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Dans les coulisses du sacre historique de Montpellier

Par Simon VALZER
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Après deux finales de Top 14 perdues, le MHR a gravé son nom sur le bouclier de Brennus. Un titre historique pour un club encore jeune et fêté à la hauteur de tout ce qu’il représente pour les Montpelliérains. Nous les avons suivis pendant deux jours, du stade de France au GGL Stadium. Reportage.

Cette nuit, ces jours, ces moments de communion resteront à jamais dans les mémoires des Montpelliérains qui ont écrit l’histoire en cette soirée du 24 juin 2022. Au terme d’une finale qu’ils ont superbement menée, les coéquipiers de Yacouba Camara ont remporté leur premier titre de championnat de France. Pas mal pour un club qui, alors qu’il n’a même pas la quarantaine, compte déjà quatre titres (Bouclier européen en 2004, Challenge Cup en 2016 et 2021, Brennus en 2022) et deux finales de Top 14 (2011 et 2018) : « C’est le premier grand titre dans notre vie de jeune club, déclarait le président Mohed Altrad. Samedi, on n’a que 36 ans alors que les autres ont un siècle. On est en train d’écrire notre histoire. » Le plus beau passage de cette histoire a pourtant commencé vendredi soir, par une interminable attente.

Flash-back : on joue la 62e minute, les Cistes ont encore 20 points d’avance quand Nicolaas Janse Van Rensburg écope d’un carton jaune. Frisson. Les Castrais vont-ils faire la "remontada" du siècle ? Guilhem Guirado fait les cent pas depuis sa sortie du terrain. Comme d’autres, il ne tient pas en place. Puis deux pénalités de Garbisi puis Pollard entretiennent l’avance au score malgré l’essai de Botitu. Les Montpelliérains commencent à craquer émotionnellement. Le premier est Benoît Paillaugue, l’un des miraculés (comme Arthur Vincent) de cette finale. Il comprend qu’il va quitter son club sur un titre, être parmi les premiers à ramener le Brennus à Montpellier.

Il pleure à chaudes larmes. Jan Serfontein, plus calme, lève un poing rageur à chaque pénalité gagnée. Avec son ami Greg Fichten, Bastien Chalureau pousse les cris de guerre ("Heusss !!!") de l’humoriste-instagameur Michel Venum. À quelques secondes du coup de sifflet final, le manager Philippe Saint-André étreint longuement son président Mohed Altrad, qui va ensuite réconforter Fulgence Ouedraogo, grand absent de ces phases finales. Au coup de sifflet final, l’ensemble du banc jaillit comme un seul homme vers les joueurs encore sur le terrain. Paillaugue saute dans les bras de Brandon Paenga-Amosa.

Mohed Altrad prend un bain de foule auprès des supporters du virage, accompagné de "Momo" Haouas déjà affublé de lunettes exubérantes. Paul Willemse, autre grand absent de cette finale en raison de sa blessure au genou gauche, harangue les supporters du MHR de ses grands bras. Vers 23 h 20, les Montpelliérains gravissent les marches de la tribune présidentielle. À 23 h 27, précises, on leur remet le précieux Bouclier.

Camara : « Inconcevable que je soulève le bouclier avant Fufu et Guilhem »

Pourtant, ce n’est pas le capitaine Yacouba Camara qui le soulève mais Guilhem Guirado et Fulgence Ouedraogo. Après la rencontre, le capitaine héraultais nous confiera ceci : « C’était obligé ! L’image est forte certes, mais pour moi la question ne se posait même pas. Même si je suis capitaine, ce sont des joueurs qui pèsent dans le groupe, qui sont leaders, qui ont réussi une grande carrière, pour moi c’était inconcevable de soulever le Bouclier avant eux. J’y avais même pensé une semaine avant le match ! » 

Et le flanker de rendre hommage à "Fufu", son concurrent direct au poste :  « Je suis l’élève qui apprend du maître. Il n’a pas attendu cette semaine-là pour me parler. Il m’a souvent parlé tout au long de la saison, j’ai beaucoup appris à son contact et pour moi il méritait de lever le Bouclier ce soir avec Guilhem parce que ces deux personnes m’ont beaucoup apporté en termes de leadership et je les remercie encore de tout ce qu’ils ont fait pour ce club. » Comme Jerome Kaino l’avait fait en 2019 pour Julien Marchand à Toulouse, Yacouba Camara a eu un geste de classe. Un geste qui montre toute la grandeur d’âme du personnage.

