Chronique de P.Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre expert revient cette semaine sur l'affiche Paris-Perpignan et se projette sur le Irlande-France de ce samedi. Pour lui, les joueurs du XV de France devront à l'occasion de leur premier match dans le Tournoi 2009 "être prêts à offrir leurs compétence

L'actualité rugby ne manque pas de centres d'intérêt. Cela est dû, tout en même temps, à l'attrait provoqué dans le temps par le rugby professionnel, mais aussi aux incalculables conséquences que ce succès a entraîné et continue d'entraîner.

Les perturbations - on le voit et on le lit dans les journaux spécialisés - sont tout à la fois d'ordre, sportif, juridique, financier, économique, fiscal, social. Vaste ensemble qui intègre aussi marketing, sponsoring, communication, relation médiatique etc. qui tend à utiliser plus le joueur que le jeu et qui d'une certaine manière le manipule (surtout les vedettes).

Pourtant, ce qui est visible par le public chaque week-end, et qui se devrait de rester l'élément capital et incontournable de la dynamique engendrée, c'est bien le match et la qualité de production. Infléchir la tendance deviendrait à terme un réel danger pour les joueurs qui pourraient en oublier qu'ils sont les garants par le jeu de la bonne santé du sport qu'ils ont choisi.

Entre la logique sportive et la logique générée par tous les autres facteurs, il serait dommageable d'oublier que la première se doit de l'emporter, même si il ne s'agit pas d'ignorer l'importance de la seconde. La logique sportive est composée d'éléments multiples qui touchent le règlement, les calendriers etc. qui sont nécessaires dans le cadre de l'équité sportive.

Cette logique sportive vise à placer les joueurs et les entraîneurs en situation optimale pour réaliser la meilleure performance possible dans le cadre d'une obligation de spectacle. Justement, aujourd'hui et de plus en plus, le rugby n'est pas réservé aux seuls initiés, connaisseurs et pratiquants qui pourraient se satisfaire du seul résultat. C'est donc bien de la qualité du jeu qu'il faut se préoccuper et qu'il s'agit de préserver. Il n'est pas question de vouloir réaliser toujours plus de prouesses et d'exploits, mais seulement de "bien jouer". Il n'y pas meilleure façon de perpétuer le succès populaire et les recettes. La prestation se doit d'être bonne si l'on veut que l'interaction entre le jeu et le public ne soit pas factice et qu'il se crée une dynamique qui favorisera le bon fonctionnement de l'ensemble du système, ce qui permettra tout en même temps d'éviter les dangers signalés.

J'ai assisté au stade de France au match Stade français-Perpignan. Quelle belle affiche dans un des plus beaux stade du monde! Ce qui entoure le match, les fameuses "paillettes" n'est pas gênant, même si ce que l'on montre peut paraître quelquefois excessif, et j'entends bien que le show d'avant et d'après-match participe à la vente de l'événement. Dans ce cadre, l'affiche ne garantit pas la qualité. On peut accepter que le match soit mauvais à condition d'avoir tout essayer pour le rendre bon.

Celui-ci en l'occurrence n'était ni bon ni mauvais. Mais il est dommage de voir comment tous ces joueurs comparables à des voitures de Formule 1 avec un staff d'ingénieurs autour, se sont escrimés pendant une mi-temps à jouer au rugby ping-pong comme disent les Britishs . Ce "non-jeu" dans un sport comme le handball est réglementairement sanctionné. On ne peut quand même pas créer des règles pour obliger des professionnels à entreprendre autre chose que du mauvais gagne terrain...

Ce choix est d'autant plus regrettable que les deux équipes ont d'autres armes à faire valoir. En se lâchant, sans réticences dès le début du match, il ne fait pas de doutes que Perpignan aurait gagné. Cette équipe a développé en deuxième mi-temps des séquences de jeu prometteuses très significatives de leur évolution, et les quelques erreurs liées à de mauvais choix individuels n'auraient pas, après coup, généré de regrets. Avec la patte de Carter, le jeu catalan a pris une autre dimension, il serait dommage que sa blessure hypothèque cette évolution vers un jeu moins prévisible, plus adaptatif et donc plus riche.

Le Stade français ne joue plus. Cette équipe est à l'image d'Hernandez qui devient on ne peut plus prévisible du fait du suremploi du jeu au pied (appauvrissement de son registre tactique) et ce n'est pas les étranges permutations de poste avec Bauxis qui vont améliorer la performance de cette équipe.

La question à poser, vu la rareté des bons matchs dans notre championnat, c'est peut-être de demander aux joueurs ce qui les bloque et détourne même les meilleurs de la recherche d'un jeu plus volumineux radicalement plus ambitieux. L'environnement autour du jeu ne devient-il pas trop inconsciemment un frein alors qu'il devrait au contraire être un facteur motivant?

Quand on joue à ce niveau, on ne peut accepter d'exprimer qu'une partie de ses possibilités tant collectives qu'individuelles surtout quand on sait le temps et les moyens qui sont maintenant accordés pour se préparer.

Le rugby français doit sortir de cette instabilité tactique. Il doit se transcender derrière le jeu et ne plus se réfugier derrière de fausses raisons, surtout quand on attribue le non-jeu au règlement et à l'arbitrage .

Irlande - France est une occasion pour les heureux sélectionnés d'exhiber l'étendue de nos ressources tactiques. Montrer que l'enjeu, certes est d'importance,mais il ne doit pas limiter les ambitions des meilleurs du moment. Pour qu'il en soit ainsi, il n'est pas demandé au XV de France des exploits inimaginables qui relèvent comme c'est souvent le cas de la peur ou de la colère. Pire des deux. Mais bien pour les Bleus, d'être mentalement prêt à offrir au jeu nos compétences.

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