Comment la France peut-elle battre l’Irlande ?
6 NATIONS - Cela fait cinq ans que les Bleus n’ont plus gagné face à l’Irlande. Une éternité. La plus longue série de matchs depuis 1928... Comment les Bleus peuvent-ils enrayer cette spirale infernale? Eléments d’analyse et tentative de réponse(s).
Le sélectionneur irlandais Joe Schmidt a su faire de son équipe une machine bien huilée. La mécanique est simple mais les joueurs talentueux et le système compliqué à mettre en défaut. Pour y arriver, voici quatre points sur lesquels le staff des Bleus pourrait insister jusqu’au match.
Gagner la bataille des rucks
C’est évidement l’un des points forts du XV du Trèfle. Sa capacité à imposer une bataille acharnée dans les rucks et à pousser l’adversaire à y perdre des ballons, du temps et de l’énergie. Face au pays de Galles, les Irlandais ont disputé plus de 250 rucks (255) défensifs ou offensifs. Dans le même temps, les Bleus n’en ont joué que 154 face à l’Italie. L’Irlande a comme volonté de mettre au centre de son animation offensive et défensive la vitesse de libération des ballons. Comme toutes les équipes, en attaque, les sorties doivent être le plus rapide possible. Mais c’est surtout en défense que les Verts mettent tout en oeuvre pour que l’adversaire bataille le plus longtemps possible.
- Les joueurs clés
Paul O’Connell à la retraite et Peter O’Mahony blessé, le système repose surtout sur Sean O'Brien et Tommy O’Donnell, un joueur qui intervient très rapidement dans les zones de combat. Derrière, les joueurs sont aussi concernés: Henshaw et Payne montent très vite et poussent l’attaque à venir taper au milieu de terrain ou à revenir à l’intérieur sur des avants très efficaces.
- Comment ?
La solution est simple sur le papier: allez plus vite que l’Irlande sur les rucks et gagner la ligne d’avantage en attaque pour être dans l'avancée. Mais peut-être encore plus important: l’Irlande va ralentir les ballons. C’est sa mission principale et elle arrivera à casser le rythme des attaques tricolores. Il faudra bien maîtriser les systèmes pour redynamiser un ballon sans vitesse. Peut-être aussi trouver un moyen d’alterner sur le jeu au pied, notamment pour ressortir de nos 22 mètres. Sous peine de voir Jules Plisson se faire contrer.
Encaisser le choc au milieu de terrain
Le milieu de terrain irlandais est l’un des plus solides en Europe. Et seul le pays de Galles met autant d'importance à dominer dans ce secteur. A ce titre, les centres sont plus des destructeurs que des bâtisseurs: ils doivent gagner des mètres et faire reculer la défense à tout prix. Une volonté aussi vraie en attaque qu’en défense. Et si les centres ne sont pas les seuls à mettre en musique cette douce mélodie (monter, plaquer, contester, monter, plaquer, contester…), ils en sont les premiers acteurs.
- Les joueurs clés
Les années O’Driscoll-D’Arcy semblent loin. Aujourd’hui, un autre duo les a remplacés: Jared Payne et Robbie Henshaw. Deux joueurs très physiques, très bon plaqueurs et surtout parfaitement habitués à l’exigeante rush-défense. Sans oublier CJ Stander ou Sean O’Brien et Jamie Heaslip, qui n’hésitent pas à densifier le milieu de terrain, en nombre et en kilos.
- Comment ?
Deux écoles s’affrontent ici. D’abord l’approche frontale, en répondant à la puissance par la puissance. C’est la vision du pays de Galles ou de la France version Saint-André: un duel physique et parfois stérile, jusqu’à ce qu’un des joueurs craque. En face, l’idée qui voudrait qu’à la puissance, on y oppose la vitesse. Face à un mur type rush-défense, la solution est de le contourner via des redoublées, du jeu dans le dos et des joueurs en leure qui fixent le milieu de terrain. Des phases de jeu déjà observées face à l’Italie.
Ne pas subir le jeu au pied de pression
L’une des armes principales de l’équipe d’Irlande est d’être capable d’inverser le cours d’un match sur un ou deux coups de pied. L’art de faire basculer la pression dans l’autre camp sur une chandelle, un jeu au pied dans le dos du troisième rideau… L’équipe d’Irlande dispose aujourd’hui, et grâce au travail de Schmidt, de l’un des jeux au pied de pression les plus efficaces du monde avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
- Les joueurs clés
Sans surprise, ce sont les deux meneurs de jeu qui se dégagent: Conor Murray, maître du "box-kick" et Jonathan Sexton, prince de la diagonale. Le premier va se charger majoritairement du jeu au pied de pression, grâce notamment à des chandelles tapées sur l’ailier dans le couloir des 5 mètres. Le second aura à sa charge le jeu au pied d’occupation, en tapant très loin et très profond dans le dos du troisième rideau. La spécialité de Sexton? Il maîtrise aussi bien le coup de pied croisé que décroisé et alterne sans soucis entre les deux. Un cauchemar pour l’arrière.
- Comment ?
Pour répondre à cela, pas de mystère: les Bleus devront répondre présents dans les duels aériens. On se rappelle que face à l’Italie, Médard a perdu son premier duel en l’air et il faut rappeler que Vakatawa prend ses marques à l'aile. Une situation qui pourrait être la source de quelques suées. Les premières minutes seront importantes, Conor Murray testant souvent le troisième rideau.
Etre défensivement plus efficace
C’est la grande interrogation de ce XV de France. Les Bleus seront-ils prêts défensivement ? Certes, le système défensif ne se construit pas en quelques semaines. Contrairement à l’organisation offensive, la défense ne pardonne ni l’improvisation, ni l’approximation. Face à l’Italie, la France a concédé 21 points et 2 essais, un record depuis 2013. Or, depuis 10 ans quand l'Irlande marque 21 points ou plus, elle remporte 83% de ses matchs (48/58).
- Les joueurs clés
Les joueurs clés vont se dégager en fonction du système choisi et même d’un match à l’autre. Les joueurs importants peuvent se nommer Lauret, Camara ou Mermoz. Une seule certitude, c’est que certains joueurs ont le potentiel pour devenir les référents de ce XV de France. Exemple ? Lauret, qui face à l’Italie a été généreux (10 plaquages) mais brouillon (4 manqués). Des chiffres qui cachent l’essentiel: le joueur du Racing a été l’un des seuls (sinon le seul) à avancer au plaquage. Plus que le pourcentage correct des Bleus (85% de plaquage réussis), c’est ce manque d'intensité au plaquage qui a offert à l’Italie la possibilité d’enchainer de longs temps de jeu et de conserver la balle.
- Comment ?
Comme dit précédemment, il n’y a pas de recette miracle ou de baguette magique qui permettent au XV de France de construire un système efficace et cohérent très rapidement. Mais les attitudes vont devoir certainement changer. Ne pas accepter de subir, ne pas tolérer l’avancée, ne pas admettre de perdre des duels. Ce basculement mental est nécessaire: si face à l’Italie, la France avait de nombreuses circonstances atténuantes (peur de mal faire, volonté exacerbée de jouer, très légère arrogance face à une Italie diminuée), une telle timidité en défense serait rédhibitoire face à l’Irlande.
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