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Galthié - Ledesma : irréconciliables

  • Fabien Galthie / Mario Ledesma
    Fabien Galthie / Mario Ledesma Icon Sport
Publié le Mis à jour
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De l’été 2012 à l’automne 2014, Fabien Galthié et Mario Ledesma ont entraîné côte à côte, à Montpellier. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que leur collaboration n’a pas accouché d’une indéfectible amitié...

On ne jurera pas que Fabien Galthié et Mario Ledesma se haïssent. Mais le jour où le sélectionneur argentin et « l’adjoint comme les autres », de Jacques Brunel feront la paix, nous serons tous probablement morts. Charles Géli, talonneur de Montpellier à l’époque où les deux hommes en étaient les patrons sportifs, glisse en préambule : « Quand j’ai vu la poule de l’équipe de France, c’est la première chose à laquelle j’ai pensé : « Là, y a match dans le match ! » Ce sera tendu, putain… » Pour comprendre les tenants et les aboutissants de la brouille, il faut donc remonter le temps. Thibault Privat, deuxième ligne du MHR jusqu’en 2016 et ami proche du talonneur argentin, explique : « Mario était alors un très jeune entraîneur. Avant d’arriver à Montpellier, il avait juste fait un an avec Michaël Cheïka au Stade français. Quand l’Australien s’est fait virer, il a pris le même wagon et Fabien (Galthié) l’a aussitôt contacté. Ces deux-là se connaissaient un peu. Aux côtés de Galthié, Mario voulait grandir, parfaire sa formation, devenir une référence. »

Au vrai, le grand Privat avait toujours su que son ancien coéquipier à Clermont se lancerait tôt ou tard dans une carrière d’entraîneur : « Il n’a jamais été l’avant bêtassou qui ne pense qu’à la mêlée. à ses débuts, Mario avait déjà une vision du jeu dans sa globalité. Franchement, je n’ai pas été surpris qu’il devienne sélectionneur des Pumas à seulement 45 ans. Je regrette, en revanche, qu’on lui ait coupé la tête si rapidement, en France… »

Ledesma a-t-il été défendu ?

À l’été 2012, au moment où Mario Ledesma a débarqué dans l’Hérault, le club traversait une période difficile. Mohed Altrad, le président du MHR, se souvient : « Eric Béchu avait quitté le club quelques mois plus tôt car son cancer était devenu trop agressif. […] Chez nous, c’était lui, le head coach. C’était lui qui parlait aux joueurs, Fabien n’était pas doué pour ça et au jour où Eric est parti, on s’est tous retrouvé dans la merde. Dans la merde et orphelins, Galthié le premier : lui est quelqu’un de sensible, d’émotif et cette situation, il l’a très mal vécue. Il est alors parti en vrille, et le club avec. » Aux côtés d’un numéro 1 meurtri, déboussolé, Mario Ledesma a lui aussi commis des erreurs, dont la première fut de vouloir épouser dans l’Hérault les contours de la méthode Galthié : pour être clair, l’ancien demi de mêlée des Bleus, qui s’est toujours refusé à infantiliser ses joueurs, est souvent réputé trop cassant avec ses ouailles et à ce sujet, Thibault Privat poursuit : « D’un point de vue management, Mario s’est mis dans la roue de Fabien alors qu’ils n’ont pas du tout la même façon d’aborder le rapport à l’autre. Il s’est perdu dans cette voie-là. Ce management et cette froideur, ce n’était pas lui, c’est tout. »

Charles Géli, qui tire aujourd’hui ses dernières cartouches à l’Usap, poursuit : « Pour faire du Galthié, il n’y a que Fabien Galthié et deux personnes dans ce style-là au sein d’un même club, c’était beaucoup trop : une partie du groupe vivait mal le fait d’être pris entre deux feux. » Si la première saison du duo Ledesma-Galthié se déroula sans accrochage majeur, la suivante, émaillée de plusieurs contre-performances et d’une série de quatre défaites successives, scella en revanche la fin de l’entente cordiale qu’avaient entérinée les deux hommes aux prémices de leur collaboration. Mohed Altrad se souvient : « Entre eux, tout s’est très vite dégradé. Ils n’avaient pas la même conception du rugby et du travail au quotidien, s’engueulaient souvent et parfois, ils ont même failli en venir aux mains. Au milieu de ce couple, Stéphane Glas (l’entraîneur des trois-quarts montpelliérains, N.D.L.R.) faisait le tampon. Il essayait d’arrondir les angles mais c’était perdu d’avance. »

Entre eux, c’était perdu d’avance…

En novembre 2014, alors que la situation sportive du club est particulièrement difficile (les Héraultais sont huitièmes du Top 14, N.D.L.R.), une délégation de joueurs portée par le capitaine Fulgence Ouedraogo rend visite au président Altrad afin d’obtenir la tête de Mario Ledesma. Le patron du MHR explique aujourd’hui : « J’aimais beaucoup Mario, son côté latin, ses rondeurs… Et au départ, je voulais le sauver. Mais notre capitaine (Ouedraogo) est d’abord venu me dire qu’il ne souhaitait pas continuer avec lui, que les avants ne se sentaient pas bien, des choses comme ça… Et puis, le truc avec Charles Géli m’a poussé à faire un choix. »

Le truc avec Charles Géli ? Il est synthétisé ainsi par l’intéressé : « Avec Mario, on était deux forts caractères. Dans les vestiaires après un match, je me suis senti insulté, j’ai répondu à une de ses attaques et on s’est accroché. Mais ce sont des choses qui arrivent, au rugby. On a parfois besoin de crever certains abcès. » Plus disert, Altrad se souvient précisément de l’altercation : « Après une défaite contre Brive à la maison, j’ai gardé joueurs et staff plusieurs heures dans le vestiaire. Il y a eu des éclats de voix, des vérités ont été dites. à un moment, Charles Géli s’est senti attaqué par Mario. Il s’est levé, l’a pris par le col et on a dû les séparer. Pour moi, le constat était clair : nous étions en totale perte de contrôle. Fabien n’avait plus la situation en mains et j’ai dû prendre une décision. Il fallait faire réagir les hommes, ce groupe avait besoin d’un électrochoc et Mario en a fait les frais. » Ledesma quittera donc le MHR, contraint et forcé, en novembre 2014.

Un chèque en poche, certes. Mais surtout habité d’une rancœur féroce envers Fabien Galthié, à qui il reproche encore de ne pas l’avoir défendu. « En général, conclut Privat, c’est la tête de la pyramide qui dégage. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé à Montpellier, cette année-là. Après s’être fait fumer (sic), Mario a donc traversé un vrai moment de doute ». Fabien Galthié, lui, fut mis à pied un mois plus tard par son président et, entre « l’adjoint pas comme les autres » et le milliardaire de l’Hérault, commença alors un long bras de fer judiciaire. Cinq ans après les faits, Mario Ledesma et Fabien Galthié, qui ne se sont pas parlé depuis leur séparation, se retrouveront à Tokyo à la tête de leurs sélections nationales respectives. Se serreront-ils la main ? Thibault Privat conclut : « Tout passe, avec le temps, non ? Je suis sûr qu’aujourd’hui, Fabien Galthié doit parfois même discuter avec Monsieur Altrad quand il le croise dans les salons feutrés du rugby français. » Z’êtes sûr de vous, Thibault ?

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