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Coupe du monde de rugby 2023 - Anthony Jelonch, la terre promise

  • Anthony Jelonch a effectué son grand retour à la compétition ce jeudi avec le XV de France, et ce six mois après s’être blessé gravement au genou gauche. Le témoignage d’un caractère hors du commun et d’un mental capable de déplacer des montagnes. Photo Midi Olympique – Patrick Derewiany
    Anthony Jelonch a effectué son grand retour à la compétition ce jeudi avec le XV de France, et ce six mois après s’être blessé gravement au genou gauche. Le témoignage d’un caractère hors du commun et d’un mental capable de déplacer des montagnes. Photo Midi Olympique – Patrick Derewiany
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Gravement touché au genou gauche fin février contre l’Écosse et opéré quelques jours plus tard, Anthony Jelonch s’était fixé l’incroyable défi de revenir à temps pour disputer ce Mondial et en être un acteur majeur. Titulaire et capitaine pour son grand retour contre l’Uruguay, il s’est offert un destin hors du commun. Voici comment...

À 20 h 56, ce jeudi soir, Anthony Jelonch – dont le nom avait déjà été accompagné d’une immense ovation à l’annonce des équipes – a pénétré le premier sur la pelouse du stade Pierre-Mauroy. Là, deux cents jours après sa grave blessure au genou gauche survenue en plaquant Duhan van der Merwe en bout de ligne, il a relevé le défi d’une vie. Son combat personnel contre le temps. Un peu plus de six mois se sont écoulés depuis son opération (le 6 mars) et le troisième ligne toulousain a donc participé à la Coupe du monde en France. Titulaire et capitaine des Bleus. "Cela fait quelque temps que je m’y prépare, assure-t-il. Je me suis encore entraîné dur toute la semaine dernière et Fabien (Galthié) m’avait dit : "C’est toi qui choisis le match que tu veux jouer." J’ai répondu : "Le plus vite possible, je me sens prêt." Il m’a annoncé que je serais même capitaine. J’ai repensé à tous les moments difficiles. Je ne suis pas quelqu’un de très émotif mais ça fait plaisir." Il y a autant de pudeur que de croyance dans les mots de cet homme de la terre et fils de paysan. Son père Jérôme illustrait ainsi dans ces colonnes récemment : "Anthony, tu sais qu’à l’automne, on sème le grain sans savoir si on va pouvoir le récolter en juillet." En fin d’été, la récolte a viré à la moisson. Gersois comme lui, son ancien entraîneur Pierre-Henry Broncan témoigne de sa résilience : "Anthony est robuste naturellement, élevé à la ferme. Il n’est pas devenu costaud dans une salle de musculation. Il faut lui faire confiance." Jelonch a livré une leçon, de force et d’abnégation. "Je suis quelqu’un de la campagne, issu d’un monde où le mental prend beaucoup de place", dit-il. Le sien fut incroyable. Dès le premier jour.

"Personne ne peut m’empêcher d’y croire"

Croisé le lendemain de sa blessure à l’aéroport de Paris-Orly, où il était arrivé dans un fauteuil roulant poussé par ses coéquipiers stadistes, il nous avait déjà confié : "En 2018 avec Castres, j’étais blessé et n’avais pas joué pendant trois ou quatre mois. Je ne suis revenu que pour la demi-finale de Top 14 et, une semaine plus tard, j’étais champion de France. Pourquoi ce ne serait pas pareil ? Personne ne peut m’empêcher d’y croire." L’esquisse d’un sourire se dessinait sur son visage. Le Mondial dans le viseur. Jelonch, sur une jambe, s’était projeté. Le trois-quarts centre de Colomiers Paul Pimienta, qu’il connaît depuis les cadets à Auch et qui est aujourd’hui son colocataire, raconte : "Sur le coup, cela a été plus compliqué pour ses proches que pour lui. C’était même bizarre. Il l’a tellement bien pris que cela nous a mis sur le cul ! Il disait : "C’est comme ça, ça devait m’arriver." Il n’est pas du tout du genre à se mettre la tête au fond du seau. Il voit les choses… (il hésite) Différemment disons. À sa place, j’aurais été abattu. Pas lui. Il a tout de suite basculé." Avec pour meilleure arme son détachement hors du commun. "Il en rigolait même : "T’es pas un bon joueur de rugby tant que tu t’es pas fait les croisés." Dans notre groupe de potes, on a quasiment tous connu cette blessure, dont Toto (Dupont) qui est revenu encore plus fort. Inconsciemment, il s’était préparé à le vivre un jour et, quand c’est arrivé, il s’est juste dit : "Voilà, c’est mon tour et je dois revenir." Il est étonnant et paradoxal. C’est un mec qui s’intéresse à tout mais, dès que ça le concerne, il a beaucoup de recul. Il vit les choses comme un enfant, avec un côté insouciant. Pour tout, le rugby, la blessure, etc. Pour lui, si ça doit se passer, ça se passe…"

"Au début, il voulait se rajouter des séances de muscu"

