Ntamack, le sens du sacrifice

  • Romain Ntamack France-Argentine Rugby
    Romain Ntamack France-Argentine Rugby
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XV DE FRANCE - L'association tant rêvée entre Jalibert et Ntamack fut un échec face à l'Argentine, même si cela ne la condamne évidemment pas. Reste que, si la réussite doit être au rendez-vous, il faudra trouver un équilibre, notamment pour davantage profiter des qualités du Toulousain. Samedi, c'est surtout lui qui en a payé les pots cassés, après avoir déjà dû céder plusieurs prérogatives.

Romain Ntamack est un garçon aussi sobre qu’intelligent. Si l’expression de son visage - lorsqu’il est sorti du terrain à la 54e minute – laissait peu de place au doute sur la frustration qui était la sienne, il s’est bien gardé de faire la moindre vague, affichant notamment sur les réseaux sociaux sa joie d’avoir retrouvé le maillot bleu et le public dans les tribunes du Stade de France. Pourtant, si la victoire fut au rendez-vous contre les Pumas et si le Toulousain sait combien c’était essentiel dans la construction de cette équipe de France, il avait de quoi gamberger sur le plan personnel.

Son association avec Matthieu Jalibert était très attendue, elle fut un échec. Cela n’enlève rien aux promesses qu’elle laisse entrevoir et ne la condamne pas du tout, pas après une seule expérimentation sur la scène internationale, mais il faudra rectifier le tir. D'autant qu'elle devrait être reconduite face à la Géorgie dimanche. Mais, décalé en position de premier centre alors qu’il est fixé à l’ouverture depuis un an et demi en club comme il l’avait réclamé, Romain Ntamack a eu le mauvais rôle face à l’Argentine, en étant souvent employé à contre-emploi. Voilà pourquoi il a été déçu en cédant sa place et affecté dans les heures qui ont suivi, car il n’a jamais pu exprimer ses qualités. Surtout que, pour le bien d’une équipe nationale qu’il place par-dessus tout, il avait su accepter sans rechigner de nombreux sacrifices. Explications :

Il a laissé le numéro 10

Qu’on le veuille ou non, il était jusque-là considéré comme l’ouvreur titulaire de l’ère Galthié. Il avait même gagné sa place à ce poste dès le Tournoi des 6 Nations 2019 avant de mener le jeu des Bleus lors de la Coupe du monde au Japon, quand l’ancien demi de mêlée international avait déjà intégré le staff… Surtout, durant le début du mandat du technicien, il fut impeccable dans son rôle de numéro 10, parfait animateur et souvent décisif. Chacun se rappelle notamment de son interception pour l’essai de la victoire historique au pays de Galles. Au-delà, ses automatismes avec Antoine Dupont, son partenaire au Stade toulousain, étaient évidents. Sauf qu’il a raté la fin de la Coupe d’Automne des Nations voilà un an – en raison de la limitation à trois feuilles de match – puis le début du Tournoi 2021 sur blessure (fracture de la mâchoire).

En son absence, Matthieu Jalibert a saisi sa chance en se montrant au niveau auquel il évolue à l’Union Bordeaux-Bègles. Du coup, l’encadrement des Bleus a voulu profiter de leurs états de forme respectifs pour les positionner ensemble sur le terrain. Leur polyvalence est la suivante : Jalibert peut jouer à l’arrière et "NTK" au centre. Avec la profusion d’arrières de haut niveau (Jaminet, Ramos, Dulin, Buros), puis Vakatawa et Vincent en moins pour la tournée, c’est le Toulousain qui a dû changer de position. Il l’a fait sur demande du staff, pour le bien de la sélection. C’est logique, mais ce repositionnement n’est certainement pas l’option qu’il aurait préférée. L’intéressé ne cache pas depuis un an et demi qu’il souhaite se fixer à l’ouverture et qu’il soit considéré comme tel. En club, même s’il lui est arrivé de dépanner au centre la saison passée, il est installé en numéro 10 depuis l’été 2020. Pour ce qui est de l’exercice actuel, il a commencé toutes ses rencontres de Top 14 à ce poste et n’a été décalé en 12 que lors de la dernière demi-heure contre Castres il y a deux semaines et demi, aussi parce que le staff toulousain connaissait les intentions de Fabien Galthié.

Il a laissé les tirs au but

Ouvreur titulaire, Romain Ntamack était aussi le buteur attitré du XV de France depuis le fameux Tournoi 2019. S’il n’est pas le premier choix en club dans ce rôle puisque Thomas Ramos a toujours été l’artilleur privilégié, il n’a jamais déçu dans l’exercice (notamment durant les phases finales de Champions Cup avec Toulouse quand Ramos était blessé). Sa réussite face aux poteaux a même augmenté au fil du temps et il avait été convaincant dans ce domaine lors du Mondial japonais. Certes, son pourcentage en sélection est légèrement inférieur à ceux de Jalibert et Jaminet mais il est plutôt rare de changer de buteur quand celui-ci donne satisfaction. Alors pourquoi Ntamack, sur le terrain, a-t-il été déchargé lors de cette tournée d’automne ? A priori, le staff des Bleus a souhaité que lui et Jalibert se concentrent sur la conduite du jeu, raison pour laquelle il a nommé Melvyn Jaminet pour les tirs au but. Cela s’entend. Ce n’est plus lui qui tape les coups d’envoi non plus avec son changement de poste. Reste qu'Ntamack est un garçon qui aime les responsabilités. Or, il a pu le vivre comme un déclassement.

Il s’est adapté en défense

Là encore, il n’y a rien d’illogique puisque Romain Ntamack est considéré comme un meilleur défenseur que Matthieu Jalibert. Domaine dans lequel le Toulousain a énormément progressé depuis le début de sa carrière. Toujours est-il qu’il a retrouvé sa position d’ouvreur face à l’Argentine… sur les phases de possession des Pumas. C’est le résultat d’une adaptation stratégique voulue par le staff de Fabien Galthié, conscient des points faibles que pouvait présenter le tandem. Ainsi, le Bordelais se plaçait en deuxième centre sur ces séquences, ce qui lui permettait d’être beaucoup moins exposé. S’il n’a pas été particulièrement visé, Ntamack s’est évertué à être efficace en défense, avec cinq plaquages pour un seul raté. Mais avec encore cette impression de quelque peu se sacrifier.

Il est sorti tôt

C’est sûrement le point le plus délicat à interpréter : la sortie prématurée de Romain Ntamack peut-elle avoir des conséquences sur sa confiance ? Connaissant sa personnalité, il y a peu de chance. Pour autant, le Toulousain avait le visage fermé au moment de céder sa place à Jonathan Danty à la 54e minute. Le choix tactique se justifie, Galthié ayant expliqué que l’option d’amener de la puissance au centre du terrain faisait partie de la palette de coaching imaginée en amont. Mais il a dû être dur à encaisser pour Ntamack, lequel peut avoir la sensation d’avoir effectué tout le travail ingrat avant de rejoindre le banc. Il pouvait aussi espérer glisser à l’ouverture pour les vingt-cinq dernières minutes, au nom de son entente avec Antoine Dupont. Il n’en fut rien, et les deux actions décisives de Jalibert sur les essais de Flament et Mauvaka - dans une fin de match beaucoup plus débridé - ont donné raison au sélectionneur. De quoi alimenter la frustration de "NTK".

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