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France - Afrique du Sud - Antoine Dupont, le retour du "vengeur casqué" n'a pas suffi

  • Antoine Dupont en pleurs à la fin du match face aux Boks.
    Antoine Dupont en pleurs à la fin du match face aux Boks. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Vingt-quatre jours après avoir été victime d’une fracture au niveau de la pommette, le capitaine des Bleus - pourtant à son avantage - n’a pu s’offrir une revanche sur son propre destin dans cette Coupe du monde.Ceci face aux boks, contre qui il avait reçu le seul carton rouge de sa carrière l’an passé...

Il était l’espoir d’une nation. Samedi midi, pour la dernière conférence de presse des Bleus à la veille de leur quart de finale face aux Springboks, une question était adressée à Cameron Woki sur le calme apparent des joueurs français avant le match le plus important de leur carrière. à ses côtés, Peato Mauvaka chuchotait et se marrait, Raphaël Ibanez l’invitant à s’exprimer à haute voix. « Nous sommes sereins parce qu’Antoine Dupont est revenu parmi nous », lâchait alors le talonneur toulousain dans un sourire.C’était une boutade, évidemment, mais elle disait finalement tout de la façon dont les Tricolores ont vécu, aussi amusés que lassés parfois, tout le tintamarre autour de la blessure de leur capitaine, victime d’une fracture maxillo-zygomatique vingt-quatre jours avant les Boks.

C’était au stade Vélodrome de Marseille, face à la Namibie, et cela aurait pu (ou dû) offrir un virage définitivement dramatique à la Coupe du monde française. « J’ai pensé que la compétition était finie pour moi », a d’ailleurs confié Dupont vendredi, pour sa première prise de parole depuis ce triste jour. Il s’est donc présenté avec Fabien Galthié, au moment de l’annonce de l’équipe qui allait défier les champions du monde en titre, gravant dans le marbre ce que nous annoncions dans ces colonnes lundi dernier, à savoir sa présence dans le XV de départ. Quatre petits jours après avoir reçu le feu vert (ou plutôt la « non-contre-indication ») du Professeur Frédéric Lauwers – le chirurgien qui l’avait opéré à l’hôpital Purpan de Toulouse dans la nuit du 22 au 23 septembre – pour une reprise des contacts. Bref, de redevenir un joueur de rugby à part entière.

Pour autant, et si le retour aux affaires du meilleur joueur de la planète ne faisait aucun doute aux yeux de ses coéquipiers ou de ses proches, lesquels ont inlassablement répété leur admiration devant l’immense détermination de l’intéressé à l’idée de retrouver la place qui devait être la sienne sur le terrain, Fabien Galthié était encore rongé par quelques hésitations.Le technicien craignait simplement l’appréhension – même inconsciente- du demi de mêlée, qui aurait pu l’inhiber dans un tel rendez-vous. « Je n’ai ressenti aucune pression de la part du staff, assurait néanmoins ce dernier. Si je joue, c’est que je suis à 100 %. » Mais il faut dire que le sélectionneur a été marqué par son expérience personnelle, lui qui fut victime d’une fracture du nez lors d’un test-match remporté face à l’Afrique du Sud, à Johannesburg en juin 2001, et qui avait absolument voulu jouer, une semaine plus tard, à Durban.Affaibli par la peur d’une rechute, il était passé au travers et l’avait regretté.

« Il m’en a parlé, c’est vrai », a expliqué Dupont.Et Galthié de se marrer : « Je tiens à dire que, sur le plan esthétique, c’est mieux réussi pour Antoine que pour moi. » Une blague pleine de légèreté, inattendue dans cet instant de gravité, qui reflétait autant la complicité des deux hommes que la reprise d’un monde normal, celui où « Super Dupont » est là, visage sans coquard, pour effrayer ses adversaires, enthousiasmer le grand public, séduire les arbitres et rassurer ses partenaires. En cela, et derrière le trait d’humour, Mauvaka avait raison : quand Dupont va, tout va.

Je n’ai eu aucune douleur, cela m’a rassuré

Voilà quatre ans, après un quart de finale perdu au Japon face au pays de Galles et disputé avec une vertèbre fracturée, qu’il s’était promis de mener ces Bleus au rêve d’une vie. D’être présent ce dimanche, au Stade de France, pour une entame de phase finale aux allures de grand soir. Lui, comme les autres Bleus autour, est décidément maudit. Chacun comprendra aisément combien, en trois semaines, il fut traversé par tous les sentiments possibles. Dupont est aujourd’hui un autre homme.

