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Aucagne, manager de Béziers : « Le rachat du club par des Emirati ? Je n’y ai jamais trop cru »

  • David Aucagne
    David Aucagne Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L’été dernier, l’ASBH fut plongée dans une crise sportive et administrative après l’épisode du rachat émirati finalement avorté. Six mois plus tard, à la grande surprise, le club héraultais fait bonne figure en PRO D2.

En quelques phrases, quel regard portez-vous surlessix derniers mois de l’ASBH ?

Un regard difficile parce que nous sommes tous confinés et que faire des matchs devant zéro spectateur, c’est un peu compliqué. On subit un peu. Après, je trouve que le club a bien réagi. Nous avons essayé de reconstruire quelque chose autour de nos joueurs, de nos partenaires. Malheureusement, on ne voit pas trop nos supporters… Mais je suis assez fier des joueurs et des décisions prises par les dirigeants. Ils nous ont bien aidés et ils ont essayé de remettre le club à flot.

Revenons six mois en arrière. Comment avez-vousappris qu’un groupe d’investisseurs souhaitait racheter le club ?

Je l’ai appris via la presse, il me semble. Et un peu comme tout le monde, j’étais étonné. J’ai continué à travailler. J’ai essayé de bien préparer la nouvelle saison malgré tout. Mon travail, c’était de protéger mes joueurs au maximum par rapport à ce qui pouvait se passer à l’extérieur. J’ai essayé de les tenir informés, même si je n’étais certainement pas au courant de tout. Aussi, j’ai multiplié les visioconférences avec eux. J’ai essayé de les appeler souvent, pour les rassurer par rapport à leurs contrats. Au cas où, même s’ils perdaient leur emploi, ils étaient couverts et allaient toucher une indemnité. Nous avons essayé de rassurer tout le monde.

Étiez-vous inquiet ?

Oui, des inquiétudes par rapport au budget car on pensait le club plutôt bien. Il n’y avait pas spécialement de problèmes financiers. Et puis, des inquiétudes par rapport à leur avenir proche car ça allait impacter un bon nombre de joueurs, le staff aussi. La perspective de ne pas avoir de boulot dans les deux prochains mois, c’est un peu compliqué à appréhender. Retrouver un club à ce moment-là, même si c’était la période de recrutement, c’est toujours compliqué.

Avez-vous cru à ce projet de rachat ?

Non, je n’y ai jamais trop cru. Je faisais confiance à mes dirigeants, qui m’avaient dit rapidement qu’il n’y avait pas grand-chose dessous.

Vous ne faisiez pas partie des plans des repreneurs. Comment avez-vous vécu la possibilité d’être mis sur la touche en cas de rachat ?

Je le vivais un peu difficilement car je connaissais un peu « Domi », on s’était croisé en équipe de France. Je l’appréciais plutôt. Je trouvais ça un peu dommage, même si je comprenais aussi qu’il n’était pas facile de venir me voir sachant qu’ils ne comptaient pas sur moi. Je suis passé outre. Je travaille, je sais ce que j’ai à faire. C’était plus de l’inquiétude par rapport à ma famille, si je devais partir vers d’autres horizons. C’est vrai que, depuis quatre ans, nous sommes bien intégrés à Béziers, avec mes filles et ma femme. C’était cela qui m’inquiétait plus qu’autre chose.

Avez-vous cherché une porte de sortie, dans un autre club ?

Je n’ai pas du tout anticipé le fait d’aller voir ailleurs. L’intersaison est toujours une période compliquée. Moi, j’étais encore sous contrat donc je me suis vraiment attaché à essayer de bien recruter. Ce qui n’a pas été facile car dans cette période, on ne savait pas trop qui allait être à la tête du club. Les joueurs qu’on appelait n’étaient pas forcément réceptifs. J’ai essayé de faire aboutir au maximum les dossiers. L’important, c’était ça : être compétitifs après l’intersaison et repartir au travail. Je pense que ça ne s’est pas trop mal passé, même si ça a capoté sur quelques dossiers. Globalement, nous avons réussi à faire ce qu’on voulait. Je remercie d’ailleurs les joueurs qui se sont engagés et les clubs qui nous ont soutenus, comme le Stade toulousain, avec qui nous sommes assez proches.

Avez-vous pensé à partir ?

Non car je suis passionné par ce que je fais. Même s’il y avait beaucoup d’inconnues sur mon avenir. Manager, ce n’est pas un métier, c’est une passion. Je me lève tous les jours avec bonheur. Ce qui m’importe, c’est d’apporter le maximum à mes joueurs, de vivre de belles choses avec eux. Je n’ai jamais eu envie d’arrêter. J’aime ce club, je suis bien ici et je fais en sorte que Béziers continue à bien vivre aussi.

De son côté, le vestiaire était-il divisé ?

Oui. Entre des joueurs qui ont été contactés par les repreneurs et les autres. Certains n’ont pas forcément tout dit non plus. Ça a créé des tensions, cela a divisé le groupe. C’était compliqué. L’arrivée des nouveaux nous a fait du bien, ça a remis de l’élan, avec des personnalités nouvelles. Au niveau du rugby, au niveau du leadership aussi. Ils se sont beaucoup investis dans le projet. Au quotidien, ça nous a permis de tout effacer.

Trainez-vous encore cette scission interne ?

