6 Nations 2023 – Pepito Elhorga avant Angleterre - France : "Sur le terrain c’est la guerre"

Par Paul Arnould
Publié le Mis à jour
Partager :

6 NATIONS 2023 – Pepito Elhorga (18 sélections) était titulaire à l’arrière lors de la dernière victoire de l’équipe de France à Twickenham dans le Tournoi des 6 Nations en 2005. Pour Rugbyrama, l’actuel directeur commercial et marketing du SUA revient sur ses souvenirs en Bleu et se projette sur la rencontre, toujours avec la passion du rugby qui l’anime.

Pepito, quels souvenirs gardez-vous de ce succès, le dernier, du XV de France à Twickenham il y a 18 ans ?

Ça commence à dater mais malgré les années, une victoire à Twickenham dans le Tournoi des 6 Nations c’est impossible à oublier. Personnellement, je me rappelle d’un gros plaquage sur un "marque" que j’effectue dans mes 22 mètres. Corry (le troisième ligne anglais N.D.L.R.) était arrivé avec un léger retard et j’avais terminé dans l’en-but. L'accueil de Twickenham... Je jouais arrière, il y a toujours des tests et celui-là était plutôt rude.

Et sur le match en lui-même ?

Je me souviens de l’engagement, d’un match très indécis. En première période, les Anglais nous avaient fait très mal en marquant deux essais. Mais nous avions été solidaires, l’équipe n’avait pas paniqué et en tenant le ballon, en créant des temps de jeu, les Anglais s’étaient mis à la faute et ce jour-là, Dimitri avait été en très grande forme en enquillant tous les points.

De mon temps, une victoire face aux Sud-Af' ou les Blacks était considérée comme un exploit. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas

On imagine la joie dans le groupe au coup de sifflet final...

Le crunch, c’est intense. Quinze jours avant, tout le monde en parle. C’est comme un derby Biarritz – Bayonne. La pression monte et le fait de gagner représente une fierté incroyable. Surtout face à cette nation qui à l’époque jouait les premiers rôles. Il y avait de sacrés noms : Corry, Wilkinson, Robinson… Il ne faut pas oublier que deux ans avant ils étaient sacrés champions du monde. Même si on s’entend bien avec eux, sur le terrain c’est la guerre.

Est-ce votre plus belle victoire avec les Bleus ?

Non. Mais ma plus belle victoire elle tombe encore sur les Anglais. C’était en 2004 pour le grand chelem au Stade de France. Ce jour-là encore, le match avait été très accroché, je me rappelle qu’on gagne de deux ou trois points (24-21 N.D.L.R.), et surtout on réalise le grand chelem alors que les Anglais pouvaient gagner le tournoi en l’emportant.

Les Français avaient remporté le crunch et le grand chelem en 2004, un an avant de s'imposer à Twickenham.
Les Français avaient remporté le crunch et le grand chelem en 2004, un an avant de s'imposer à Twickenham. Gerard Combes / Icon Sport - Gerard Combes / Icon Sport

L’équipe de France 2023 est-elle plus forte que votre génération ?

Plus forte je ne sais pas. La différence c’est que l’équipe de France actuelle est favorite. Pour ce match et aussi pour la Coupe du monde sans oublier nos amis Sud-Africains, Blacks et Irlandais. Elle a franchi un palier. De mon temps, une victoire face aux Sud-Af' ou les Blacks était considérée comme un exploit. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

Melvyn Jaminet n’est pas loin

Vous rajoutez de la pression...

Il y a toujours de l’attente autour du XV de France. Les Anglais traversent une phase délicate mais il faut se méfier : cette équipe peut se réveiller et se transcender sur un crunch. Il peut se passer beaucoup de choses. Je reste persuadé qu’ils feront le nécessaire pour bien accueillir les Bleus qui arriveront avec le statut de favori. C’est peut-être le match le plus difficile du Tournoi.

Si nos souvenirs sont bons, vous perdez votre place de titulaire malgré la victoire à Twickenham sur la fin du Tournoi. Une situation qui peut ressembler à celle de Melvyn Jaminet même si l’ancien de l’Usap s’est blessé. Comment inverser la tendance ?

