Mallia, c'est un beau roman

En décembre, le Stade toulousain avait perdu Lucas Tauzin et Arthur Bonneval pour plusieurs mois. Il craignait de devoir aussi se passer des services de Pita Ahki, propriétaire du numéro 12. Alors Ugo Mola et ses dirigeants ont sondé le marché, lequel les a guidés vers l’Argentine. Deux options : Santiago Chocobares, premier centre et étoile montante des Pumas, ou Juan Cruz Mallia, qui peut jouer deuxième centre, ailier ou arrière. Le technicien était tombé sous le charme du premier cité… « J’avais pris pas mal d’informations sur les deux mais on avait eu davantage de blessures sur le poste de 13 et sur les extérieurs », indique Mola. Dans le même temps, les nouvelles furent surtout rassurantes pour Ahki. C’est donc la solution de Mallia qui fut privilégiée. Question de profil. Il a débarqué à Ernest-Wallon mi-janvier. « Il m’a été conseillé par Mario Ledesma et Gonzalo Quesada, je peux les remercier aujourd’hui », sourit Mola. L’histoire était déjà singulière. Quatre mois après, elle l’est plus encore pour le Puma, auteur du seul essai de la finale. Celui du succès. Car plusieurs chapitres de son roman ont été écrits entre-temps…

Mola : « Le gamin était dévasté » 

Mallia avait fait sa première apparition à Lyon, le 20 février, encourageante sur le plan personnel malgré la défaite. Le problème ? « Juste après, il se prend le doigt dans une chasuble et se fait opérer », raconte son manager. C’était trois jours plus tard, à l’entraînement. Doigt à l’équerre et direction l’infirmerie pour rejoindre ceux qu’il remplaçait… « Le gamin était dévasté », dit Mola. Le pire étant qu’en mars, Toulouse a vu Sofiane Guitoune être fauché en plein vol, gravement touché au genou. Ce qui a précipité le recrutement comme joker de… Chocobares. Mais ce dernier ne pouvait être qualifié pour les phases finales de Champions Cup. Alors, il a fallu composer en l’absence aussi de Pierre Fouyssac, régulièrement indisponible en raison de ses soucis aux tendons. Zack Holmes, définitivement doublé à l’ouverture par Romain Ntamack, s’est alors installé aux côtés de Pita Ahki. Jusqu’à apporter le plus de garanties. Mais le destin de Mallia se voulait hors normes. Les ischios de l'Australien sifflant, le Puma a compris dès le début de semaine passée que la finale de Twickenham était la sienne. Une folie pour lui qui venait d’enchaîner deux titularisations mitigées à Toulon et contre Bayonne, dans une équipe remaniée. Lorsqu’il avait débuté, Toulouse n’avait jamais gagné...

Son cas était celui qui faisait le plus débat, sauf dans le staff. Vendredi, après l’officialisation de la composition, Mola justifiait : « C’est difficile pour lui d’arriver dans un environnement comme le nôtre qui demande souvent un peu d’adaptation, notamment derrière. L’aventure n’est pas des moins belles puisqu’il se retrouve à jouer une finale de Coupe d’Europe. On doit être patients avec "Juan Chi", par rapport à ce qu’on attend de lui, de ses qualités techniques et de vitesse. Il n’a que 24 ans et peut réellement exister chez nous. » Une promesse tenue dans le « temple ». Un essai pour l’éternité. « Bon, il ne me fait pas la passe, mais il va marquer, donc on ne lui dira rien, se marre Antoine Dupont. C’était beau de le voir marquer car ce n’était pas évident pour lui de se retrouver titulaire dans un effectif qu’il n’a pas pu côtoyer beaucoup. Ce garçon a des qualités humaines assez extraordinaires. » Et Mola d’ajouter : « Il a été déterminant. L’histoire elle est géniale. Il y en a parfois comme ça... » Du chat noir à l’eau de rose, il n’y a qu’un pas. Ou un essai inoubliable.