Boudehent : "Je ne me mets aucune limite"

  • Top 14 - Pierre BOUDEHENT (Stade rochelais)
    Top 14 - Pierre BOUDEHENT (Stade rochelais)
Publié le
Partager :

TOP 14 - C'est l'histoire d'un jeune joueur touché par une incroyable guigne. Entre blessures et coups du sort, Pierre Boudehent, 23 ans, n'est pas épargné par le destin. Mais il y puise une rage de vaincre, avec le maillot bleu dans le viseur.

Enfin de retour à la compétition dimanche dernier avec le Stade Rochelais, après onze mois sans jouer et deux saisons quasiment blanches, le trois-quart espère maintenant prendre son envol. Il s'était longuement confié à Rugbyrama, il y a quelques semaines, pendant son énième convalescence. Entretien.

Rugbyrama : Pierre, on vous avait quitté en août dernier, à nouveau fauché par une luxation de l'épaule droite, en pleine préparation. Comme la saison précédente…

Un an pile après la première ! J'ai regardé les dates. La première fois, c'était le 10 août 2019. La seconde, le 11 août 2020. Bizarre, hein (rires). C'est inexplicable, mais ça fait partie du sport. Beaucoup de joueurs se font des luxations dans le monde du rugby. J'ai dû me faire opérer. J'ai vraiment perdu physiquement. J'ai perdu du poids. Il a vraiment fallu beaucoup de rééducation. Des soins, de la musculation, du renforcement…La première fois, c'était un peu plus court, plus rapide. J'étais de retour de compétition au bout de trois mois.

Vous aviez pu jouer deux matches sous le maillot rochelais, avant de filer en prêt à Vannes. On est en février 2020. Et là, l'aventure tourne on ne peut plus court.

Le premier match, je n'ai pas pu le jouer à cause de la licence (pas validée à temps, NDLR). Le deuxième, je n'ai pas pu le jouer car un joueur m'a blessé à l'entraînement. Ensuite, je joue ce fameux match contre Valence-Romans. J'étais encore blessé mais je joue quand même. Bon, je marque un essai, mais je prends un carton rouge au bout de 50 min. Le premier de ma carrière.

C'est vrai que c'est étrange, quand même. Il m'arrive parfois des trucs…C'est une phase, à mon avis.

Et, pendant votre suspension, le confinement est décrété.

Circonstances exceptionnelles. Dans tous les cas, je ne pouvais pas beaucoup jouer. Mais c'est vrai que c'est étrange, quand même. Il m'arrive parfois des trucs…C'est une phase, à mon avis.

V ous retournez donc à La Rochelle. Mais la guigne vous poursuit.

Je me suis entraîné tout le confinement. Sur les 80 jours, j'ai fait seulement 4 jours off. Et pendant la préparation, je me blesse. C'est vrai que c'est une accumulation de beaucoup de choses qui font qu'aujourd'hui, du temps de jeu, j'en ai plus que besoin.

Depuis votre première saison en pro, plutôt prolifique d'ailleurs (12 matches en Top 14 et Coupe d'Europe, 6 titularisations, 4 essais en 2017-2018), vous n'avez joué que…cinq matches à XV ! Comment vivez-vous cette traversée du désert ?

Je n'ai pas le choix. Ça forge le mental. Si mentalement je lâche, ce n'est plus possible. Si t'as pas un état d'esprit de guerrier dans un milieu comme ça, c'est mort. Si tu te laisses marcher dessus, si tu n'as pas d'envie ancrée en toi, tu vas mourir à petit feu. Il faut toujours être à 110% mentalement, ne jamais rien lâcher. Il faut être courageux aussi, mine de rien, car c'est vrai que c'est parfois compliqué. Quand on regarde les autres jouer, s'entrainer, gagner des matches, c'est encore plus frustrant. Par contre, ça ne donne qu'une envie : revenir le plus vite possible. Et, franchement, j'ai toujours le sourire.

Je sais que j'aurais pu jouer tous les matches depuis le début de saison. C'est mon avis personnel […] Même s'il y a des Botia, des Doumayrou devant moi, je suis persuadé que j'ai les capacités pour jouer avec ces joueurs-là.

D'autres auraient peut-être baissé les bras, à votre place.

C'est le discours de mes parents. Ils me disent : "Vraiment, Pierre, tu as vécu des choses…Plus d'un aurait arrêté ! Pour tes parents, tu es un exemple." Être, à 22 ans, un exemple pour mes parents, ça me motive encore plus.

En parlez-vous régulièrement avec votre frère cadet, Paul, qui lui non plus n'est pas épargné par les pépins physiques ?

On sait très bien ce que l'on pense de ça. Sans coups du sort, on aurait pu tous les deux être champions du monde U20. Les deux frères Boudehent champions du monde ! Et finalement, rien. On aurait pu être titulaires tout le début de saison. Je sais que j'aurais pu jouer tous les matches depuis le début de saison. C'est mon avis personnel. Et rien ! Paul enchaine les petites blessures. C'est chiant, c'est long. On est dans une phase où on rame dans la semoule. Mais je pense que c'est une période. Il y a des joueurs pour qui ça marche super bien. Nous, les blessures nous arrivent maintenant. C'est le pire dans la carrière d'un sportif car ça te coupe dans ta progression. Tu ne peux pas enchainer car tu as des petits trucs de merde. Enchainer les matches, c'est la clé de la réussite quand tu es jeune.

Votre entraîneur en chef Ronan O'Gara vous avez conseillé de partir à Vannes pour gagner du temps de jeu car la concurrence était forte à La Rochelle. Elle l'est toujours. Comment voyez-vous les semaines et mois qui arrivent ?