Le niveau international ne pardonne pas. Il n’y a pas le droit à l’erreur, un mauvais match ou une méforme et on le paye très cher. Je ne suis pas inquiet pour Melvyn, il a du caractère. Sur le coup c’est dur mais c’est un compétiteur et l’opportunité se représentera pour lui comme elle s’est représentée pour moi. Thomas Ramos est peut-être indiscutable aujourd’hui mais Melvyn Jaminet n’est pas loin.

18 ans après, vous avez compris vous ?

C’est compliqué. L’équipe gagne en Angleterre mais mon match est moyen. On sait nos erreurs et grâce au travail et le retour en club, on retrouve la confiance et le goût de la compétition aussi. Je suis revenu quelques matchs après. Il faut trouver les ressources.

Êtes-vous d’accord avec Dimitri Yachvili qui expliquait dans le Midi Olympique cette semaine que gagner à Twickenham rendait forcément le Tournoi réussi ?

Réussi je ne sais pas. Gagner le crunch et finir troisième ou quatrième, ça dénoterait un peu non ? Faire un bon Tournoi c'est s’imposer ou presque, et la cerise sur le gâteau et de remporter le crunch. Battre les Anglais c’est bien mais il faut aussi relativiser en gardant en tête les autres matchs. L’objectif des Français est de gagner ce Tournoi et ils en ont encore la possibilité.

Quels sont les points d’amélioration de cette équipe ?

Elle fait plaisir à tout le monde. Elle est complète avec des joueurs exceptionnels – Dupont, Ntamack, Alldritt – malheureusement Anthony Jelonch s’est blessé mais il y a de la ressource. Cette équipe prend en permanence l’initiative. Les Bleus pèchent parfois dans la finition et laissent l’adversaire revenir dans la rencontre mais même là, ils continuent de gagner. Si les petites erreurs sont gommées, et parfois elles coûtent cher, ils ne seront pas loin de la vérité.

Votre carrière a été marquée par de nombreuses blessures. On est obligé de faire un lien avec Gabin Villière, très talentueux et apprécié comme vous, mais qui ne s’en sort pas avec les blessures…

Il y a des joueurs qui ne se blessent jamais et d’autres, comme moi, qui sont souvent à l’infirmerie. Ça fait partie de la vie. Gabin était pour moi un titulaire indiscutable à son poste et aujourd’hui il connaît une période délicate. C’est un bosseur. Il reviendra en forme j’en suis certain. Il ne doit pas lâcher.

Elhorga sort sur blessure en 2011 lors la 18e journée de Top 14.
Elhorga sort sur blessure en 2011 lors la 18e journée de Top 14. Nicolas Mollo / Icon Sport - Nicolas Mollo / Icon Sport

Quel est votre plus grand regret, si vous en avez un ?

(Il réfléchit). Si je dois retenir un seul match, je ne dirais pas qui me hante pas mais qui me revient souvent en tête, c’est la finale en 2002 avec Agen contre Biarritz. Quelle douleur de perdre en prolongation (25-22) après trois ans de travail où nous marchions sur tout le monde cette année-là... Avec le recul, ça reste ma seule opportunité d’être champion de France et je comprends mieux l’expression : "une finale ça ne se joue pas ça se gagne."

J’ai fini complètement cassé

Après votre arrêt de carrière en 2001, vous avez choisi de couper un peu avec le monde du rugby. Quel était le but ?

Oui je me suis éloigné mais pas trop non plus. Le souhait c’était surtout de régénérer mon corps. J’ai fini complètement cassé, assez durement. J’ai également profité de ma famille car dans une carrière de haut-niveau l’éloignement des proches est constant.

Aujourd’hui vous êtes de retour au SUA avec la casquette de directeur commercial et marketing. Le job vous plaît ?

Je suis très content. Je suis arrivé il y a un peu plus d’un an et à l’époque Agen jouait le maintien en Pro D2. Ça a été des mois durs pour moi, des années pour le SUA. Mais petit à petit, la sérénité est revenue notamment avec notre nouveau manager, nos nouvelles infrastructures et le SUA retrouve des couleurs avec l’objectif cette année de regoûter aux phases finales.

Allez, un petit pronostic pour ce 110e crunch de l’histoire ?

(Il prend le temps). Nous sommes les derniers à avoir gagné là-bas mais je pense que l’équipe de France va s’imposer. C’est une équipe joueuse qui marque beaucoup d’essais alors s’il fallait donner un score, je dirais 25-18 pour la France.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?