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LA Sevens - Comment Antoine Dupont (France) a déjà conquis le monde du rugby à 7

Par Vincent Bissonnet, envoyé spécial à Los Angeles
  • Antoine Dupont n'en finit plus d'impressionner à 7.
    Antoine Dupont n'en finit plus d'impressionner à 7. Icon Sport - Tomaz Jr
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La tournée nord-américaine a été marquée du sceau de l’international français. La progression spectaculaire d'Antoine Dupont dans le jeu et son incontestable aura en dehors ont été les deux fils rouges de la quinzaine.

Sur les pelouses

"Des grands joueurs, il y en a eu beaucoup dans la discipline : Sonny Bill, Habana, Hogg… Mais je n’en ai jamais vu un s’adapter aussi vite, être aussi rapidement efficace. Ça lui donne une énorme crédibilité, ainsi qu’à son projet de participer aux jeux Olympiques."

Rob Vickerman, référence du rugby à VII anglais et commentateur de tous les événements depuis une décennie, en a vu, de toutes les nations, de tous les styles. Et son verdict claque comme une vérité absolue : Antoine Dupont a battu les temps de passage de tous ses prédécesseurs quinzistes avec son intégration express au VII. Allant jusqu’à désavouer certains de ses principes : "Je me rappelle avoir eu une discussion avec Sonny Bill en 2015 et j’avais dit qu’il fallait six mois pour s’immerger dans cette discipline, faire la bascule tactique, psychologique, physique. Dupont est arrivé il y a deux semaines et on dirait qu’il est là depuis des années." 

Après deux entrées en jeu en guise de repérages au Canada, le Toulousainn n’a eu de cesse d’épater la galerie à chacune de ses sorties jusqu'à s'affirmer comme un des éléments les plus déterminants : "Si vous regardez son tournoi à Vancouver, huit de ses dix actions ont été positives." La preuve, si besoin, qu’il n’avait pas été intronisé dans l’équipe type de l’étape pour des raisons seulement commerciales…

"Ça provoque un déclic"

À Los Angeles, où son temps de jeu est allé logiquement crescendo, signe aussi d’une endurance remarquable, il a encore brillé sous différentes facettes. Sans surjouer, à l’instinct : on l’a vu chevaucher sur un demi-terrain entre plusieurs défenseurs – démontrant ainsi que sa vitesse sur 40 mètres lui permettait de créer des différences dans la discipline, gérer avec à propos des situations d’infériorité numérique, défendre comme il le fallait et même offrir un essai par une passe au pied : "On n’est pas trop habitué à voir cela mais ça a marché, en souriait après coup Stephen Parez-Edo Martin. S’il nous sort des coups d’éclat comme ça, c’est parfait. C’est une autre corde à notre arc. Il sait tout faire." 

Son apport va bien au-delà de ses actions en tant que telles : "On attendait justement de lui qu'il amène son expérience, son sang-froid." "Le fait qu'il soit là nous pousse à donner le meilleur de nous-mêmes", prolonge William Iraguha.

De l’extérieur, Rob Vickerman le voit ainsi : "Depuis 18 mois, la France a beaucoup progressé mais avec Antoine Dupont, elle peut franchir le dernier cap. Avoir un joueur comme lui dans son effectif, ça provoque un déclic. Quand vous avez un tel élément dans votre équipe, ça enclenche un cercle vertueux, ça donne confiance et ça rehausse tous vos standards de ce que vous pensiez être bien." 

Et à en croire le principal intéressé, le meilleur reste à venir : "À chaque fois que je suis sur le terrain, je progresse. Après, je ne fais pas non plus des bilans quotidiens pour savoir où j’en suis. Je continue d’apprendre, de me nourrir, au fil des analyses, des discussions avec les mecs." 

La conclusion risque d’en inquiéter plus d’un, sur le circuit, en vue des prochaines retrouvailles : "Je me familiarise encore avec ce sport mais, pour le moment, ça ne se passe pas trop mal." Un bien doux euphémisme.

