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Un jour, un métier : Fabien Alexandre, les clés du camion

  • Fabien Alexandre
    Fabien Alexandre Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Il pourrait s’avérer, comme tant d’autres, un des grands frustrés de cette saison, obligé de terminer sa longue et belle carrière sur un virus…  Mais Fabien Alexandre préfère d’ores et déjà se projeter avec sagesse vers l’avenir, où une reconversion l’attend dans l’entreprise de transports routiers fondée après sa propre carrière par son père, lui-même ancien pilier du FCG.
 

On peut être passé par Dax, Clermont et Biarritz, compter 287 matchs professionnels au compteur (dont 208 sous le maillot du FCG) et terminer sa carrière sans tambour ni trompettes, ni l’hommage que son public du stade des Alpes aurait tant aimé lui offrir. Une fin en eau de boudin qui doit évidemment beaucoup à l’épisode du covid-19 même si, pour tout dire, les choses auraient aussi pu ne pas se passer comme ça. « Comme j’étais en fin de contrat, je m’étais mis en tête que ça pouvait être ma dernière saison mais je l’ai attaquée comme toutes les autres : simplement avec l’idée de jouer le plus de matchs possible, confirme le troisième ligne emblématique du FCG. Cela a plutôt bien fonctionné d’ailleurs car j’ai eu un temps de jeu plutôt correct sur la première partie de saison. Mais après, au moment d’évoquer une prolongation, ça a traînaillé. »

Un mauvais signe évident, face auquel Alexandre a malgré tout choisi de prendre le taureau par les cornes. « Il a fallu que j’aille taper à la porte pour avoir des nouvelles, et fin janvier, j’ai appris que je ne serais pas conservé. J’espérais autre chose mais au moins, j’étais fixé… On m’a expliqué que si je n’étais pas repris pour une saison supplémentaire c’était en partie pour des raisons de masse salariale et que la politique du club était plutôt de lancer des jeunes. Si je n’étais plus performant et que je sentais que je n’avais plus de carburant, cela aurait pu être plus facile à entendre… Mais vu la conjoncture qui va encore s’amplifier à cause du coronavirus, ce sont des arguments que je pouvais tout de même comprendre. »

C’est ainsi que Fabien Alexandre projeta tous ses espoirs sur la fin de saison, avec l’espoir d’une dernière montée en Top 14 en guise de cadeau d’adieux. Las, un pangolin, un virus et une certaine pandémie en ont décidé autrement… « Ce qui est marrant, c’est que pour le dernier match avant l’épidémie, j’étais vingt-quatrième homme à Oyonnax. Je me rappelle avoir dit à la personne qui était à côté de moi en tribunes : « Plus qu’une dizaine de matchs pour mettre les chaussettes et le maillot… » Et puis, tout s’est accéléré. Le samedi soir, le début du confinement a été décrété. Et même si je suivais ce qui se disait dans les médias concernant une éventuelle reprise, au fil du temps, l’espoir s’est amenuisé, jusqu’à être définitivement enterré. » Pour l’éternité, Fabien Alexandre aura donc terminé sa carrière sans le savoir le 27 février face à son ancien club de Biarritz, pour un match nul un peu piteux (13-13). « D’abord, il y a eu beaucoup d’amertume. Mais dans un deuxième temps, on parvient toujours à relativiser. J’ai la chance d’avoir un projet derrière, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Alors, j’ai plutôt hâte que cette année se termine pour passer à autre chose… »

Des formations jusqu’à la fin de l’année

Ce projet, justement ? Il s’inscrit, comme une belle histoire de rugby, dans la transmission et la tradition familiale, celle d’une entreprise de transport de matériaux pour les travaux publics. « Mon père Jean-Claude (ancien pilier du FCG, N.D.L.R.) était camionneur indépendant lorsqu’il jouait puis il a fait grandir son entreprise après sa carrière en partant de zéro, en travaillant avec ma mère… Du coup, j’ai toujours baigné là-dedans. Avec mon épouse, nous sommes revenus dans la région voilà maintenant dix ans en se disant que nous ferions notre vie ici. Alors, prendre la suite de mes parents m’est apparu comme une chose naturelle. D’autant que, comme j’ai eu la chance de pouvoir jouer jusqu’à 35 ans, mes parents ont eu le temps d’arriver plus ou moins à l’âge de la retraite. »


Un projet d’autant plus évident avec le recul que Fabien Alexandre avait passé son permis poids lourds tout jeune, pendant ses années clermontoises. « Comme quoi, ça devait déjà trotter dans ma tête… », sourit-il. C’est pourquoi, délesté de cet indispensable préalable, Fabien Alexandre peut désormais se lancer dans diverses formations. « Je dois valider une attestation complémentaire qui nécessite six semaines de formation, que je passerai en août et septembre. Et au mois d’octobre, je passerai l’examen. Il fait aussi que je passe ma Formation initiale minimum obligatoire (Fimo), indispensable pour conduire un poids lourd même si on a le permis. C’est la législation française… ça dure un mois donc, normalement, je devrais être pleinement opérationnel pour travailler à la fin de l’année. »

« quand tu as joué au rugby, tu sais qu’il faut commencer par les bases »

Ensuite ? Il s’agira de se lancer dans la grande aventure, avec l’humilité qui le caractérise. « Quand tu as joué au rugby pendant quinze ans, tu sais qu’il faut passer par des bases… C’est une petite entreprise de huit salariés alors, il faut être polyvalent : être capable de conduire, faire les papiers, dépanner, être sur le terrain… Bref, connaître le métier, de A à Z, ne pas être simplement là en costume et donner des ordres. Alors, je vais d’abord conduire les camions, voir comment tout ça fonctionne avant d’envisager d’avoir une double casquette. » Laquelle voudrait, en gros, que Fabien Alexandre cumule à lui seul les fonctions de ses parents Chantal et Jean-Claude… « En gros, ma mère s’occupait de l’aspect administratif et mon père des camions. À terme, j’espère arriver à tout faire même si dans un premier temps, je sais que ma mère sera toujours dans les parages pour me donner un coup de main ; et mon père aussi. Quand on a passé quarante ans dans les camions, on ne décroche pas comme ça… Je ne plonge pas totalement dans l’inconnu. »


De quoi envisager la fameuse « petite mort » du sportif en toute sérénité ou presque. « On ne se rend jamais compte à quel point quinze années peuvent passer si vite. Cela a été une bonne expérience, une belle vie mais maintenant, il s’agit de plonger dans la vraie vie, la vie active. Un futur différent qui aura aussi beaucoup de bons côtés, comme celui de profiter des week-ends avec ma famille ou de regarder quelques matchs à la télé… »


Preuve que le rugby ne sera malgré tout jamais bien loin, quand bien même Fabien a préféré ne pas donner suite aux premières sollicitations… « Le club de Villard-Bonnot (CS Gresivaudan Belledonne, Promotion Honneur) m’a un peu sondé pour que je lui donne un coup de main… ça m’ennuie parce que je connais tout le monde là-bas mais pour mes premières années dans le monde professionnel, je préfère m’y mettre à 100 % plutôt que de m’investir tout de suite dans le rugby. Nous verrons plus tard… » On le subodorait, nous en sommes désormais certains : comme sur le terrain, lorsqu’il s’agit de prendre les clés du camion, « Fabio » ne fera pas les choses à moitié…

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