Un miraculé ? Peut-être. Un héros ? Malheureusement pas. « Au début, je ne savais pas la nature de ma blessure, disait-il vendredi. Je sentais que quelque chose n’allait pas. J’ai attendu les examens, le rendez-vous avec le chirurgien, l’opération… Ce fut un moment très compliqué mais la Coupe du monde est longue et j’ai eu la chance que cela m’arrive tôt dans la compétition. J’ai retrouvé l’espoir mais il fallait passer par des étapes nécessaires avant de reprendre le jeu. Cela a été très progressif. J’ai repris la course à basse intensité, puis je suis monté de plus en plus. Pour les contacts, c’était pareil. Les sensations sont revenues, j’ai repris pleinement au niveau des entraînements collectifs, avec des situations de jeu. Cela m’a permis de lever l’appréhension. Je n’ai eu aucune douleur, cela m’a rassuré. »

Et, si tous les Français ont voulu croire que ces trois dernières semaines n’étaient finalement qu’une navrante illusion, c’est que le Toulousain fut le phare de ces jours de préparation. Celui qui guidait une troupe en mission, tel qu’attendu depuis des lustres. Dupont, leader de meute et gardien du temple. L’unique différence ?Ce casque noir, d’abord enfilé sur la pelouse d’entraînement de Rueil-Malmaison. « C’est un souhait du chirurgien, soufflait Dupont avant la rencontre. Il a fait plus que me le proposer d’ailleurs (sourire). Je l’ai testé, et je n’ai pas de gêne, notamment sur la vision. » Puis, rien n’était de trop pour encaisser les chocs de Sud-Africains promettant la guerre à leurs adversaires… Dupont s’était préparé : « Sur ces matchs-là, avec un tel niveau d’intensité, il y a toujours des douleurs, physiques ou mentales. C’est toujours éprouvant, et c’est le cas contre chaque grosse nation, encore plus quand il y a de l’enjeu. » Un défi collectif et personnel, pour celui qui avait écopé du seul carton rouge de sa carrière, il y a onze mois, la dernière fois qu’il a croisé la route de l’Afrique du Sud à… Marseille. Il était bien prêt, mais cela n’a donc pas suffi.

On peine à le croire, on peine à l'écrire, les Bleus sont éliminés de leur Coupe du monde en quart de finale. Pour un point.#RWC2023 #FRAvRSA pic.twitter.com/foZbfedtiN

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) October 15, 2023

Dynamisme et justesse dans le jeu

Antoine Dupont avait une double revanche à prendre sur un destin qui lui avait tant souri jusque-là. Une ombre à effacer, à l’heure d’être rappelé au tableau. Celui-ci restera pourtant indélébile. Que lui reprocher ? Rien, absolument rien. Sur la scène qui l’a déjà fait roi, il n’a eu besoin que de deux petites minutes pour balayer la méfiance qui pouvait encore exister sur son cas.Ses deux sublimes coups de pied d’entrée, par-dessus et derrière la défense, ont effectivement prouvé que son fameux casque ne lui polluait ni l’esprit, ni la vue. Et, s’il a logiquement cherché à s’économiser quelques collisions inutiles dans le premier acte, il a animé les débats avec le dynamisme et la justesse que la planète entière lui connaît sur les séquences offensives. Allant jouer une pénalité rapidement à la main sur les dix mètres adverses pour offrir un essai à Mauvaka, ou s’offrant un raid dans le petit côté après la pause. Et en délivrant, encore au pied, une magnifique passe qui s’est avérée plus loin décisive sur le deuxième essai de Baille.

Au-delà des bulletins médicaux, des récits autour de son heure d’arrivée à Aix-en-Provence il y a quinze jours ou des débats sur son véritable état de forme, le Pyrénéen voulait écrire un autre roman à écrire. Celui de sa légende et de celle du XV de France. Des pages sur lesquelles sera in fine, et pour l’éternité, gravée une détresse plus tenace que ses quelques heures d’hospitalisation à Aix-en-Provence. Dupont avait donné rendez-vous. Il était, debout. Mais c’est son monde qui s’est écroulé.

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Les commentaires (1)
keepcalmandplayrugby Il y a 6 mois Le 16/10/2023 à 07:18

Il a pourtant été à la hauteur lui