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De Villiers : « J’avais dit que Kolbe serait l’homme à suivre »

  • Jean De Villiers, à gauche, au côté de Duane Vermeulen avant le match des Springboks face au Canada le 8 octobre.
    Jean De Villiers, à gauche, au côté de Duane Vermeulen avant le match des Springboks face au Canada le 8 octobre. Steve Haag / Icon Sport - Steve Haag / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Aujourd’hui consultant pour une chaîne de télévision sud-africaine, l’ancien centre, Jean De Villiers, nous présente ce quart de finale entre l’Afrique du Sud et le Japon. Il revient aussi sur le calvaire de Brighton en 2015 et évoque les nouvelles pépites springboks.

Qu’avez-vous pensé des performances des Springboks jusqu’à présent ?

L’Afrique du Sud est en bonne place et même s’ils ont perdu Trevor Nyakane et Jesse Kriel, ils les ont remplacé avec des joueurs de qualité que sont Thomas Du Toit et Damian Willemse. Tout peut arriver.

Y a-t-il un joueur qui a retenu votre attention ?

Avant même le début de la compétition, j’ai dit que Cheslin Kolbe serait l’homme à suivre et qu’il pourrait avoir un impact immense sur ce tournoi. Et il l’a montré. Ses deux dernières saisons en France ont été incroyables et il réalise une grande Coupe du monde. Je suis heureux qu’on lui ai donné sa chance. Je pense aussi au troisième ligne Pieter-Steph Du Toit, qui a été incroyablement bon ces dernières années. Ce mec est un véritable cheval de trait. Enfin, je suis heureux que Damian Willemse ait été appelé, je pense qu’il peut apporter un quelque chose en plus.

Que valait-il mieux : affronter le Japon, qui joue à domicile mais qui n’a pas d’expérience des phases finales de Coupe du monde, ou l’Irlande, qui ne peut pas compter sur un tel soutien populaire ?

La première place du Japon en poule veut tout dire : ils ont vraiment été les meilleurs. Les Boks vont devoir être à leur sommet s’ils veulent les battre, d’autant qu’ils vont jouer dans un environnement hostile et que les Japonais développent un jeu superbe.

Vous pensez donc que c’est du 50-50 ?

Le Japon a gagné le respect du monde du rugby. Ils ne sont plus une nation du Tier 2. C’est terminé. Ils se sont hissés jusqu’au top 8, ce qui est incroyable. On leur doit le respect. Et ils sont entraînés par deux excellents techniciens, Jamie Joseph et Tony Brown.

Avez-vous été surpris que le Japon ne subisse pas physiquement face à l’Irlande ?

Oui. Et l’on a beaucoup parlé de l’apport de Joseph et de Brown mais il faut aussi rendre hommage au travail effectué par Scott Hansen, qui est en charge de leur défense. Je le connais car je l’ai croisé à Leicester. Il s’occupait des Sunwolves cette saison et l’année prochaine, il rejoindra les Crusaders : ce n’est pas rien. Grâce à lui, les Nippons ont fait d’immenses progrès en défense. Mais là où j’ai vraiment été surpris, c’est sur la mêlée. Je pensais vraiment que les Irlandais allaient les faire souffrir mais il n’en fut rien.

Quel est le plan des Sud-Africains ?

Notre grande force a toujours été la dimension physique. Le problème, c’est qu’elle est devenue une faiblesse car, longtemps, on ne s’appuyait que là-dessus. Au cours du temps, les Boks ont donc su étoffer leur panoplie en pratiquant davantage un jeu de mouvement et en travaillant la technique individuelle. Après, je ne pense pas que les Sud-Africains vont chercher à contourner les Japonais : d’abord, ils vont jouer un jeu direct, faire des mauls, tenter de les mettre sous pression en mêlée et mettre à mal leur défense avec leurs gros porteurs de balle. Après, nos trois-quarts n’ont rien à envier à leurs homologues japonais et je suis sûr qu’ils sauront leur mettre des essais en débordement.

Le sélectionneur Rassie Erasmus avait tenu à faire un match amical cet été pour remettre les "compteurs à zéro" et oublier le match de Brighton. Cette large victoire (41-7) va-t-elle compter dans les têtes ?

Cela compte dans la mesure où il vous dit que mentalement, vous pouvez battre cet adversaire. Et je pense qu’elle a effacé la défaite de Brighton. Mais ce n’était qu’un match amical. Les Japonais n’étaient pas à leur meilleur niveau ce jour-là…

Revenons en à Brighton 2015… Comment avez-vous vécu ce match ?

Ce fut un moment dur à vivre pour l’équipe et en particulier pour moi car j’étais le capitaine. Tout le monde s’attendait à ce que l’on gagne, nous les premiers. Mais nous ne l’avons pas fait ! Ce fut une grande leçon.

Vous étiez donc capitaine. Aviez-vous senti un excès de confiance dans la semaine ?

Je n’avais rien senti venir. Il n’y a pas eu un moment où je me suis dit : "Attention, là, on se trompe." Pendant le match, nous n’arrivions pas à les distancer au score : à chaque fois que l’on marquait, ils répondaient (l’arrière Ayumu Goromaru marqua ce jour là un essai, deux transformations et cinq pénalités, N.D.L.R.).

Vous étiez en colère à la fin du match ?

Non, je n’étais pas en colère. J’étais juste terriblement déçu. J’ai eu le sentiment d’avoir laissé tomber mon pays.

Cette défaite a-t-elle déclenché quelque chose dans le groupe, qui a terminé le Mondial à la troisième place ?

