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Bastareaud : symbole malgré lui

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    Mathieu Bastareaud : symbole malgré lui Icon Sport
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Sa nouvelle mise à l’écart de la liste des Bleus sera la dernière, après d’incessants allers-retours avec la sélection. 54 fois capé, le futur centre de New York a choisi d’annoncer la fin de sa carrière internationale. Quand bien même celle-ci fut plus que provoquée…

Il n’a jamais rien clamé, rien demandé, rien revendiqué. Le fait est que, depuis ses premiers pas au plus haut niveau, Mathieu Bastareaud n’est jamais passé aussi inaperçu que sa nature profonde le réclamait. La faute, en premier lieu, à ce gabarit hors norme utilisé depuis son plus jeune âge au poste de centre. Un crime contre le rugby, n’hésitèrent pas à avancer certains ayatollahs, au pays des Boniface et de Codorniou.

Mais surtout le symbole d’une formation française à la ramasse, obnubilée dès le plus jeune âge par la nécessité de gagner le prochain tournoi ou le prochain match, ainsi que par la nécessité de combler au plus haut niveau son retard en matière de centimètres et de kilos déploré au sein de ses lignes de trois-quarts depuis le début des années 2000. Étonnez-vous donc si, placé au centre de débats auxquels il ne comprenait logiquement goutte, Mathieu Bastareaud dut dès son plus jeune âge se forger une carapace. D’autant qu’au-delà du rugby pur, son parcours fut également chaotique, de son premier vrai-faux transfert de Massy à Agen au bras de fer qui l’opposa à Bernard Laporte, pour quitter le Stade français, avant de le retrouver à Toulon quelques mois plus tard…

Du tout au rien

Cette drôle d’idylle ? Elle serait pourtant le début d’une renaissance, ponctuée d’un triplé européen et d’un Brennus avec le RCT qui firent, avec l’âge, basculer le centre international vers la maturité. Le capitanat offert par Fabien Galthié parachevant la mue de ce grand timide en leader charismatique, quand bien même son style atypique persistait à se montrer clivant.

C’est à ce titre que, lors de sa prise de fonction, Guy Novès sacrifia en premier le pion Bastareaud, jugé trop symbolique de l’ère Saint-André, et trop peu à même de pratiquer le jeu de mouvement rêvé par l’ex-gourou du Stade toulousain. À ce titre également que, fraîchement arrivé à la place de Guy Novès, Jacques Brunel se pressa de rappeler le Toulonnais sitôt purgée une suspension, afin de sauver sa tête lors d’une réception de l’Italie à Marseille en 2018. À ce titre enfin que, ce même Jacques Brunel lui coupa la tête sans même la précaution d’un coup de fil, à l’aube de ce Mondial qu’il vivait comme sa dernière grande aventure. "Je ne l’ai fait avec aucun joueur. Cela aurait été privilégier l’un par rapport à l’autre", se justifiait Jacques Brunel.

Toujours sous contrat au RCT

Mais quel autre, justement, avait tenu la barre pendant les pires heures des Bleus ? Quel autre s’était imposé pour maintenir le bateau à flot pendant la tournée-suicide de 2018 en Nouvelle-Zélande, ou avait tenté de secouer le cocotier après la honte subie face aux Fidji en novembre ? Quel autre s’était levé face à l’Écosse en 2019 pour encadrer la jeunesse des Antoine Dupont, Romain Ntamack ou Thomas Ramos, après avoir pourtant été relégué sur le banc au début de la compétition ? Au vrai, si le choix d’écarter Bastareaud s’entend d’un point de vue sportif, c’est humainement une vraie saloperie qu’ont infligée les membres du staff des Bleus à son joueur en le poignardant ainsi dans le dos. Du haut de ses 54 sélections, Bastareaud a pourtant eu le bon goût de la jouer cool, une dernière fois, annonçant sa retraite internationale par le biais d’un sobre communiqué souhaitant "bonne chance aux copains ". Quant à l’avenir ? Seule certitude, Bastareaud ne sera un joueur de New York qu’à partir du 1er décembre. En attendant, celui-ci demeure licencié au RCT, qui ne le comptait toutefois pas dans un salary cap ayant atteint la limite bloquante… Alors, reverra-t-on Bastareaud à Mayol avant son départ, dans le cadre d’un contrat de joker Coupe du monde par exemple ? Ou dans un autre club, sachant que le joueur ne semble guère emballé par l’idée de rejouer pour Toulon, quelques semaines après des adieux lourds en émotion ? C’est bien l’épineux dossier que devait gérer Mourad Boudjellal. Dans l’urgence, après l’annonce de Brunel…

Première convocation à 18 ans... en Fédérale !