Toujours à La Rochelle. Dans n'importe quelle équipe, de toute façon, il y aura de la concurrence. A un moment donné, il faut se mettre dans les rangs, être bon aux entraînements, montrer que tu as envie, se bouger les fesses, se sortir les doigts…Je ne vais pas finir la phrase, mais voilà. Je ne vais pas me laisser abattre. Même s'il y a des Botia, des Doumayrou devant moi, je suis persuadé que j'ai les capacités pour jouer avec ces joueurs-là. Il faut juste que toutes ces blessures, tous ces arrêts s'arrêtent. Je suis confiant.

Justement, en parlant de confiance, O'Gara disait à votre sujet, en décembre 2019 : " Quand Pierre est en forme, c’est impossible de l’arrêter. La seule chose que j’aimerai améliorer, c’est son niveau de confiance."

J'en suis vraiment conscient, c'est vraiment sur ça que je dois travailler. Mais il faut avoir du temps de jeu. Le fait de ne pas être en confiance, pour un joueur comme moi, ça se voit sur le terrain. Il n'y a pas d'actions flamboyantes où je sors du lot. C'est bête mais c'est un cercle vicieux : t'es pas bon donc tu ne joues pas et, moins tu joueras, moins tu seras bon.

Avez-vous trouvé des leviers d'action à l'infirmerie, pour élever votre capital confiance ?

Honnêtement, je vous assure qu'à force de voir les matches à la télé, je n'ai qu'une envie, c'est d'être sur le terrain, de fouler la pelouse, de participer.

Tant de potentiel et de belles perspectives pour @FFRugby - Pierre Boudehent montre ce que pourrait réserver l'avenir...! #Sydney7s pic.twitter.com/EhvFzIl8Fe

— World Rugby FR ?? (@WorldRugby_FR) February 3, 2019

Finalement, ces trois dernières saisons et même depuis le début de votre carrière, vous avez davantage évoluer à VII qu'à XV. Avez-vous eu envie, parfois, de plaquer le XV pour retourner au VII ?

Si on parle uniquement du jeu, j'aime vraiment le VII. Mais rien que par rapport au style de vie que ça peut apporter, aujourd'hui, je préfère le rugby à XV. Au VII, t'es jamais chez toi, t'es tout le temps à l'étranger, tu ne vois jamais ta famille. C'est vraiment un choix de vie. J'en ai parlé avec Christophe Reigt, manager de France 7, il attend beaucoup de moi. Mais mon objectif principal, c'est de performer à XV. Surtout avec le Stade Rochelais. Déjà, c'est un club que j'aime qui m'a beaucoup apporté. Et puis, surtout, c'est un challenge. Si jamais ça ne marche pas, je sais que, derrière, j'ai la possibilité de jouer avec l'Equipe de France à 7.

La Rochelle où vous arrivez en fin de contrat, en juin prochain. Votre frère a prolongé jusqu'en 2023. On imagine votre envie de poursuivre l'aventure aux côtés de Paul.

Carrément. Ce que je pense aujourd'hui, c'est que tout est possible ! Même pour un cas comme moi. Je pense à Rémi Bourdeau, par exemple. Il n'a pas joué pendant un an et demi. Il a fait trois, quatre matches d'affilée en début de saison et il a prolongé jusqu'en 2024. Il a réussi à s'en sortir et, pour le cas, vraiment bien. Je m'en inspire.

Comment ?

On entendait dire son sujet : "C'est sûr, c'est sa fin de carrière, c'est terminé !" La preuve que non. Je crois en Dieu et je persuadé que tout est possible, dans ce monde. Ce que je vis aujourd'hui, je suis persuadé que ça pourra servir à d'autres joueurs. Les jeunes joueurs ont besoin d'exemples, de "héros". J'ai envie qu'ils puissent se dire : "Ce Pierre Boudehent, c'est un exemple !Même un joueur comme ça, qui a vécu toutes ces blessures, qui en a bavé, qui n'a pas eu de chance, qui a vraiment vécu un début de carrière compliqué, même un joueur comme ça a pu s'en sortir." Aujourd'hui, c'est ça qui me fait avancer, qui me fait me lever le matin. Le but de ma carrière, c'est aussi d'apporter à d'autres joueurs, de partager mon expérience. Ce n'est pas que pour ma pomme.

Le XV de France ? Je sais que j'ai les moyens d'y être […] Ce n'est même pas un projet, c'est mon objectif. C'est clair et net !

Personnellement, vous avez toujours revendiqué de très hautes ambitions sportives. Et, maintenant ?

Quand tu es blessé, on te dit souvent : "Tu vas revenir plus fort !" Ce n'est pas une blague. Mentalement, tu te forges. Je parle comme un philosophe mais je suis convaincu de ça. Je ne me mets aucune limite, c'est clair. Au tout début de ma carrière, je me suis dit : "Ma carrière va ressembler à ça. Tu vas faire ça, ça va se passer comme ça." Rien ne s'est passé comme je l'avais prévu !

Quel était ce plan de carrière ?

Ma carrière idéale dans ma tête : tu vas jouer en pro, tu vas faire 20 matches par saison, tu vas aller en équipe de France rapidement.

Du coup, vous vous interdisez d'y penser, au maillot bleu ?

Ah, ça, non ! Depuis que je suis tout petit, j'y pense. Je sais que j'ai les moyens d'y être. Après, c'est sûr que si, aujourd'hui, je parle du XV de France aux joueurs qui sont autour et au staff, ils me disent : "Non mais attends, Pierre, tu rêves, t'es à 10 000 bornes d'y être." Je dis : "Oui, oui, mais ce n'est pas une blague, l'équipe de France c'est un projet." Ce n'est même pas un projet, c'est mon objectif. C'est clair et net ! Bref, le mot de la fin, ce serait : plein d'espoir !

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?