveau de Johnny Wilkinson et la dernière place de la France. 

Depuis que le Tournoi compte six nations, aucun cas de boycott ou d'exclusion n'est connu. On peut noter néanmoins la période "covid" en 2020 où les matchs ont été reportés à l'automne. Si les Gallois décident de faire grève, cela serait une première depuis que l'Italie a rejoint la compétition en 2000. Nous n'en sommes pas là, mais les joueurs ont prévenu : s'ils ne sont pas entendus, ils iront au bout de leur idée.

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