Le parcours de Roland Bertranne, l'enfant d'Ibos

  • Roland Bertranne
    Roland Bertranne
  • Jean Gachassin
    Jean Gachassin
Publié le
Partager :

Samedi à Ibos, on a baptisé le stade du nom de Roland Bertranne, l’enfant du pays. Pour lui, c’est là que tout a commencé. Au bout du parcours, un record de sélections et deux grands chelems.

Un stade, une maison, un ruisseau. Samedi, le stade d’Ibos est devenu le stade Roland Bertranne. Le trois-quarts centre des Grands Chelems 1977 et 1981 n’avait qu’à traverser le modeste cours d’eau pour fouler la pelouse. Il a fait partie de ceux qui ont relancé le club en 1966, avec les 19 conscrits de l’année 1949, réunis pour former une équipe junior.

Et c’est au même endroit, dans cet élégant village de la périphérie de Tarbes que la carrière de Roland a été célébrée, en présence d’une foule d’internationaux dont évidemment plusieurs Chelemards de 1977.

Jean Gachassin, son mentor

Nous avons toujours eu la sensation qu’on ne lui rendait pas les hommages qu’il méritait, fruit de sa personnalité discrète et modeste. Il fut aussi un trois quart centre d’un nouveau genre, physique disait-on, ce qui le différenciait de la génération précédente, plus romantique, plus délicate, plus célébrée par les hommes de plume. Ce 27 août a donc rappelé à la face de la planète ovale, l’envergure de Roland, un Bigourdan façonné par d’autres bigourdans.

Il n’est pas si jeune, il a 72 ans (mais une ligne de jeune homme), et il dispose d’un privilège, celui d’avoir encore sa maman, Françoise, 92 ans (elle vit dans la fameuse maison) et de pouvoir encore parler à son mentor, Jean Gachassin, le Peter Pan des années 60, le plus léger des attaquants du XV de France. Les deux hommes n’ont finalement que huit ans d’écart.

Jean Gachassin
Jean Gachassin

L'aîné remarqua son cadet lors d’un match scolaire au Lycée Victor-Duruy de Bagnères. Le mot est mal choisi, il lui tapa carrément dans l'œil. "Ce jour-là, j’ai vu un joueur extraordinaire, tout en spontanéité. Je me suis dit, il faut le faire signer à Bagnères où je jouais. Et je suis allé dans la fameuse maison que vous voyez- à, demander à ses parents s’ils l'autorisaient venir. Je savais qu’il serait international, il avait des jambes exceptionnelles. Il lui manquait la technique et la gestuelle. Vous ne pouvez pas imaginer les exercices qu’on a fait ensemble. Des passes, encore des passes. Je l’ai façonné à la manière lourdaise. Il l’a accepté avec un esprit remarquable. Puis, il avait ce démarrage, sur trois ou quatre mètres, il était à fond alors qu’il fallait dix mètres aux autres. Quant à sa défense ? Les adversaires le craignaient à l’idée de jouer en face de lui, il avait une réputation extraordinaire."

Pour ceux qui étaient trop jeunes ou pas nés dans les années soixante-dix, on présentera Roland comme une préfiguration de Philippe Sella (présent lui aussi à Ibos). "Oui, mais en plus agressif avec plus de jambes, plus de spontanéité" poursuit Gachassin. Le compliment n’est pas mince. Ceux qui ont vu jouer Sella se feront une idée, les autres iront fouiller sur Youtube.

Roland Bertranne ne brilla pas que sous le maillot national, il finit même sixième d’un Paris-Dakar, mais revivre son parcours, c’est aussi se rendre compte qu’à son époque, une petite ville comme Bagnères de Bigorre pouvait se hisser par deux fois en finale du Championnat (1979-1981). Nous avons d’ailleurs revu des attaques flamboyantes du match de 1981, perdu avec les honneurs face à Béziers au parc des Princes.

Et Philiippe Sella a qui on compare Roland si souvent. Qu'en pense-t-il ? "Roland, très belle carrière en club, ses 46 sélections consécutives, c’est un tour de force 46. Son record de 69 sélections aussi, ça chiffre. Ses années en Bleu, je les ai regardées chez moi en famille, il était dans l'écran, je le voyais. Il savait tout faire. Il y a le joueur, mais quand on connaît l’homme, c’est encore plus fort en charge émotionnelle. Il savait tout faire sur le terrain. Oui, il est vraiment très humble, vu sa carrière. Ce qu’il a fait avec les autres de 1977, c’est unique."

Sylvain Pebay a allumé l’étincelle

Pour vivre une journée aussi extraordinaire, il faut qu’un homme allume l’étincelle. Il s’appelle Sylvain Pebay, il faisait partie des fameux juniors pionniers du rugby d’Ibos. Il a même créé une association, "Les Amis de Roland Bertranne" pour préparer cette journée mémorable. Il en aura été le Monsieur Loyal, mais pas le héros évidemment. Au début du repas, Roland Bertanne est monté sur scène et s’est adressé à la foule avec flegme, une fois les applaudissements dissipés.

Devant la scène ses enfants, ses sœurs, et son épouse, Martine, "qui a toujours été à mes côtés". Avec des mots simples, il a fait dérouler sa carrière majestueuse : "Je suis très honoré de votre présence, merci d’avoir fait ça de mon vivant et je suis bien content d’avoir été invité. Je suis très fier que mon nom soit gravé dans ce village d’Ibos. Je suis sûr que Maximin mon grand-père et Joseph mon père l’auraient été aussi. C’est ici que je suis né et que j’ai grandi. Avec mes copains, nous avons découvert ici la passion du rugby. Nous avons créé la première équipe d’Ibos et puis, j’ai vu arriver un homme devant chez moi. C’était Jean Gachassin...".

C’était en 1969, il avait 19 ans, il sauta le Rubicon, un fameux petit ruisseau, comme celui qui sépare sa maison familiale du terrain. Il s’appelle le Mardaing. C’est d’ailleurs sur l’une de ces rives, que Roland a dévoilé la plaque qui porte son nom et qui grave son nom pour des siècles dans la pierre du village de ses ancêtres.

Crédit photo : Charles Lima

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?