Je ne pense pas. Au contraire. Je trouve que l’équipe s’est vraiment ressoudée, a trouvé les moyens de s’expliquer, de mieux communiquer. Avant, les leaders avaient un peu de mal à s’entendre et à échanger entre eux. Nous avons fait des petites réunions pour faire en sorte que ces leaders s’écoutent. Il y a pas mal de caractères dans ce groupe quand même, des joueurs d’expérience. On a fait en sorte qu’ils jouent tous un rôle dans la reconstruction. Qu’ils soient acteurs de cette nouvelle page.

Avez-vous des regrets sur la tournure des événements ?

Après coup, oui. Je regrette que « Domi » ne m’ait pas appelé ou de ne pas l’avoir appelé, moi. C’est quelqu’un que je connaissais, que j’appréciais à l’époque. Avec ce qui s’est passé ensuite, je regrette oui… Ça n’aurait peut-être pas changé grand-chose mais je l’aurais eu de vive voix, au moins. Ça aurait été plus clair.

Comment avez-vous vécu sa disparition ?

Comme un choc, comme tout le monde. Une chose de plus qui revenait nous rappeler l’épisode estival. Aussi comme une déception. Je pense que cette histoire lui a fait beaucoup de mal et j’ai l’impression qu’il s’est fait avoir. Donc voilà… Je me dis que si ça s’était passé différemment, on n’en serait pas arrivé là. Après, je ne pouvais pas faire grand-chose non plus. C’est lui qui avait les cartes en mains.

Pour revenir au sportif. Quand on voit le Béziers de cet été et le Béziers d’aujourd’hui : comment êtes-vous parvenu à redresser aussi bien la barre ?

On a un groupe avec beaucoup de caractère, un groupe attachant, même si ce n’est pas toujours facile. C’est un groupe qui a envie de se sortir de la mouise. Même s’il nous faut encore un peu maturité et de confiance pour aller plus loin, on a vraiment une bonne équipe. Toute cette histoire a aussi soudé les joueurs. Mine de rien, ils se sont resserrés. Nous avons essayé de préserver nos valeurs de famille. Nous avons aussi redistribué certaines cartes. Je pense à John (Best, N.D.L.R.). On lui a enlevé un peu de pression. Il était capitaine, c’est quelqu’un d’humain et il a beaucoup œuvré pour faire en sorte que le groupe ne parte pas en vrille. Il y a laissé quelques plumes. Il a été amoché et je pense qu’il avait perdu un peu de plaisir. Comme c’était important qu’il le retrouve, nous avons décidé de lui retirer un peu de responsabilités, pour lui permettre de vivre au mieux sa dernière année de rugbyman.

Le début de saison fut chaotique, avec trois premières rencontres qui ne vous ont pas été favorables. Comment avez-vous réagi ?

Difficilement, c’est sûr. Le premier match était compliqué à gérer avec des cas de Covid. Nous avons joué le lundi à Mont-de-Marsan sans s’être beaucoup entraîné. Le deuxième match contre Soyaux-Angoulême, nous passons à côté un peu bêtement. On prend un contre assassin et on fait beaucoup de fautes… C’est sûr qu’il a fallu attendre la 3e journée pour retrouver notre équipe. Mais je n’étais pas inquiet pour autant. On avait décelé le potentiel, aussi bien dans le caractère, la technique et l’envie tactique de bien faire les choses. Je trouvais des choses très intéressantes et je n’étais pas très inquiet.

Aujourd’hui, on vous sent fier de vos joueurs…

Ils se sont relevés de beaucoup de choses. Avec eux, Béziers reste un club atypique et vraiment attachant. J’aimerais vivre les choses un peu plus simplement car il faut s’accrocher sans cesse, en n’étant jamais trop à l’abri de rien. Mais en tout cas, je suis assez fier de ce qu’ont fait les joueurs et les dirigeants. J’ai l’impression que les soucis diminuent petit à petit.

A titre individuel, ressentez-vous de la fierté ?

Oui, oui… Je suis content du staff et de ce que l’on parvient à mettre en place. Ce n’est pas toujours évident mais il y a de la passion. Ça me permet de vivre des choses que je n’avais pas encore connues. C’est ce que j’étais venu chercher à Béziers. Je suis arrivé il y a quatre ans avec David Gérard. L’ASBH était quinzième de Pro D2. Mon but était de remonter une équipe, de vivre ce genre de trucs. J’étais venu pour acquérir de l’expérience, me stimuler et relever un défi. Voir ce que je pouvais accomplir dans ce type de situations.

En quoi cet épisode estival a-t-il changé le manager que vous êtes ?

Dans le fait d’aller beaucoup plus loin dans ce que j’ai envie de mettre en place. De ne rien lâcher, par rapport au recrutement par exemple. Ça me paraissait important d’avoir de bons joueurs cette saison et j’ai essayé d’appeler un maximum tous les gens que je connaissais. Aussi, j’ai tout fait pour être plus proche de mes joueurs, pour leur apporter une écoute.

Que peut-on désormais souhaiter à Béziers ?

Qu’il redevienne un club vraiment attractif et qui joue les premiers rôles dans le rugby français ou du moins en Pro D2. Qu’on soit qualifié constamment et que l’on arrive aussi à conserver nos jeunes. La formation est un maillon important de l’ASBH.

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