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Capo Ortega : et si c'était fini ?

  • Rodrigo Capo Ortega, (Deuxième ou troisième ligne du Castres olympique).
    Rodrigo Capo Ortega, (Deuxième ou troisième ligne du Castres olympique). Icon Sport
Publié le Mis à jour
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La faute au coronavirus, la fin de carrière de la légende uruguayenne du Castres olympique pourrait être anticipée. Les souvenirs de sa carrière, eux, sont indélébiles.

C'était le 1er mars dernier. Il y a trois semaines à peine. Il y a une éternité. À l'époque et pour quelques jours encore, le Coronavirus n'était qu'un songe, une maladie impalpable dont la rumeur arrivait à peine aux oreilles de la vieille Europe. La vie suivait son cours, le Top 14 battait son plein et les fans de ce jeu étaient heureux de se retrouver au stade. Ce 1er mars donc, sur la pelouse de Chaban-Delmas, un colosse vêtu de blanc faisait des misères au leader du championnat. Rodrigo Capo Ortega, 40 ans en décembre, inscrivait un essai magnifique, concluant une action de plus de quatre-vingts mètres. L'espace d'un instant, le presque quadragénaire uruguayen du CO retrouvait ses jambes de 20 ans, faisait la nique à des gosses dont il pourrait presque être le père et illuminait tout un stade de son sourire franc, celui du champion encore heureux de faire son métier, de donner et de recevoir. 

Celui qui avait annoncé quelques semaines plus tôt qu'il arrêterait sa carrière à l'issue de la saison ne savait pas encore que ce match à Bordeaux et cet essai figuraient peut-être ses derniers moments de rugbyman professionnel. Il est encore trop tôt pour dire si cela sera réellement le cas mais l'actualité due au Coronavirus oblige à prendre en compte cette considération. Rien ne nous dit à cette heure que le championnat pourra aller à son terme. Quand les crampons seront rangés, il restera les souvenirs. Que de chemin parcouru depuis l'arrivée de Rodrigo à Castres, en 2002.

C'est Christian Gajan, alors manager du club tarnais, qui a le premier repéré le talent de l'Uruguayen qui venait de débarquer à Millau. « Je me souviens comme si c'était hier de son arrivée au Levézou, explique Gajan. Il nous avait tous impressionné par sa force physique. D'ailleurs, nous l'avions très vite surnommé « l'incroyable Hulk », en rapport à une série télévisée à la mode à l'époque. À la base, il avait été recruté pour s'aguerrir chez les espoirs. Mais il nous a rapidement prouvé que cette étape ne serait pas nécessaire. » 

Très vite en effet, Rodrigo, à peine 22 ans à l'époque, va gagner ses galons de professionnels. Et lier sa vie à la France et au CO. « J'avais signé un petit contrat « 1+1 », avec l'année optionnelle automatiquement enclenchée si je faisais un certain nombre d'apparitions en équipe première. Je me souviens avoir fait deux ou trois matchs avec les espoirs. Le premier contre Perpignan, le deuxième contre Clermont. J'ai livré des copies correctes, à tel point que j'ai été appelé avec le groupe professionnel pour un déplacement à Grenoble. Je me souviendrais toujours de l'annonce de l'équipe. Quand Christophe (Urios, N.D.L.R.), a annoncé les noms des deuxième lignes retenus, j'étais déçu de ne pas y être. Et puis j'ai entendu : « numéro 7 : Capo Ortega ! » J'étais très surpris et ému. Avant d'entrer sur la pelouse, les cadres de l'époque ont réuni l'équipe pour le discours d'avant-match. Je me souviens qu'Ugo Mola et Mauricio Reggiardo ont parlé, ils avaient eu un bon mot pour moi, en disant qu'il fallait que je me souvienne de ce premier match. » 

Reggiardo, aujourd'hui manager du CO, se remémore aussi ce gosse qui partageait la même culture que lui : « Quand il a débarqué à Castres, j'avais déjà 32 ou 33 ans, j'étais plus près de la fin que du début. Rodrigo avait une force terrible, nous nous sommes vite rendu compte qu'il mettait toujours l'équipe dans l'avancée. Nous sommes tous les deux sud-américains alors bien sûr cela a facilité nos relations. Nous parlions la même langue. J'ai eu tendance, avec d'autres, à le prendre un peu sous mon aile. C'était un super « pitchou », très attachant et très bon joueur de rugby. Je me souviens de ses plaquages dévastateurs, à la sud-américaine, avec des appuis très bas. Il plaquait aux chevilles et aujourd'hui encore c'est sa marque de fabrique. »

400 matchs sous le même maillot, une rareté !

Excellent rugbyman, travailleur infatigable, attachant au possible en dehors des terrains, le néo-arrivant est très vite adoubé par ses coéquipiers. L'Uruguayen ne quittera plus l'équipe ou presque. « Contre Grenoble, je sors une bonne quinzaine de plaquages. Cela me permet d'enchaîner en tant que titulaire par une réception de Biarritz, qui marchait sur l'eau à l'époque, explique encore Capo Ortega. Et j'ai signé mon contrat professionnel au CO pour quatre ans en suivant. » Le premier d'une longue série, qui conduira l'Uruguayen au firmament du rugby français avec l'obtention de deux titres de champion de France (2013 et 2018). Au même titre qu'Aurélien Rougerie à Clermont, Capo Ortega fait partie de la toute petite confrérie des joueurs à avoir atteint 400 matchs sous un même maillot. La race des seigneurs. « Je suis fier d'être Uruguayen mais je me sens aussi Français. La France m'a tout donné. Elle m'a permis de vivre de ma passion, elle m'a permis de rencontrer ma femme, Julie. Mes enfants sont nés en France. Je suis devenu un homme ici », développe Capo Ortega.

Laurent Travers, qui fut aussi l'entraîneur de Rodrigo notamment lors de l'épopée de 2013, se souvient lui aussi d'une force de la nature doublé d'un homme en or hors des terrains : « Dans ses jeunes années, Rodrigo était un énorme plaqueur et c'est encore le cas aujourd'hui ! C'était aussi un gros franchisseur, un gars qui faisait avancer l'équipe. Si il peut aujourd'hui afficher une telle longévité à un tel niveau, c'est qu'il a su faire ce qu'il fallait. Rodrigo est un immense professionnel. J'espère qu'il aura l'hommage que sa carrière mérite. Si ce n'est pas le cas à cause de ce virus, ceux qui connaissent le rugby savent ce qu'il a fait pour ce jeu. »

Rodrigo lui même semble s'être fait une raison, au vu de la gravité de la situation sanitaire : « Si je n'ai pas droit à mon dernier match à Pierre-Fabre, bien sûr que je serai triste. Mais on trouvera quand même une solution pour faire un petit match entre amis. Il y a des choses plus graves en ce moment que la fin de carrière de Rodrigo Capo Ortega. Je pense à ceux qui souffrent, touchés par la maladie. » Seigneur jusqu'au bout !  

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