 

En dehors des terrains

"Il y a dix jours, c’est Lionel Messi qui était ici et il avait rempli le Dignity. C’est le super pouvoir des génies du sport d’arriver à soulever les foules tant elles sont respectées. C’est comme Lebron James au basket. Antoine Dupont, aussi, fait cet effet-là. Le rugby a eu peu d’icônes comme lui." Si elle mérite d’être relativisée à l’échelle du rugby, la comparaison de Rob Vickerman, ancien capitaine de l’Angleterre à VII devenu commentateur du Sevens Series, a trouvé une résonance indubitable de Vancouver à Los Angeles : à défaut de remplir les enceintes, le demi de mêlée français a attisé une curiosité inédite dans des contrées peu au fait de l’actualité ovale.

"Lorsque des gens ont vu nos tenues de la France, ils nous ont demandé si Dupont était au Staples Center", racontait Germain Igarza, entraîneur-adjoint des filles, après avoir assisté à un match NBA dans l’arène des Lakers. "Je crois que c’est la première fois que je vois un mec ne pas pouvoir aller où il veut sans être importuné dans un stade", poursuit David Courteix, en référence au week-end canadien. Le baptême du numéro 25 dans le BC Place a symbolisé cette effervescence générale, aux yeux de Rob Vickerman : "Le moment le plus marquant, c’est lorsque 10 000 personnes l’ont applaudi pour son premier match alors qu’il ne faisait qu’entrer en jeu." L’intéressé lui-même en avait été gêné : "Je ne me sens pas trop légitime d’avoir une ovation", avait-il réagi.

Avec une semaine de recul, il est revenu, samedi, sur le poids des regards extérieurs : "Je l’ai senti principalement à Vancouver. Je pense que ça venait surtout de la curiosité des gens du circuit qui ne sont pas habitués à voir une tête d’affiche, entre guillemets, du XV s’essayer à VII. Ils devaient avoir envie de voir ce que je valais et mes motivations. Il y avait un peu d’attente autour de ça. Je n’y ai pas prêté attention, j’avais déjà pas mal d’appréhension et beaucoup d’excitation à gérer."

"C’est un aimant pour tout"

L'excitation était réciproque : dès le mardi, des amateurs canadiens étaient venus demander des autographes à la fin d’un entraînement tricolore ; le week-end, des supporters français étaient venus de toute l’Amérique du Nord pour assister à ses débuts ; et, dans les dernières semaines précédant l’étape, plusieurs chaînes de télé s’étaient soudainement activées pour se procurer les droits : France Télévisions dans l’Hexagone, TNT en Grande-Bretagne, NBC aux Etats-Unis… La BBC et The Times étaient également de la partie en Colombie-Britannique. Du côté des réseaux sociaux de World Rugby, le premier essai du Toulousain a dépassé les 215 000 vues sur Twitter, loin, très loin des standards habituels. "C’est incroyable qu’il soit là, résume Jérome Daret. C’est un aimant pour tout : la médiatisation, la communication, les supporters… Tout ce qui nous arrive nous dépasse un peu." 

Stephen Parez-Edo Martin en sourit : "Ça fait dix ans que je me bats pour faire connaître le rugby à 7. De par sa présence, il fait d'un seul coup rayonner tout ce système." N’est-ce pas là la définition d’un astre ?

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Les commentaires (3)
Ziza92 Il y a 1 mois Le 03/03/2024 à 18:17

Il ne faudrait pas qu'il se disperse en acceptant toutes les sollicitations extra rugbistiques, comme les cocktails et autres shows télévisés.

Jo_m1m1 Il y a 1 mois Le 03/03/2024 à 18:43

Je ne suis pas inquiet. Il est bien entouré et il est bien câblé. Un ovni ce monsieur.

Andmad2902 Il y a 1 mois Le 03/03/2024 à 20:06

Votre commentaire me fait croire que vous ne le connaissez pas. De part ses origines, son education, il n'est pas le genre a aller chatouiller le show paillettes coktails et autres festivites de ce genre. A Toulouse, vous aurez plus de chances de le voir sur un velo qu'au volan d'un bolide sportif qui coute la peau des fesses.