C’est ainsi que Jelonch s’est lancé dans sa bataille. Son contre-la-montre. "J’avais six mois devant moi, cette Coupe du monde en tête", glisse-t-il. "Les premiers jours, comme tous ses meilleurs amis, j’ai eu très peur qu’il la rate, avoue Pimienta. Je pensais que ça tombait au plus mauvais moment. Puis, on a fait le calcul. Je connais bien Antho, j’ai vu sa motivation et j’ai vite su qu’il avait des chances de remporter son pari. La perspective de disputer cette compétition l’a poussé à bloc. Je crois même que ça lui a mis un peu de pression à un moment." Lorsque l’engagement a pris le pas sur tout. Le rêve à portée de mains et d’efforts. "Au début, il voulait faire des trucs en plus, se rajouter des séances de muscu, insiste son "coloc". Ça montrait sa détermination mais, le soir à la maison, je lui disais : "Sérieux, n’en fais pas trop, ça sert à rien. C’est long, t’as le temps de revenir en forme." Ensuite, plus ça avançait, plus je savais que ça allait le faire. Et il était sûr de lui." La clé, pour se forger ce destin unique : "J’ai toujours eu cette échéance en ligne de mire. Je voulais travailler très fort et je l’ai fait. Chaque étape a été passée avec succès. J’ai plusieurs fois changé d’endroit. J’ai fait cinq semaines avec Bruno Boussagol (manager santé du XV de France, N.D.L.R.) à Montpellier. Puis un mois au Stade toulousain, puis un mois au Cers de Capbreton… Passer d’un environnement à l’autre m’a aidé. Je n’entrais pas dans une routine, je me suis donné les moyens d’arriver à accrocher cette Coupe du monde." Admiratif, Fabien Galthié avait compris ce qui l’attendait : "On a très vite senti qu’il serait de retour. Quand je l’avais vu alors qu’il était à Montpellier avec Bruno, il faisait 70 kilomètres dans la semaine, un mois et demi après son opération, sans que son genou ne gonfle. Il y avait des signaux forts. Les convictions, ça forge." Jelonch n’en manque pas et le sélectionneur en fait une valeur cardinale. Dans un entretien accordé fin juin, le troisième ligne était catégorique : "Je suis optimiste, je l’ai toujours été et je le serai jusqu’au bout. […] J’irai le chercher au mental." Une foi qu’il a diffusée partout autour de lui. Pimienta révèle : "Au Cers, en juillet, il a croisé plein d’autres sportifs avec qui il a pu partager, même des copains à moi de Colomiers qui me disaient : "On a bu un café avec Anthony, il est trop bien, joyeux, motivé. Il va y être, c’est certain." On avait tous cette sensation."

"C’est un garçon à part, qui rassure"

Le 21 août, encore en arrêt de travail mais impressionnant physiquement sur les séances sans contacts, il était effectivement dans la liste annoncée par Galthié sur TF1. Une garantie pour le XV de France. "Au-delà de la qualité du joueur, il ne faut pas sous-estimer son apport sur le plan humain, estime son manager à Toulouse Ugo Mola. C’est un garçon à part, qui rassure, qui est apprécié de tous." Pimienta se marre : "J’ai un défi : trouver un jour une personne qui n’aime pas Anthony. C’est impossible. Ça fait deux ans qu’on est coloc et il n’y a jamais eu une voix plus haute que l’autre. Même si on cherchait à s’engueuler, on n’y arriverait pas ! Antho, il aime les gens, les moments de convivialité. À la maison, il y a tout le temps du monde qui passe, la machine à café tourne sans arrêt (rires)." Très attaché à la vie de groupe, William Servat a poussé en interne pour emmener Jelonch, extrêmement proche de Dupont et Alldritt entre autres, dans l’aventure. Lui sait combien sa présence peut transcender l’équipe. "Cet été, il avait les mecs au téléphone et ça le boostait, explique Pimienta. Il a bossé comme un âne et, quand il est comme ça, il faut le laisser atteindre son but." En début de semaine, plusieurs Bleus nous livraient leur bonheur de le retrouver sur les terrains. "C’est génial pour lui, soufflait même un Toulousain. Vous vous posez des questions sur son état de forme, c’est normal. Nous aussi, on peut s’en poser parfois. Le seul qui ne s’en pose pas, c’est lui." Et il a répondu présent à Lille. Dans le combat, avec un premier tampon dès la 5e minute, et le leadership, avant de céder sa place à la 50e minute sous les applaudissements. "Antho, tu peux toujours compter sur lui, affirme Pimienta. Je comprends que le staff l’ait mis capitaine : quoi qu’il arrive, il ne dérogera jamais à la règle et va se battre pour dix. Avec lui, tu peux partir à la guerre. Dans la vie, tu l’appelles à n’importe quelle heure, il est là pour toi. C’est ce que ressentent les joueurs autour de lui sur le terrain. Il est à fond, met de l’intensité, s’envoie (sic) comme un fou sans réfléchir à se protéger. Sa blessure avait résumé ce qu’il est : il s’est sacrifié pour sauver un essai et n’a rien calculé." Il y a moins de trois mois, l’intéressé nous martelait d’ailleurs : "Si c’était à refaire, je referai la même chose." Fidèle à lui-même et désormais habité. "Je donnerai tout, je sais que le genou tient. Dans ma tête, je suis à 100 %, ça m’a fait grandir." Jusqu’à dépasser les prévisions faites entre colocataires : "Depuis le début, on se disait entre nous qu’il allait faire la demie, la finale et revenir avec la Coupe. Il est déjà là, capitaine… ça en dit long sur lui." Le genre de garçon taillé pour partir à l’assaut du trophée Webb-Ellis. Pimienta le clame : "On a tous compris qu’il laissera son corps s’il le faut pour être champion du monde."

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Les commentaires (1)
Am1611030 Il y a 7 mois Le 16/09/2023 à 11:20

Un exemple pour beaucoup de pleureuses tous sports confondus .Il est une pièce maitresse du système et nous avons besoin de lui car les matchs très difficiles vont s'enchainer rapidement et le Guerrier ne sera pas de trop et sera la c'est sur .