Boudjellal : "Je n'ai pas envie d'allumer Clermont, je ne mettrai pas de l'huile sur le feu..."

  • Mourad Boudjellal, le président de Toulon - mai 2017
    Mourad Boudjellal, le président de Toulon - mai 2017
  • Mourad Boudjellal (Toulon) - 26 mai 2017
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  • Richard Cockerill (Toulon) - 26 mai 2017
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  • Mourad Boudjellal, le président de Toulon
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  • Mourad Boudjellal (Toulon)
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TOP 14 - A quelques jours de la finale du Top 14, Mourad Boudjellal est un homme occupé. Entre deux coups de fil et une réunion avec ses joueurs cadres, le président du RCT a accepté de nous recevoir afin d'évoquer le rendez-vous face à Clermont et cette saison pour la moins agitée.

A J-6 de la finale (l'entretien a été réalisé lundi, NDLR) dans quel état d'esprit êtes-vous ?

Mourad BOUDJELLAL : Je n'ai aucune pression. Se retrouver en finale sur la saison que l'on vient de faire... J'ai l'impression d'être Ali Baba et mes joueurs les 40 voleurs. Il y a quelques mois, on nous disait dans une année de transition, qu'on ne pouvait pas être et avoir été.... On se disait "Est-ce que Boudjellal fait n'importe quoi ?" Il n'y avait pas que des choses fausses, mais voilà. Là, c'est sésame ouvre toi. Si on m'avait dit qu'on serait en finale, je ne l'aurais pas cru. Et je suis sincère. C'est déjà pas mal de faire six demi-finales à la suite. Si la vie veut nous en donner un peu plus on prendra, mais faut déjà savoir se contenter de ce que l'on a.

Après le drop de Belleau et la qualification, on vous a vu heureux et exulter comme cela n'avait plus été le cas depuis bien longtemps...

M.B : Parce que je connais la saison que l'on a traversée. C'était dur tout ce que l'on a vécu, on avait vraiment besoin de cette qualification en finale. Ce n'était pas la survie du club qui dépendait de cette victoire, mais ça y ressemblait. On a pris des coups...

Mourad Boudjellal (Toulon) - 26 mai 2017
Mourad Boudjellal (Toulon) - 26 mai 2017
C'est la saison la plus dingue depuis que je suis à la tête du club

Où situez-vous cette saison sur le plan émotionnel ?

M.B : C'est la saison la plus dingue depuis que je suis à la tête du club. Cette saison a démarré quand on a perdu à 15 contre 14 à Barcelone. C'est une plaie qui a failli être rouverte face à La Rochelle. Quand ils ont pris un rouge, ce n'était pas un bon signe pour moi. Bref, ensuite dans cette saison il y a eu la séparation avec Dominguez, les histoires de coke, Puma (le club a été condamné à payer 1,4 million € pour rupture fautive de contrat d'équipementier dans un litige datant de 2011), Ford, les défaites, les blessures, la vente avec la lassitude. La baisse d'engouement qui a été difficile à vivre également... Il y a aussi eu des plaies internes.

Dans cette saison qui semblait mal engagée, à quel moment avez-vous senti une évolution chez vos joueurs ?

M.B : J'ai perçu les changements au sein du groupe sur des détails. Sur des réunions auxquelles peu de joueurs venaient au départ, puis durant lesquelles ils étaient de plus en plus. Il s'est passé quelque chose dans ce groupe à un moment. Pour l'accentuer, j'ai pris Cockerill. Je savais qu'il passait très bien avec les joueurs. Il y a également l'apport de Matt. Je n'avais aucun doute sur sa capacité à être à la hauteur. J'avais un peu l'expérience de Tana Umaga. Quand un joueur de la dimension de Matt prend un peu les rênes, il y a un respect des autres qui est incroyable. Les joueurs entre eux ne se mentent pas. Et je sais que pour Matt, les mecs ne feront pas semblant. Il le mérite.

Je sais que pour Matt, les mecs ne feront pas semblant. Il le mérite

Il était question d'un retour de Matt comme entraîneur dans deux ans si l'équipe arrivait en finale. Le pari tient toujours ?

M.B : Absolument ! (rires) En revanche, ça me coûte cher en vin tout ça. A chaque victoire, je donne un grand cru à Richard. Je lui en dois deux là. Il a eu un "La Fleur Petrus" contre Pau, là on va être obligé de monter sur un "Château Angelus". Encore... (vin qu'il avait offert à Laporte pour sa dernière à Mayol).

Richard Cockerill (Toulon) - 26 mai 2017
Richard Cockerill (Toulon) - 26 mai 2017

Pour revenir à Richard Cockerill, êtes-vous tout de même surpris par ce qu'il réalise ?

M.B : Cockerill, c'est comme Jonny. Il y a dû y avoir des invasions toulonnaises en Angleterre à un moment de l'histoire. Ils ont du sang toulonnais sans le savoir ! Ils se sont fondus dans le paysage avec une telle aisance ! On a l'impression que Richard est là depuis 10 ans. Et c'est vraiment un bon mec. Je suis d'autant plus à l'aise pour en parler que dans une semaine il est viré (rires). Il a un sacré humour d'ailleurs. A la commission de discipline, quand on est allé là-bas pour Nonu, il est allé les voir à fin de l'audience pour leur dire "S'il vous plaît, j'ai besoin que Nonu joue car à la prochaine défaite, je suis viré". Il est relax, il a mené de la zénitude.

C'est clair que si on n'avait pas signé un autre coach, Cockerill aurait prolongé, d'autant qu'il avait envie de rester

Vous regrettez de le voir partir ?