Annoncé très tôt comme le phénomène du rugby français, Mathieu Bastareaud fut tout proche de battre un record de précocité. Alors qu’il n’évoluait qu’en Fédérale 1 avec Massy, Bastareaud fut en effet convoqué à l’âge de 18 ans par Bernard Laporte pour la tournée d’été 2007 en Nouvelle-Zélande, effectuée en l’absence des demi-finalistes. Las, cette sélection ne put jamais être honorée. La faute à un match de play-off de Fédérale 1 disputé sur la pelouse de Lannemezan, durant lequel Bastareaud fut séché par un plaquage du centre local, Gregory Lerbey. Touché au genou, Bastareaud dut renoncer aux phases finales ainsi qu’à la tournée des Bleus. Premier signe que son aventure avec le XV de France n’aurait jamais rien d’un long fleuve tranquille…

Wellington et l’affaire de la table de nuit

Survenu il y a dix ans pratiquement jour pour jour (dans la nuit du 20 au 21 juin 2009) cet épisode demeure étroitement lié à la carrière de Mathieu Bastareaud. Une « casserole » sur fond d’incident diplomatique et de gros mensonge, Bastareaud ayant d’abord prétexté avoir été agressé par des rôdeurs, avant d’avouer son mensonge et assurer qu’il s’était fait mal tout seul, dans sa chambre... Manière de « couvrir » ses partenaires, ainsi que le penseront bien des personnes qui n’étaient pas présentes sur les lieux ? Le fait est qu’après les excuses adressées dans un premier temps par le premier Ministre néo-zélandais John Key, son homologue d’alors François Fillon se fendit à son tour d’excuses nationales auprès du gouvernement néo-zélandais, afin de calmer tout un pays en mal de polémique depuis l’affaire du Rainbow Warrior... 

La vérité ? On ne la saura probablement jamais, la version de la table de nuit comme seule agresseure de Mathieu Bastareaud après cette soirée arrosée faisant foi. Seule certitude, l’affaire dépassa de très loin celui qui n’était alors qu’un môme de 20 ans, déboussolé face au déferlement de haine qui envahit les réseaux sociaux à son encontre. Au point, un soir, de songer à l’inéluctable en tentant de se trancher les veines, ainsi qu’il le révéla dans son autobiographie... Une forme d’appel au secours, sur lequel le rugby français observa longtemps un silence aussi gêné que coupable. Condamné à des travaux d’intérêt général, Bastareaud fut en outre privé de Coupe du monde 2011, dans un souci diplomatique vis-à-vis de l’accueil des Néo-Zélandais.

2010 : L’odyssée du Grand helem

« Mêlée, défense et Basta ». C’est par ce triptyque que notre journal avait résumé ce grand chelem (le dernier jamais remporté par le XV de France…), et c’est assez dire l’influence de Bastareaud quant à ce triomphe… Auteur d’un magnifique doublé en Écosse, le Parisien avait surtout réussi face à l’Irlande la prouesse d’éteindre la menace du meilleur centre du monde, son vis-à-vis Brian O’Driscoll. Et même de franchement le dominer dans son style caractéristique, en offrant d’une merveille de passe après contact l’essai de la gagne à Clément Poitrenaud.

Associé à Yannick Jauzion dans un milieu de terrain imprenable, servi par une conquête hors-norme, au top de sa forme, Bastareaud récita cette année-là sa meilleure saison au niveau international. Le meilleur moyen de faire oublier l’affaire de la table de nuit (lire ci-contre) ? Pas assez, malheureusement. En effet, au-delà du choix de Marc Lièvremont de ne pas le convier pour la Coupe du monde 2011, Bastareaud fut ainsi privé de sélections pendant trois longues années et un retour en grâce lors d’une tournée estivale... en Nouvelle-Zélande, en 2013 !

2015  : Le désaveu en plein Mondial

On lui en avait fait baver des vertes et des pas mûres durant une préparation dantesque, au point de l’obliger à l’ignominie de grimper le col de l’Iseran à VTT, malgré ses 115 kg bien tassés… Et pourtant, désireux de forcer son destin, Mathieu Bastareaud s’y était collé, avec une abnégation sans faille. Pion essentiel du système Saint-André, celui-ci fut toutefois battu en brèche lors du dernier match de poule face à l’Irlande, lorsque les Irlandais traversèrent la ligne de défense tricolore dans sa zone, sur deux lancements imaginés par Joe Schmidt.

De quoi contraindre le staff, sur l’insistance pressante de certains de ses coéquipiers, à sacrifier - encore - Bastareaud pour le quart de finale face à la Nouvelle-Zélande, toujours sur l’autel de son manque de mobilité. Au vu de l’ampleur de la défaite (62-13) déjà largement consommée avant son entrée à la place d’Alexandre Dumoulin, difficile de considérer la manœuvre comme un succès. 

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Les commentaires (1)
CasimirLeYeti Il y a 4 années Le 23/06/2019 à 15:04

" Au vrai, si le choix d’écarter Bastareaud s’entend d’un point de vue sportif, c’est humainement une vraie saloperie qu’ont infligée les membres du staff des Bleus à son joueur en le poignardant ainsi dans le dos. " Je partage totalement votre pensée !