En zone mixte, les deux camps se croisent et se chambrent amicalement, même si la pilule est forcément douloureuse pour les Castrais. Zach Mercer aperçoit Pierre-Henry Broncan qui lui adresse un grand sourire. L’Anglais dégaine le premier : « C’est à cause de lui que je suis à Montpellier, ce mec ne voulait pas de moi à Castres ! » Et Broncan de répondre : « Too lazy, man ! » (« Trop feignant, mec ! » en français). Les Cistes défilent avec des masques de plongée et des bobs de toutes les couleurs : « Il te faut quelque chose de costaud pour protéger tes yeux dans le vestiaire, c’est trop le feu là-dedans ! », se marre l’ailier Gabriel Ngandebe. Il n’a pas tort.

Dans le vestiaire montpelliérain, le talonneur australien Brandon Paenga-Amosa manque de s’ouvrir le front en plongeant au sol lors du traditionnel ventriglisse orienté vers le Bouclier. Heureusement que le Wallaby aux 15 sélections a la tête dure…

Paillaugue surfe sur le bouclier porté par des supporters

Une heure après, la colonie héraultaise quitte le Stade de France, direction le centre de Paris. La soirée est organisée au «Bal Rock», 161 rue Montmartre. Ne vous fiez pas au nom de rue, l’endroit n’est pas situé sur la fameuse butte, repaire des «bobos» parisiens. Il est dans le cœur du IIe arrondissement, à côté du Sentier, et les rues sont remplies d’étudiants en sortie. Le Bal Rock est un gigantesque bar sportif de 1000 m². Avec son intérieur en bois, son parquet massif, sa grande piste de danse en contrebas et ses innombrables écrans télés, l’endroit est festif, convivial, et pas bling-bling pour un sou. À l’intérieur, il doit faire dans les 45 degrés.

Certains joueurs sont déjà en nage, les chemises arrachées. Mais pas tous. L’Anglais Zach Mercer reste en compagnie de sa future épouse (il se marie la semaine prochaine), et son tee-shirt est encore impeccable. Au milieu de la foule, une silhouette gigantesque déambule : c’est le deuxième ligne Paul Willemse, grand absent du premier titre de son club en raison d’une blessure au genou. Le géant s’arrête et se confie un bref instant : «J’éprouve un sentiment très bizarre. J’ai participé à la saison mais j’aurais aimé être sur le terrain. En tout cas, c’est fantastique pour le club.» Non loin de lui, on trouve la légende vivante, Fulgence Ouedraogo.

Chemise débraillée et transpirant, on demande au flanker ce qu’il a ressenti quand il a soulevé le Bouclier. Il n’a déjà plus de voix. En guise de réponse, il met sa main sur le cœur et nous glisse difficilement : «C’était tellement fort…» Plus loin, Anthony Bouthier savoure le moment en toute sobriété avec quelques amis : « La passe qu’Arthur me fait sur l’essai, elle n’était pas prévue… nous confie-t-il. Dans la semaine, je lui ai juste dit une fois : «Arthur, si tu rentres ta course, je redouble derrière.» C’est tout. Ce n’était même pas préparé. » 

Vers 4 h 30, une clameur se lève dans la fosse où se trouve la piste de danse : on voit Benoît Paillaugue debout sur le Bouclier porté par des joueurs et des supporters, comme un surfeur sur une vague. Cette bringue monumentale se prolonge jusqu’aux aurores, et même au bar de l’hôtel du MHR, où les joueurs se retrouvent au petit matin pour chanter, encore et encore.

Quand Capelli monte dans le mauvais train

On retrouve les Montpelliérains dans le hall de la gare de Lyon, aux alentours de 16 heures. Premier avec beaucoup d’avance sur le reste du groupe (c’est ce qui va causer sa perte, vous allez voir), le deuxième ligne Mickaël Capelli débarque pieds nus dans la gare et franchit les portiques de sécurité. Suivent tous les autres joueurs.

Les mines sont fatiguées mais les sourires sont toujours là. La colonie héraultaise finit par grimper tant bien que mal et prend place dans le train. Une poignée de minutes après le départ, un message vocal tombe sur les portables. Aussitôt, on reconnaît la voix de Paillaugue : « Devinez qui est le champion qui est monté dans le mauvais train ??? Ce gros José de Capelli !!! » Message de l’intéressé quelques minutes plus tard qui confirme : « Messieurs, je vous souhaite un bon voyage à destination de Montpellier, je m’arrêterai tout seul à Lyon et je me démerderai pour vous rejoindre. Bonne soirée à vous. » Fou rire généralisé dans les rames.

Quelques minutes plus tard, le gentil géant du MHR publie une story sur Instagram : « Seul dans le mauvais train. Et vous, votre samedi ? » L’ancien Grenoblois était tellement en avance qu’il a devancé l’organisation et est monté dans le train de droite alors qu’il fallait monter dans celui de gauche. On le retrouvera bien plus tard, vers 22 h 20, au GGL Stadium, où ses partenaires l’ont accueilli en champion.

