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Les personnages du rugby français : Carbo, victime d'un vendredi 13

  • Illustre joueur de Brive notamment, Philippe Carbonneau n'aura pas connu l'aventure qu'il espérait avec le XV de France, la faute à son absence lors de la Coupe du monde 1999.
    Illustre joueur de Brive notamment, Philippe Carbonneau n'aura pas connu l'aventure qu'il espérait avec le XV de France, la faute à son absence lors de la Coupe du monde 1999. Icon sport
Publié le Mis à jour
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Philippe Carbonneau a été admiré par toute une génération comme un génie du rugby français. Son absence à la Coupe du monde 1999 a été un crève-cœur, alors qu'il aurait dû inscrire son nom dans les livres d'histoire.

C'est un match qui a marqué tout le rugby français. Un match que l'on aime faire défiler dans ses souvenirs. La demi-finale de la Coupe du monde 1999 a propulsé ces hommes du XV de France au rang de héros, capable de terrasser une équipe de Nouvelle-Zélande pourtant portée par le phénomène Jonah Lomu qui avait encore fait valdingué quelques bleus. Des héros malheureusement balayés une semaine plus tard en finale de la Coupe du monde par l'Australie (35-12). Et pourtant, alors que Fabien Galthié était entré à tout jamais dans les cœurs des supporters français une semaine plus tôt, quelle fut pas notre surprise lorsqu'un de ses partenaires de l'époque, dans le secret d'une confidence glissait à notre oreille : "Rien n'avait vraiment été bien géré entre la demie et la finale. Mais avec Carbo à la mêlée, nous aurions été champions du monde." 

Philippe Carbonneau était effectivement le grand absent de cette coupe du monde et Fabien Galthié, revenu chez les Bleus pour le dernier match de la phase de poule après un concours improbable de circonstances, récoltait les lauriers de l'épopée tricolore. Il avait été pourtant écarté de la sélection initiale au profit du demi de mêlée alors à Brive. Et cette décision n'avait rien d'un scandale, bien au contraire car "Carbo" était le maître à jouer qui séduit toute une génération. De par son talent ballon en mains mais aussi par sa personnalité hors-normes, son sens du collectif mais surtout du sacrifice notamment en défense. Un tempérament qui collait aux valeurs ancestrales du rugby alors que le professionnalisme était en train de prendre ses marques.

Un homme qui parvenait à forcer le respect de ses partenaires sur le terrain, mais aussi en dehors comme le rappelle Emile Ntamack : "Avant un quart de finale de championnat contre Agen en 1995, nous avions la connerie juste avant de sortir du vestiaire, comme cela pouvait nous arriver parfois, sans vraiment que l'on sache pourquoi. Philippe s'était mis des bouts de crampons dans le nez et faisait l'andouille. En voyant Carbo, Claude Portolan, alors allongé sur une table de massage pliable, avait explosé de rire et la table s'était refermée sur lui. Tout le vestiaire était plié en deux... Et l'arbitre a du nous prendre pour des fous quand il est venu nous chercher pour rentrer sur le terrain. Mais Carbo ne s'était pas arrêté là. Pendant tout le match, il en rajoutait une couche en rejouant la scène." Le joueur et l'homme faisaient l'unanimité. 

L'histoire était écrite. La Coupe du monde 1999 devait être son chef d’œuvre, lui qui avait déjà amené Toulouse puis Brive sur le toit de l'Europe. Il était pour tout le monde incontestable. Il était le boss des Bleus qui avaient réussi le grand chelem en 1997 et 1998, le relais de Jean-Claude Skrela et Pierre Villepreux qui devait faire face à une certaine pression populaire qui louait les performances de Fabien Galthié en club pendant toutes ces années. 

Un choix que Guy Novès aurait fait à l'identique lui qui vient de placer Philippe Carbonneau dans son XV de légende du Stade toulousain : "Philippe, on pouvait le faire jouer à n'importe quel poste. Il a toujours été excellent. Sur le terrain il était exceptionnel, je l'ai toujours admiré." Une reconnaissance ultime venant d'un manager, qui au-delà de tous les nombreux titres qu'il a pu remporter, a un vu passer sous ses ordres un grand nombre de demi de mêlée internationaux, aussi bien français comme Michalak et Elissalde mais aussi étranger comme Byron Kelleher. Mais Carbo avait un truc en plus à en croire ses entraîneurs et ses partenaires : Il savait faire jouer les autres. Il savait prendre un match à son compte, lui donner du sens, du corps et le bon tempo. Fabien Pelous est bien conscient de la chance qu'il a eu de le côtoyer : "C'est vraiment difficile de sortir un joueur avec qui j'ai eu la chance de jouer. Je pense que le meilleur joueur de rugby que j'ai connu, dans la philosophie que je peux avoir de ce sport, c'est Philippe Carbonneau, même si je n'ai jamais joué avec lui en club alors que c'est un pur stadiste. Je pense qu'il était le joueur de rugby absolu : très technique, avec beaucoup d'engagement, très fort en défense, très intelligent dans le jeu. Personnellement, j'ai une admiration pour le joueur qu'il a été et je pense qu'il n'a pas eu une carrière que ses possibilités pouvaient lui permettre d'espérer."

La faute à un soir d'août maudit. C'était le 13 et la légende a voulu que ce soit un vendredi. Jean-Claude Skrela et Pierre Villepreux, étaient sonnés dans leur hôtel de Val D'Isère où les Bleus débutaient leur deuxième stage de préparation à la Coupe du monde. Ils se posaient de nombreuses questions, conscients d'avoir perdu la tête pensante des Bleus, et peinant à cacher leur tristesse après le couperet du médecin indiquant que l'aventure de Carbo, touché gravement à un genou s'arrêtait là. Ils avaient pourtant cru à la belle histoire puisqu'ils avaient déjà tressailli quand leur demi de mêlée s'était blessé face à l'Ecosse au mois d'avril. Déjà un maudit genou. Mais Carbo ne s'était pas ménagé et il était parvenu à revenir à temps pour faire partie du groupe France. Une rupture des ligaments croisés «qui restera comme le pire souvenir de ma carrière », reconnaît le demi de mêlée, aujourd'hui en charge des Espoirs de Brive. "Parfois je revois encore cet instant. Je ne l'oublierai jamais. Cette Coupe du monde, j'aurais dû la faire." Carbo n'aura jamais la chance de participer à cet événement planétaire. Fabien Galthié ayant su saisir sa chance pour rester le patron jusqu'en 2003. Et il restera une question sans réponse : Que se serait-il passé en 1999 sans ce vendredi 13 ?

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