1999 : l'incroyable essai de Gibbs

  • Scott Gibbs
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TOURNOI DES 6 NATIONS - Pour retrouver un dénouement comparable à celui de France-Galles, il faut remonter à 1999 quand les Gallois avaient privé in extremis les Anglais de Clive Woodward d'un Grand Chelem qui leur tendait les bras. L'essai de Scott Gibbs a fait date.

Il a fallu chercher pour retrouver un scénario comparable au dantesque France-Galles de samedi. A notre connaissance, voire une équipe perdre un Grand Chelem à la dernière minute, ça n'est arrivé qu'une seule fois. C'était en 1999, l'Angleterre de Clive Woodward tenait sa victoire contre le pays de Galles 31-25. Les Anglais le sentaient bien ce Grand Chelem avec une génération exceptionnelle qui pointait son nez, Lawrence Dallaglio, Martin Johnson, Neil Back et un centre de 19 ans nommé Jonny Wilkinson. En plus, les Anglais jouaient ce match Galles-Angleterre quasiment à domicile. C'était à Londres, à Wembley, base de repli des Gallois durant les travaux du National Stadium de Cardiff.

A la 77e, les Anglais menaient de six points sous un soleil d'avril. Mais Tim Rodber se fit pénaliser. Neil Jenkins tape en touche. Garin Jenkins, le bouillant talonneur se souvient : "C'était une touche raccourcie. Le nom de la combinaison, c'était "Trifecta". Je visais Chris Wyatt, notre deuxième ligne (futur joueur de Bourgoin, NDLR). Le bruit était énorme, mais je n'étais pas trop nerveux. J'ai fermé les yeux et j'ai lancé." Wyatt prit le ballon pour donner sans fixation au demi de mêlée Rob Howley qui fit sa passe. Non pour son ouvreur, mais pour Scott Quinnell, le numéro 8 casse-brique par excellence. Colin Charvis servit de leurre et Quinnell servit un certain Scott Gibbs.

Scott Gibbs était un centre légèrement rondouillard vu de loin. Un joueur puissant et qui le savait, pas un créateur subtil. Il connaissait pas mal de joueurs anglais pour avoir été leur compagnon chez les Lions en tournée en 1997 en Afrique du Sud. Il explique : "On a tenté un truc qu'on n'avait jamais essayé avant. On avait tous les deux joué à treize et je lui avais parlé d'un truc que faisait un de mes partenaires à Saint Helens. Mais ce n'était qu'une discussion, rien de plus." Et ce jour-là, les Gallois l'ont expérimenté en direct dans un stade archi-comble et devant des millions de téléspectateurs. L'idée c'était de lancer un gars très puissant face à la muraille adverse et lui faire passer le ballon au dernier moment à un partenaire lancé comme un frelon à son extérieur.

Une combinaison réussie à la perfection

Quinnell était très connu pour sa puissance et son goût du contact. Il a donc pris le ballon, jongla une fois, le temps d'attirer tous les premiers défenseurs sur lui. Et comme prévu servit Gibbs porté par un souffle divin. Le reste appartient à la légende du rugby gallois, six défenseurs passés par le bolide de Swansea qui contrairement à ce qu'on croit ne courut pas tout droit. Au début sur sa seule vitesse, il réussit à passer entre le 6 (Hill) et le 5 (Rodber). Évite un plaquage de côté de Neil Back, une cuillère de Dawson puis incurve sa course vers l'intérieur, glisse dans les bras de Perry l'arrière et prend à contre pied Hanley l'ailier gauche.

"Tout le monde allait de la gauche vers la droite, il suffisait d'aller à contresens." Il passa la ligne et s'autorisa un plongeon en saluant la foule. Oubliant qu'il aurait pu faire quelques mètres de plus pour se rapprocher des poteaux . Derrière lui, son buteur Neil Jenkins qu'il connaissait depuis l'adolescence. "Je n'avais jamais vu un gars aussi rapide. Je lui ai crié d'aller entre les poteaux." Il craignait que pris par l'euphorie, Gibbs n'aille vers le poteau de coin pour danser comme le fit le footballeur camerounais Roger Milla en son temps. "Quand il m'a croisé, il m'a juste dit : "A toi !"".

Neil Jenkins ne manqua pas l'occasion et le pays de Galles s'imposa 32-31. Joie simple, la victoire ne signifiait même pas la victoire finale dans le Tournoi. C'est l'Ecosse qui termina à la première place. Fête dans un hôtel avec la chanteuse Cerys Matthews pour faire chanter tout le groupe. Les Gallois étaient conscients qu'ils avaient gagner contre le cours du jeu. A la pause, les Anglais menaient 25-18 et trois essais à zéro. Seule la botte de Jenkins avait limité les dégâts. Ce match fut un petit miracle et quand même une réussite pour le sélectionneur gallois.

Un Néo-Zélandais, un certain Graham Henry missionné pour redresser le rugby de la principauté. Lawrence Dallaglio mit quinze jours à se remettre de ce coup du sort. Il reçut deux ou trois jours après un message sur son portable (les textos existaient à peine). Il venait d'un pote de tournée. "Salut Lol, Scottie à l'appareil. Désolé pour l'essai de l'autre jour." L'Angleterre dut attendre 2003 avant de faire enfin le Grand Chelem après en avoir loupé deux autres au dernier match, 2000 et 2001. Une poisse assez incroyable qui mériterait un article en soi.

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