Oui. Cette défaite a créé une révolte. Dans ces cas-là, il y a deux possibilités : soit l’équipe explose, soit elle se resserre et répond. Nous, on a choisi la deuxième option. Dès la semaine suivante, on a battu les Samoa (46-6) et cela a continué comme ça jusqu’en demi-finale face aux Blacks, où nous les avons poussé jusque dans leurs derniers retranchements.

Sur un plan personnel, vous avez 109 sélections mais seulement six matchs de Coupe du monde. Est-ce un regret ?

Je ne dirais pas un regret mais c’est quelque chose dont je suis très déçu oui. J’ai été sélectionné pour quatre Coupes du monde mais je n’ai en effet joué que quelques matchs… Je n’ai jamais eu de chance…

Rassie possède une vraie ouverture d’esprit et cela n’a pas toujours été le cas chez nous. Quand il sélectionne un joueur, il le fait en fonction de ce dont il a besoin pour son plan de jeu.

Vous n’avez pas non plus eu de chance pour celle que les Springboks ont remporté en France, en 2007…

C’est un autre souvenir doux-amer car je me suis blessé lors du tout premier match. C’était encore contre les Samoa, je m’étais déchiré un biceps. Fin de la compétition. Je suis donc extrêmement fier d’avoir une médaille de champion du monde à la maison et d’avoir vécu cette aventure avec le groupe pendant les phases finales. Ce sont de fabuleux souvenirs. J’aurais tout donné pour jouer mais cela ne s’est pas passé ainsi…

Quel regard portez-vous sur la mutation des Springboks depuis l’arrivée de Rassie Erasmus ?

C’est fantastique ce qu’il a fait. Aujourd’hui, on sent cette équipe heureuse dans son rugby. Nous avons traversé des moments très difficiles après le Mondial 2015 mais c’était prévisible, compte tenu du nombre de joueurs qui prenaient leur retraite, sans compter le changement de sélectionneur. Depuis, Rassie a rendu sa fierté au maillot sud-africain. Et le jeu a beaucoup changé aussi. Il a choisi les bons joueurs pour pratiquer le plan qu’il imaginait et il a cherché à gagner en profondeur. Il a trouvé des trois-quarts redoutables comme Cheslin Kolbe, Sbu Nkosi et Makazole Mapimpi qui sont capables de marquer des essais n’importe quand tout en respectant la tradition sud-africaine qui est d’avoir un pack très physique. Rassie est un vrai chercheur du rugby.

On ne sait jamais à quoi s’attendre avec les Français. Ils ont été très bons comme très mauvais depuis le début de la compétition [...] Mais vous allez voir, il va y avoir une surprise.

Trouvez-vous que Handré Pollard s’inscrive dans cette tradition ?

Tout à fait. Pollard est un grand joueur et il prend bien ses responsabilités sur le terrain. En revanche, il va vraiment devoir monter d’un cran pour les trois derniers matchs pour être champion du monde.

Erasmus a rouvert la porte à des petits gabarits comme Kolbe ou le troisième ligne Kwagga Smith qui n’aurais pas été sélectionné il y a quelques années…

C’est vrai. Et c’est un bon point. Rassie possède une vraie ouverture d’esprit et cela n’a pas toujours été le cas chez nous. Quand il sélectionne un joueur, il le fait en fonction de ce dont il a besoin pour son plan de jeu, pas en fonction des centimètres ou des kilos.

Qui sera champion du monde selon vous ?

J’aimerais que ce soit l’Afrique du Sud. Je les vois suffisamment bons pour le faire. Bien sûr, les Néo-zélandais seront les favoris mais les quarts donneront déjà une bonne indication. Mais je m’attends à une surprise…

Laquelle ?

(Il souffle) On ne sait jamais à quoi s’attendre avec les Français. Ils ont été très bons comme très mauvais depuis le début de la compétition. Ce week-end, tout le monde mettra son argent sur l’Afrique du Sud, le pays de Galles, la Nouvelle-Zélande ou l’Angleterre. Mais vous allez voir, il va y avoir une surprise. Je verrais bien l’Australie battre l’Angleterre…

Comment vivez-vous votre retraite ?

Plutôt bien. J’ai deux activités (les médias et la gestion de patrimoine) qui remplissent bien mes semaines. Cela m’a aidé à supporter le blues de la retraite sportive : du jour au lendemain, on change complètement de vie. Ton salaire baisse d’un coup. Le quotidien change aussi, la routine du rugby est cassée et il faut en trouver une autre. Et puis avec le temps, la célébrité disparaît aussi. Il faut s’y faire.

Avez-vous continué le sport ?

Mon genou est totalement détruit, je ne peux plus vraiment courir. Alors, pour compenser, je me suis mis au golf et je vais de temps en temps à la salle.

à quel moment avez-vous senti que vous aviez envie d’arrêter le rugby ?

J’avais toujours dit que j’arrêterais ma carrière après la Coupe du monde 2015. Et j’ai eu l’opportunité de m’engager avec Leicester, en Angleterre. J’y suis allé mais j’ai connu des moments vraiment très durs là-bas, à cause de mes blessures. J’ai joué deux matchs, mais à la fin du second, j’ai réalisé que je m’étais bousillé le genou à nouveau. J’avais subi une grave blessure en 2014 et je n’ai jamais vraiment réussi à m’en remettre. J’aurais vraiment continué à jouer car j’adorais toujours ça. Mais mon corps m’a tout simplement dit d’arrêter. Et mentalement, je n’avais plus la force de revenir une fois de plus.

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