Dans le train, l’ambiance est plutôt calme. Certains comme Vincent, Rattez, Chalureau ou Paillaugue ont encore de l’énergie à revendre et enchaînent les blagues. D’autres, comme Verhaeghe ou Ruiz en profitent pour prendre une pause.

Non loin d’eux, Serfontein est le cliché du "Blond" cher à l’humoriste Gad Elmaleh : quand les autres s’enfilent des sandwichs poulet-mayo arrosés de bière premier prix, M. Serfontein déguste, en compagnie de sa compagne tout aussi raisonnable que lui, une salade au saumon accompagnée d’eau plate, avant de se replonger aussitôt dans la lecture de la biographie de Jonny Wilkinson.

Le gendre idéal, quoi. Le joueur parfait. Mais il nous prévient tout de même : « Ce soir, les gars. Ce soir, on fait la fête, promis. » Le Bok a tenu parole. Quand on l’a quitté dans la nuit de samedi, il avait son propre pichet de bière.

Divine place de la comédie

Aussitôt arrivés à la gare de Montpellier Sud de France vers 19 h 40, les Cistes enfilent leurs tee-shirts « Champions 2022 » (au dos desquels figure la liste de tous les joueurs ayant disputé au moins une minute de jeu dans la saison) et remontent dans un bus qui les amène place de la Comédie, où plus de 5 000 supporters attendent leurs héros. Les joueurs montent sur scène, et lèvent le Bouclier au ciel. La divine Comédie explose. Des milliers de drapeaux volent, les supporters scandent le nom de « Fufu ». Dakuwaqa et Paenga-Amosa descendent de la scène pour aller faire toucher le précieux bout de bois aux fidèles.

Quelques minutes plus tard, Marco Tauleigne le donne carrément à la foule qui, religieusement, n’ose même pas le faire circuler sur la place. À l’arrière de la scène, en retrait de ce vacarme, on trouve un acteur méconnu et pourtant central de ce titre : le responsable de la préparation physique Benjamin Delmoral, recruté par PSA à l’intersaison. Il contemple la scène, seul, et pleure à chaudes larmes.

La voix nouée, il n’arrive pas à parler. On sent qu’il relâche toute la pression accumulée depuis dix mois et demi. En contrebas, on croise Philippe Saint-André comblé de voir autant de monde sur la place de la Comédie : « C’est génial. Je voulais vraiment créer une dynamique, c’est magnifique. »

Ouedraogo : « C’est un rêve de gosse de ramener le bouclier »

L’ensemble du peuple ciste est invité à rejoindre le GGL Stadium, où l’essentiel des festivités est prévu. Là-bas, une scène de concert a été installée au pied de la tribune Murrayfield, et un DJ utilise à plein régime son énorme sonorisation. Là encore, on trouve plusieurs milliers de supporters. Le président Mohed Altrad les remercie et rend un vibrant hommage à « Fufu » avant de lui passer le micro : « C’est un rêve de gosse de pouvoir ramener le Bouclier ici à Montpellier. C’est la plus belle des fins, je ne pouvais pas espérer mieux. Mon histoire avec Montpellier n’est pas finie. Je suis amoureux de ce club et de cette ville et mon histoire continue ici. » 

D’autres joueurs emblématiques qui terminent leur carrière avec le MHR sont honorés, comme Benoît Paillaugue : « Partir à Toulon en laissant un Bouclier ici, je ne pouvais pas rêver mieux. » Puis Guilhem Guirado : « La crise sanitaire nous a fait comprendre que sans vous, les supporters, on n’était pas grand-chose. Profitez au maximum de ce Bouclier, car il est rare. » Et enfin Mikheil Nariashvili : « Je me suis toujours senti à la maison ici. Je veux remercier tous les coéquipiers qui m’ont donné beaucoup d’amour. » L’autre enfant du club, Kélian Galletier, aurait aussi mérité une distinction. Philippe Saint-André clôt les discours, et est célébré en héros par le public.

Place à la fête, et à la musique. Spécialement convié pour l’occasion, le chanteur du groupe « L’Art à Tatouille » vient interpréter la chanson phare du vestiaire montpelliérain et chère à Arthur Vincent « Oh pétard ! ». Transcendé par l’ambiance, Nicolaas Janse Van Rensburg tente même un slam dans la foule. D’habitude discret et réservé, le Sud-africain plonge (avec précaution, tout de même) dans le public, et parcourt une dizaine de mètres à la manière d’un chanteur de groupe de métal au Hellfest. Cette bringue monumentale durera jusque tard dans la nuit. Avant de partir, Philippe Saint-André nous rappelle un truc : « On ne le dit pas assez mais on avait 11 joueurs français sur le XV de départ. » C’est vrai. Ce MHR « made in France » a décidément de la gueule, de la moelle, et surtout de l’avenir. Alors respect, Monsieur Saint-André.

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