Baky écrit : toujours plus vite

Par Rugbyrama
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BAKY ÉCRIT - Toujours à l'affût de l'actualité, notre chroniqueur Bakary Meïté se penche cette fois sur les nouvelles règles annoncées par World Rugby en ce début de semaine et qui seront mis en application dès le 1er janvier. Des règles qui ont été pensées pour accélérer le rythme du jeu...

Tournoi des 5 nations, 1975. Arms Park. Les Diables rouges gallois affrontent les Verts d’Irlande. John Williams l’ailier gallois ne peut contrôler le cuir, il commet un en avant, l’avantage est laissé par l’arbitre. Ray McLoughlin, le solide pilier irlandais qui ne sait pas encore qu’il joue son dernier Tournoi, ne peut se saisir du ballon à son tour. La mêlée est ordonnée par l’arbitre. Ordonnée. Le mot a son importance. Le malheureux McLoughlin, au sol après son en-avant, peine à se frayer un chemin pour rejoindre la mêlée qui ne peut se jouer sans lui. Le pack gallois a déjà formé son attelage et la première ligne rouge forge une barrière infranchissable. Le pilier gauche et son casque rudimentaire sont priés de faire le tour pour retrouver le pack. À peine a-t-il attrapé son talonneur que ses deuxièmes lignes l’envoient à la rencontre de son adversaire direct. C’est tout juste s’il eut le temps de se baisser pour prendre le choc de l’entrée en mêlée. Entre son en-avant et le coup de casque de son homologue, 16 secondes se sont écoulées.

Tournoi 1985. Les Bleus de Jacques Fouroux défient les Anglais à Twickenham. Paul Dodge attaque plein fer, il est plaqué mais parvient à passer les bras et se retourne pour servir son deuxième ligne, John Orwin. Ce dernier, surpris, ne parvient pas à contrôler le ballon. Il se jette néanmoins sur celui-ci afin d’éviter que les Français bénéficient de l’avantage. Il est au sol. Tout à son désarroi. Ses coéquipiers se serrent autour de lui. Ils lui apportent du soutien? Que nenni. La mêlée est ordonnée. Pas le temps de niaiser. Il se lève aussitôt, empoigne le géant Dooley (son compère de la deuxième ligne) et part à l’abordage du pack français et de son capitaine Philippe Dintrans. Temps écoulé entre l’en-avant d’Orwin et l’entrée en mêlée : 11 secondes.

Je pourrais multiplier les exemples, avec notamment le temps passé entre un ballon aplati dans l’en-but et sa transformation. Le marqueur étant souvent seul à sa joie, parfois félicité par son proche soutien ou dernier passeur mais guère plus. Le buteur venait lui réclamer le ballon pour la tentative qui amenait deux points supplémentaires. Le reste de l’équipe étant déjà placé pour recevoir le coup d’envoi.

Aujourd’hui après un essai, c’est le 14 juillet. Tout le monde s’embrasse, les 15 joueurs et les remplaçants sont là pour le câlin collectif. On se fait le petit "check" qui va bien. Même le cameraman du diffuseur entre sur le terrain pour mettre à l’honneur le dernier héros en date.

Comme si Jean-Pierre Garuet faisait 50 mètres au petit trop pour venir féliciter Serge Blanco après un essai. Cocasse.

Après ce petit flashback, revenons à aujourd’hui. Je ne vous ferai pas l’affront de vous relater le déroulé d’une mêlée dans le rugby moderne, je vous perdrais en route.

Par peur d’être taxé de perfidie intellectuelle, je suis obligé d’énoncer que si ces phases, notamment la mêlée, prennent autant de temps, c’est avant tout dans un souci de préservation de la santé des joueurs.

Cela étant dit, qui n’a pas râlé après le manque de rythme dont pouvait souffrir une rencontre. Ces phases statiques pendant lesquelles le chronomètre est arrêté par le directeur du jeu sont devenues peu à peu la plaie du rugby. C’est de cette plaie que le législateur veut se débarrasser. Pour ce faire, il a pondu cinq nouvelles règles. Et s’il est bien un reproche qu’on ne peut pas faire à World Rugby, c’est de rester les deux pieds dans le même sabot trop longtemps. Les lois du jeu évoluent constamment.

Ces nouvelles règles entreront en vigueur au lendemain de votre prochaine et probable dernière cuite de l’année. Elles s’attachent à redynamiser le jeu. On s’attaque ici au temps. Ou plutôt à sa mesure. Et de ses différentes fractions allouées. Touche, mêlée, transformation, pénalité. Il faudra s’exécuter plus vite, sous peine d’être sanctionné.

Fini le train de sénateur.

90 secondes pour transformer un essai dès lors que celui-ci est accordé, 60 secondes pour taper une pénalité et 30 pour former une mêlée. Concernant la touche, les équipes doivent se mettre en place sans délai. Les joueurs ne doivent plus perdre de temps. Sous peine d’être sanctionnés d’un coup de pied franc.

Les porteurs d’eau, dont le rôle est souvent endossé par des joueurs hors groupe, verront leur accès au terrain limité. Ils ne pourront s’y rendre qu’après un essai marqué. No try no drink.

Il va sans dire que les "bras cassés" pleuvront dans un premier temps, le fameux temps d’adaptation. À charge pour les joueurs de vite prendre le pli sous peine de devoir courir après le score, pour avoir voulu gagner du temps au lieu d’avoir voulu gagner le match.

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