Abonnés

L’écrin de folie

  • L’écrin de folie
    L’écrin de folie Patrick Derewiany / Midi Olympique
  • L’écrin de folie L’écrin de folie
    L’écrin de folie Patrick Derewiany / Midi Olympique
  • L’écrin de folie
    L’écrin de folie Patrick Derewiany / Midi Olympique
Publié le
Partager :

Souverains durant toute la saison, jusqu’à battre de nombreux records, les Toulousains l’ont aussi été en finale pour dominer logiquement Clermont. Un match presque parfait pour conclure une merveille d’année, marquée par l’insouciance et l’audace d’un groupe décidément à part.

Il faut être carrément fou, alors que vous menez de six points en finale de Top 14 et que le chronomètre affiche 79 minutes et 50 secondes, pour écarter un dernier ballon sur Cheslin Kolbe au niveau de la ligne médiane. La fusée springbok qui commettra un en-avant au contact, offrant une ultime munition à Clermont. Sans conséquence. "Nous sommes la seule équipe au monde à vouloir marquer un essai de cinquante mètres à ce moment-là, souriait Ugo Mola. C’est dire à quel point mes joueurs sont tocards. C’était complètement c… William (Servat) était fou. Heureusement que Cheslin va vite car, s’il l’attrapait, il le tuait."

C’était à la fois impertinent et totalement déraisonnable. Finalement à l’image de cette équipe. Laquelle, alors que les consignes étaient de prendre les points en début de rencontre, a décidé - par l’intermédiaire de Thomas Ramos - de jouer vite sa première pénalité, à la 6e, pourtant située à dix mètres en face des poteaux. "Là aussi, c’était une connerie, grinçait Mola. Alors que Thomas avait besoin de reprendre confiance après sa demi-finale, je ne sais pas si on peut prétendre que c’était audacieux mais il est sévèrement burné (sic) comme on dit." L’insouciance à son paroxysme. La même qui a porté ce groupe durant douze mois. Du 15 juin 2018, date de la reprise de l’entraînement, au 15 juin 2019, premier jour du reste de leur vie de champions. De ce stage en Andorre fin juillet, quand les Rouge et Noir se demandaient où ils allaient sans Fickou, Maestri, Doussain ou Fritz, quand les échanges avaient été rudes au sein du staff et les mises au point sévères entre les coachs et certains joueurs, jusqu’au Stade de France où ils ont posé le sceau de leur indéniable supériorité sur le championnat.

Huget : "J’avais envie de leur mettre des claques"

Cette insouciance, Mola et ses adjoints l’ont réclamée et même théorisée. Évidente dans le jeu éclatant proposé par ces troupes qui, à elles seules, pourraient squatter la moitié du livre des records. Mais aussi en dehors du terrain, là où les hommes, qui étaient une quarantaine dans la capitale dès vendredi, ont tout partagé. Les moments conviviaux, la plupart du temps, mais aussi les recadrages. "On a su se dire les choses quand il le fallait", certifiait Sofiane Guitoune. Comme lors de la défaite traumatisante face au meilleur ennemi castrais en septembre, après avoir mené de dix-neuf points à moins d’une demi-heure du terme. Pour la première fois de sa carrière, Maxime Médard avait rassemblé ses partenaires pour leur hurler qu’il était inconcevable de ne pas respecter le maillot du Stade toulousain de la sorte. Deux semaines plus tard, c’est lui qui, d’un sauvetage miraculeux, offrait la victoire aux siens à Bath. Le geste qui allait tout changer dans la saison et la faire basculer dans une nouvelle dimension.

La force de ce groupe, c’est de ne s’être jamais renié. Pas même quand il fallait préparer le sommet d’une vie sportive. Mardi dernier, la majorité des joueurs ont passé la soirée dans une pizzeria de la Ville rose pour s’offrir quelques spécialités italiennes. À quatre jours d’une finale. Mais ce n’était rien en comparaison de la suite. Quand tout être humain normalement constitué sent la pression monter peu à peu dans les instants précédant l’événement, les insolents gamins stadistes ont vécu le strict opposé. Trente-six heures avant la rencontre, il convenait de prendre la température de son équipe auprès de Mola. La réponse : "Ils sont comme d’habitude, déconcertants tant ils sont détachés de tout." Jusqu’à se marrer franchement dans le bus qui les amenait à Saint-Denis, deux heures avant le coup d’envoi. Ce qui avait pour don de faire dégoupiller l’extrême professionnel qu’est Yoann Huget : "On n’avait pas l’impression de jouer une finale. Les Dupont, Bezy et toute la clique, ces jeunes nous rendent fous, nous les anciens qui avons besoin d’être concentrés toute la semaine. J’avais envie de leur mettre des claques (rires). Ils jouaient au rami, à tout. Même au badminton la veille du match ! Moi, j’avais la boule au ventre. Mais, quand il arrive sur le terrain, ce groupe répond présent. Les jeunes nous apportent cette fraîcheur. Grâce à eux, on se dit parfois ce n’est que du rugby."

Mola : "Ils n’ont plus ce lourd passé à porter"

Elle est sûrement ici, la clé, chez ces gosses pétris de talent et capables de se métamorphoser une fois que le coup de sifflet a retenti. Le tout avec un naturel et une décontraction sidérants. Comme sur cette merveille de deuxième essai fait de prise de la largeur, d’une claquette sublime de Ramos avant un festival de passes dans un parfait timing devant la défense ou dans le dos. Un récital d’attaque classique si rare en France, de ce fameux "je fixe, je donne" parfois plus spectaculaire qu’une relance de 80 mètres. "J’ai la chance d’entraîner des gosses et des mecs incroyables", se contentait Mola. Menés par un Jerome Kaino dont le charisme sur une pelouse n’a d’égal que sa classe quand il s’en éloigne. Imaginez qu’au moment de la remise du Brennus, le double champion du monde all black s’est effacé pour laisser Julien Marchand, celui dont il a pris la succession au capitanat, soulever le Bouclier. "C’est normal, c’est mon capitaine, justifiait l’immense Kaino. En observant les yeux des joueurs français, j’ai compris ce que représentait ce trophée ici."

Presque aussi émouvant que de voir Ramos fondre en larmes à l’heure de l’accomplissement d’une carrière : "J’avais ce rêve depuis tout petit et il se réalise. J’ai fait des sacrifices jeune en partant tôt de chez moi. Je me suis aussi mis en danger il y a trois ans en allant à Colomiers car je n’avais pas ma place à Toulouse." Une histoire de dingue, comme celle de ce club qui a touché le fond voilà deux ans, en tombant à la douzième place du classement. Mola, alors raillé et ballotté, s’est accroché à ses convictions d’un rugby différent, soutenu par un président Didier Lacroix qui a apporté un nouveau souffle, pour ramener l’institution au sommet. Là où elle ne mesurait plus à quel point il est usant de rester. Une fantastique revanche sur le destin ? "La revanche est l’adage des faibles, rétorque le technicien. J’ai une pensée pour René Bouscatel, Fabien Pelous et d’autres qui, à un moment, m’ont tenu à bout de bras et seuls dans la tempête. Je savais que cette superbe génération pointait le bout de son nez il y a un peu plus de deux saisons. Maintenant, elle est championne, comme celles des années 90 puis 2000, et elle n’a plus ce lourd passé à porter. Elle a juste son présent à assumer." C’est sûrement la plus grande des victoires.

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?