La chronique de P. Villepreux

Par Rugbyrama
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Cette semaine, notre expert revient sur la défaite des Français en Irlande. Tout n'est pas bon à garder... ni à jeter selon Pierre Villepreux.

Le résultat défavorable de Croke Park va de nouveau plonger le rugby français dans les sempiterternelles discussions de comptoirs et controverses sur le jeu réalisé par les tricolores :

- Ne fallait-il pas prendre moins de risque ?
- N'était il pas meilleur d'abord d'occuper le terrain comme les Irlandais ?
- Notre puissance dans le combat est-elle suffisante ?
- Comment tenir 80 minutes quand on se lance dans un jeu tout terrain?
- Et… Chabal est ce qu'il est bien utilisé à ce poste? Qu'est ce qu'il fout Chabal au milieu des ¾ sur les espaces extérieurs?
- Autres ?

Questionnements logiques certes, mais ces soi-disant difficultés ne sont que des éléments du jeu qui, seules, ne peuvent pas apporter des solutions radicales, à même de transformer une défaite en victoire.. En tout cas, chercher à les solutionner hic et nunc ne résoudrait pas, ou très partiellement, le jeu qui effectivement à été produit en Irlande.

La vrai question réside dans le comment améliorer le jeu effectivement réalisé, non pas en extrayant des éléments, mais en le prenant en compte dans sa totalité donc en travaillant sur la bonne dynamique de jeu entrevue et sur le renforcement mental que cela nécessite, surtout suite à la défaite, pour aller plus loin.

Le bon jeu comme le moins bon sont à recadrer dans une amélioration de l'ensemble. C'est bien dans la complexité du jeu total et l'amélioration de la maîtrise des principes fondamentaux de ce jeu que réside le développement positif du jeu français. Par principes, j'entends bien ceux qui régulent en attaque et défense les mouvements collectifs des joueurs. Ceux qui pour l'attaque permettent d'avancer et de soutenir avec pertinence le porteur de balle pour assurer la vie du ballon, prés et autour du porteur de balle (cellule vie du ballon), avec la volonté consciente, quand c'est possible de continuer à avancer en "jouant debout". Tout en même temps, pour tous les autres non utiles prés du ballon, quel que soit leur positionnement momentané relativement à cette cellule, de choisir, en anticipant le futur mouvement successif, de devenir dans les espaces de jeu libérés par l'adversaire, une nouvelle force d'action qui permettra à son tour d'avancer et de soutenir dans la nouvelle cellule ainsi constamment reconstituée autour du/ou des successifs porteur de balle.

Le premier essai français traduit parfaitement la belle et efficace réalisation de ces enchaînements de tâches à la fois individuelles que collectives. La distribution appropriée de tous, sur la balle et sur la largeur permise, de jouer juste en exploitant au mieux la situation de déséquilibre créée dès le départ du mouvement.

Le positionnement de Chabal redistribué légitimement sur la largeur dans certaines occasions rentre dans cette logique. Il s'y est montré plutôt efficace et sur sa longue percée l'absence de soutien a fait avorter un mouvement qui aurait pu être déterminant pour aborder la deuxième période en situation mentalement rassurante et confortable.

En revanche, on peut donc regretter que certaines situations, tant en première que seconde période, qui avaient créé un rapport de force très favorable aux tricolores n'aient pas été exploité avec justesse. Par manque d'anticipation, le soutien était en cause.

C'est sur cette cohérence en terme de jeu juste, en plein mouvement, que le jeu collectif logiquement achoppe encore et sur lequel il s'agit surtout de continuer de travailler.

La prestation des Français a été plus qu'intéressante et il est plutôt bien d'avoir retrouvé la culture du jeu français qui est fait d'initiatives et de créativité. L'exploitation rapide et réussie des touches "vite jouées" en est la preuve, les intentions de relances des arrières également.

Ce jeu relève d'un état d'esprit collectif puisqu' il s'agit bien de constituer une menace sur tous les ballons à disposition et en acceptant la prise de risque, de savoir faire le tri entre les ballons potentiellement jouables et les autres, les injouables .

Le questionnement de départ n'aura de chance d'être réglé que si les Bleus régulent et contrôlent de mieux en mieux cette distribution des joueurs relativement au contexte mouvant des enchaînements des situations et des taches de chacun. Ces tâches ne correspondront, de ce fait, pas forcément aux tâches liées à leur poste. Le jeu devenant collectivement de plus en plus juste, chacun apportera alors progressivement dans le combat, le degré d'investissement utile et optimal qui leur est reproché dans ce match.

La défaite est aussi liée à des erreurs de défense, plus ingénues qu'inquiétantes surtout qu'elles résultent du jeu de première main des Irlandais. Elles ne nécessiteront pas de s'y éterniser, un peu plus de concentration sur les lancements adverses suffira.

Utiliser la semaine avant le prochain match contre l'Ecosse sur les seules carences constatées et sur les seules vertus du combat, on prendrait le risque de retomber dans un jeu sans ambition, du "combat pour le combat". A ce jeu, on battra sûrement l'Ecosse mais on repartira à zéro et les mêmes reprocheront alors au XV de France un manque d'ambition et un jeu sans avenir.

Enfin les fautes réglementaires comparativement à celles des Irlandais sont à prendre en compte dans la performance finale (10 contre 2). Je ne mets pas en doute la bonne foi de l'arbitre, mais les mêmes fautes cotés irlandais ont été ignorées ce qui explique aussi leur étonnante discipline pendant 75 minutes. En revanche, il me parait évident que l'arbitrage dans le Top 14 est plus flexible sur certaines règles en particulier celles plaqueur-plaqué et post placage. C'est essentiellement dans cette phase que la France a été pénalisée, logique si l'on accepte qu'il est difficile pour les joueurs de modifier des comportements acquis maintenant de manière automatique dans le championnat français.

Ce constat me permet de regretter que les nations européennes n'aient pas, comme l'hémisphère Sud, acceptées que cette phase de jeu donne lieu, en cas d'infraction (sauf hors jeu et jeu déloyal), à des coups francs et non à des pénalités. Cet aménagement dans le futur me parait indiscutable pour minorer des fautes, pas évidentes pour les joueurs. Elles seraient moins contraignantes pour l'arbitre, éviteraient un arbitrage forcément trop subjectif et apporterait au jeu un intérêt supplémentaire et une dynamique accrue.

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