Pro D2 - Alexandre Flanquart (Provence Rugby) : "Il est venu le temps d’arrêter le rugby"

Par Mathias Merlo
  • Alexandre Flanquart (au centre) sous le maillot de Provence Rugby
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Publié le Mis à jour
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En fin de contrat avec Provence Rugby, qui souhaitait le prolonger, le deuxième ligne et ancien international français a décidé de mettre fin à sa carrière. À 33 ans, l’ex-élément du Stade Français Paris livre ses meilleurs souvenirs, l’évolution du rugby, et se jette avec envie vers l’après carrière.

Vous avez une annonce à nous faire…
Il est venu le temps d’arrêter le rugby. À l’approche de ce dernier match, je me sens comme d’habitude (rires). J’ai plus hâte d’arrêter qu’autre chose. Les deux années à Provence Rugby étaient du bonus. J’avais déjà un peu en tête le fait d’arrêter après Bordeaux. J’ai envie de passer à autre chose, et d’avancer dans mon autre vie. J’ai plein de projets en tête. Ça fait un bout de temps que je réfléchis à l’après. Je me suis laissé tenter par Provence Rugby pour finir sur un autre objectif : la transmission. Cet aspect m’a poussé dans ce dernier beau challenge. Maintenant, il faut savoir dire stop.

Qu’est-ce qui vous pousse à arrêter le rugby ? La tête ou le corps ?
C’est un mélange des deux. Mon corps me permettrait de continuer même s’il y a des bobos. Ce n’est pas facile d’aller à l’entraînement tous les jours. Au fond, c’est plus dans la tête. J’ai envie d’avoir un autre équilibre et de profiter avec ma famille. J’ai envie d’avoir des week-ends, deux semaines de vacances (rires). Ça joue énormément. J’ai l’envie de passer à autre chose, et de retrouver un épanouissement ailleurs que dans le rugby.

On vous écoute…
Je me suis posé la question de refaire un an. Aujourd’hui, c’est que du positif d’aller vers de nouveaux horizons. J’ai 33 ans, je ne suis pas vieux et j’ai la vie devant moi. Je veux m’accomplir autrement. Le rugby a été une grosse partie de ma vie, mais ça n’a jamais été ma vie. Je regarde trois matchs de rugby dans l’année, je ne connais pas la moitié des mecs (rires). Je caricature un peu, mais c’est vrai. J’ai aimé être sur le terrain, j’ai aimé partager avec les potes. Ça a été une passion, mais je n’ai jamais tout donné pour le rugby. J’ai toujours eu d'autres choses à côté : des études, un bar à Paris avec mon meilleur pote, et maintenant il y a l’après. J'ai plein de projets en tête. C’est plus excitant qu'une angoisse. 

Qu’est-ce que dirait le petit Alexandre Flanquart, qui a découvert le rugby dans le Nord, à celui qui est devenu international français et vainqueur du Brennus ?
(Rires) Il n’y croirait pas ! Avant d’aller à Paris chez les jeunes, je ne m’étais jamais dit que j’allais être professionnel, et sélectionné en équipe de France. J’ai toujours fonctionné étape par étape. Je ne me suis jamais dit : « Je joue au rugby pour être professionnel. » J’ai bossé pour ça, mais j’ai pris les choses les unes après les autres. Là, dans peu de temps, je vais pouvoir me poser et me dire : « J’en ai franchi des étapes ! » Pour l’instant, c’est encore un peu tôt. Je repense souvent à mes années de centre de formation à Paris ! Même là, je ne m’imaginais pas être arrivé là où je suis.

Quel est votre meilleur souvenir ?
Si je dois en retenir qu’un seul : le Brennus avec le Stade Français Paris. Ce n’est pas forcément le titre, mais c’est l’aventure passée avec des mecs rencontrés à 17 ans au centre de formation. Les mecs comme Jules Plisson, Jonathan Danty, Rémi Bonfils, Djibril Camara, Rabah Slimani, Antoine Burban… Il y a eu un chemin, après avec de bons anciens, jusqu’à devenir champion de France. Ça m’a marqué. On était clairement une bande de potes. C’est pour ça que je joue au rugby. J’ai joué avec mes potes au plus haut niveau, avec l’essence de ce qui nous pousse à aller sur un terrain de rugby : les potes. Ce truc reste même si on n’a pas des nouvelles tous les jours. Mais, c’est fort. Quand on se voit, ça ne change pas.