M. B. : Que l'on soit champions ou pas, il laissera beaucoup de regrets. C'est clair que si on n'avait pas signé un autre coach, Cockerill aurait prolongé, d'autant qu'il avait envie de rester. Après, en ce moment, il est sans pression. Il peut être champion de France en 7 journées. Mais serait-il l’entraîneur idoine dans les prochaines années, dans un championnat qu'on va devoir franciser au maximum ? Alors que lui a la connaissance des joueurs anglo-saxons ?

Mourad Boudjellal, le président de Toulon
Mourad Boudjellal, le président de Toulon

Pour revenir à la finale, que vous inspire cette affiche...

M.B : C'est la finale que personne n'attendait. Mais je préférais jouer Clermont que le Racing 92 qui aurait joué sa finale à domicile...

Ça fait deux ans qu'il y a 70 personnes pour accueillir le bouclier

Si on fait référence à votre tweet, ils auraient joué devant 70 personnes...

M.B : Les gens analysent mal mes tweets. Je ne parle pas que du Racing 92... Tout le monde oublie que ça fait deux ans qu'il y a 70 personnes pour accueillir le bouclier. C'était une façon de dire : c'est bien que l'économie réelle prenne le pas sur l'économe virtuelle dans le rugby, car l'économie réelle génère de l'engouement.

au moins cette année il n y aura pas 70 personnes pour accueillir le bouclier quoi de neuf docteur

— Mourad Boudjellal (@mouradhfc) May 27, 2017

Pourtant, par le passé vous n'avez pas hésité à pointer du doigt l'ASM et Michelin.

M.B : Je suis content d’être face à eux, d'être face à Michelin comme propriétaire de club. Mais je n'ai pas envie d'allumer Clermont. Il y a un vrai public. L'année a été tellement dure pour le rugby français... La finale du Top 14 représente la vitrine de notre championnat et ça me paraît important pour notre sport que tout se passe dans l'esprit du rugby, avec du fair-play. Je pense vraiment que le rugby en a besoin. Je ne mettrai pas de l'huile sur le feu.

Faut reconnaître quand les gens bossent bien et Clermont a bien bossé

Sur le plan sportif, comment situez-vous votre équipe par rapport à l'ASM ?

M.B : Cette saison, on s'est fait démonter deux fois par Clermont. On les bat à Mayol alors qu'ils sont venus avec une équipe bis et dès que deux ou trois joueurs clés sont entrés, on a beaucoup souffert. Aujourd’hui, l'ascendant c'est Clermont qui l'a. L'opposition de style est en leur faveur. Ils ont démontré que leur philosophie fonctionnait. C'est ce que j'espérais avec Ford, mais j'ai échoué là où ils ont réussi. Faut reconnaître quand les gens bossent bien et Clermont a bien bossé. Moi je suis sur du court terme, alors qu'eux ont une vue à plus long terme, c'est ce qui fait la différence. On a l'urgence du quotidien. Je passe 90% de mon temps à chercher de l'argent et 10 à réfléchir comment investir. Clermont a une situation plus pérenne que nous.

Mourad Boudjellal, le président de Toulon
Mourad Boudjellal, le président de Toulon

Ça vous agace que l'on oppose systématiquement vos deux clubs ?

M.B : La France a envie que ce soit Clermont qui gagne, car c'est un club vertueux et que nous, dans l'esprit des gens, nous ne les sommes pas. Je sais que le stade sera derrière eux, que la France pousse derrière Clermont qui fait jouer de jeunes Français quand nous on fait jouer des étrangers... C'est un handicap pour nous cette perception des choses.

La France a envie que ce soit Clermont qui gagne, car c'est un club vertueux et que nous, dans l'esprit des gens, nous ne les sommes pas

Est-ce un handicap ou une source de motivation supplémentaire ?

M.B : Un handicap car les choses ne sont pas justes. J'ai un investissement dans mon club qu'aucun autre président n'a. Et ce courage là, qui consiste à mettre sa vie personnelle en danger, personne ne le reconnaît. Si les gens savaient les risques que je prends, ils auraient au moins du respect pour ça. Mais ce n'est pas grave. On a été récompensé par des titres.

Mourad Boudjellal (Toulon)
Mourad Boudjellal (Toulon)

Est-ce que cette qualification pour la finale a modifié votre stratégie pour la saison prochaine, notamment en terme de recrutement ?

M.B : Les choses évoluent. Chaque rencontre apporte sa part de vérité. Le recrutement final se fera sur l'amoncellement de ces vérités. Il y a des cas sur lesquels on est indécis. Mais je prends un peu mon temps cette année, ce qui n'a pas toujours été mon cas. A un moment, j'ai eu le "tronchon". Quand on gagnait beaucoup je me disais "quoi que je fasse, je suis un surdoué... je ne peux pas me tromper". En me trompant, j'ai vu que j'étais comme tout le monde. Je suis redevenu un besogneux qui prend son temps. Je ne suis pas un surdoué. A un moment, j'ai fait les choses trop vite. C'est un peu frustrant pour les gens qui sont habitués à ce que j'aille vite. Par ailleurs, quand on joue une finale on ne peut pas tout gérer d'un coup. Puis, on a une contrainte budgétaire avec cette grosse amende. On doit gérer ça et ne pas faire n'importe quoi.

Un dernier mot sur Liam Gill que certains annoncent partant...

M.B : Il n'y a pas de cas Liam Gill. Il est sous contrat pour encore un an. Si un club le veut, j'ai cru comprendre ces derniers temps que les années de contrat se payaient assez cher.

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