 Avez-vous un regret ?
Ce n’est pas un regret, mais le rugby a changé. La façon d’aborder les contrats, les clubs, et la carrière... Tout ça a vraiment évolué avec la nouvelle génération. Aujourd’hui, avec ma vision d’ancien et mon expérience de l'époque, j’aurais des difficultés à me projeter dans le rugby. Mais, si j'étais jeune, je ne me poserais pas cette question et je serais dans le même état d’esprit. Ce n’est pas une critique, c’est aussi la société qui a changé. C’est aussi la faute des anciens, comme moi, qui ont laissé passer des choses sur le respect des anciens, des règles. On a lâché par rapport aux anciens. Moi, j’ai connu Rabadan, Blin, Papé. Ces mecs ne lâchaient pas les jeunes sur les règles. Ils étaient derrière nous. Le rugby est devenu plus individuel. Ce n’est pas du manque de respect, mais les jeunes se sentent rapidement arrivés. Ils ne profitent pas de l'instant présent. Tout est un peu plus programmé. Il n’y a pas que du négatif, c’est une autre façon de voir les choses. Je me sens carrément vieux con en disant ça (rires).

D’un point de vue plus personnel, avez-vous une amertume ?
Il y a cette blessure à la cheville pendant la coupe du Monde en 2015. Ça m’a un peu séché. Ça reste une cicatrice. J’étais au plus haut niveau, je me sentais très bien. Ça tombe à l’entraînement, sur un petit jeu entre les joueurs hors groupe… C’était une connerie d’un coéquipier. Je ne citerais pas de nom… Ça m’a beaucoup marqué. Je n’ai jamais réussi à le crever quand j’ai rejoué contre lui (rires). Sur le coup, je ne m’en rends pas compte mais j'ai pris deux ans pour guérir. Ça m'a coupé l’herbe sous le pied. Sur ça, je suis lucide et résilient : j’ai rebondi et avancé. Pendant longtemps, je me suis challengé pour revenir en équipe de France. Puis, en fait, je n’y suis jamais parvenu. C’est ça le regret.

À vous écouter, on sent qu’on ne vous reverra pas rapidement dans le rugby…
Je suis ouvert par rapport à ma reconversion. À court terme, la priorité est de valider mon cursus en immobilier. En septembre, j’attaque en tant que mandataire immobilier dans une franchise. Les gens me disent que c’est compliqué, que c’est un monde de requins, mais j’ai envie de mettre beaucoup un côté humain dans mon nouveau métier, et généralement, dans mon après carrière. Je monte aussi un projet de conférence pour faire des interventions en entreprise. Si j'ai l'opportunité, j'aimerais accompagner Provence Rugby sur certains points.

À quel niveau ?
Sur le bord du terrain, c’est certain, vous ne me reverrez pas (rires). Ce n’est pas ce qui m’intéresse. Je n’ai pas envie de faire ça. Si je pouvais apporter quelque chose à Provence Rugby, qui a un très beau projet, je le ferais. Ça serait un plaisir d’aider le club à se structurer encore plus pour l’avenir plus au niveau des partenaires. 

Tout le monde voyait Provence Rugby se qualifier pour la phase finale. Qu’est-ce qu’il a manqué à votre équipe ?
C’est une frustration à titre personnel. C'est aussi une frustration collective. J’ai été blessé tout le début de saison, ce n’est pas facile quand tu n’es pas dans le groupe dès le départ. Il y a eu un manque de leadership dans le groupe. Aux jeunes qui sont encore là, qui jouent régulièrement, c’est à eux de prendre les choses en main. Je suis arrivé dans l'optique de transmettre du leadership. Mais, un effectif, ce n’est pas deux ou trois leaders. Il faut que ça vienne aussi d’un groupe. Il faut que les joueurs se prennent en main. Ces jeunes ne doivent pas juste être des consommateurs. On a un groupe jeune, c’est une bonne chose dans un sens, car ça pousse fort derrière (rires). Mais, il faut une histoire d’hommes. Le club grandit, mais cette année, on n’a pas beaucoup avancé par rapport à l’année dernière. Le projet ne change pas, mais il faut renforcer la base pour continuer à voir plus haut.  

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