Josaia Raisuqe (ailier de Nevers) : « J'ai été complètement dépassé par les répercussions de mon geste »
L’ailier fidjien de Nevers s’est fait remarquer le week-end dernier en soulevant l’arbitre de la rencontre face à Béziers, Monsieur Millotte, à bout de bras tout en laissant éclater la joie d’une victoire. Un geste peu académique et réglementairement interdit. Il passera en commission de discipline le 20 janvier. En attendant, il est suspendu et fait amende honorable.
Présentez-vous, Josaia…
Je suis né et j’ai grandi à Suva, aux Fidji. Mes parents ont une petite ferme, là-bas. […] Un de mes oncles fut international fidjien et j’ai toujours rêvé de marcher dans ses pas.
Parlons de votre actualité : avez-vous regardé cette fameuse vidéo, depuis les faits ?
Oui, bien sûr. (Il marque une pause) Le lendemain du match, à mon réveil, elle était partout sur internet. J’ai été complètement dépassé par l’événement. Sur Instagram et Facebook, j’avais des centaines de messages. Mon téléphone n’arrêtait pas de sonner. C’était insupportable.
Cela ne vous a-t-il pas fait sourire ?
Non… J’ai eu peur…
Peur de quoi ?
J’ai eu peur que les dirigeants de Nevers soient en colère. J’ai eu peur de perdre mon travail. Je me suis dit que, peut-être, ce que j’avais fait était grave…
Sur les images, on vous voit danser juste avant de soulever l’arbitre. Est-ce commun, chez vous ?
Non ! C’était juste une façon d’exprimer ma joie. On venait de gagner à Béziers (30-25), la performance était belle, j’étais surexcité…
Pourquoi avez-vous soulevé M. Millotte ?
J’étais heureux, voilà tout : en Pro D2, c’est dur de gagner à l’extérieur. […] Sur le coup, je n’ai rien calculé. à la fin du match, la première personne que j’ai vue fut l’arbitre et je l’ai soulevé, voilà tout. C’était maladroit mais je ne voulais pas lui faire du mal ! J’étais juste heureux !
Qu’ont dit vos coéquipiers, en vous voyant faire ?
Au départ, ça les a fait rire. Puis dans les vestiaires, certains d’entre eux m’ont dit : «On ne fait pas ça, ici, Wini (son surnom à Nevers, N.D.L.R.). Tu risques d’avoir de gros problèmes». C’est à ce moment-là que j’ai réalisé… Jusque-là, je n’avais pas réfléchi aux conséquences. C’était juste un truc instinctif.
Et les Biterrois, vous ont-ils dit quelque chose ?
Eux, ils étaient fous de colère sur le terrain. Monsieur l’arbitre venait de siffler la fin du match mais après l’avoir vu me donner un carton rouge, les joueurs de Béziers voulaient que le chrono reprenne ; ils voulaient repartir sur une pénalité…
Avez-vous vu M. Millotte, après ça ?
Non mais j’aurais voulu le croiser. J’aurais aimé lui dire que j’étais désolé, qu’il n’y avait pas d’agressivité dans mon geste… J’aurais voulu lui dire que chez moi, le rugby est juste un jeu et qu’on l’appréhende différemment, voilà tout.
On vous suit…
Maintenant qu’on m’a expliqué le contexte, la symbolique de la fonction, je comprends que je n’aurais pas dû me comporter de la sorte.
Votre geste eut un écho immense, dans le monde du rugby…
Oui. Quelques heures plus tard, tous mes amis aux Fidji étaient au courant. Tout ça m’a complètement dépassé. Mon père m’a appelé. Il était furieux et je n’aime pas quand il est comme ça. […] Après ça, j’ai eu beaucoup de mal à dormir. Non seulement parce que je culpabilisais mais aussi parce que le téléphone n’arrêtait plus de sonner…
Avez-vous retrouvé le sommeil, depuis ?
Non… J’ai peur d’être lourdement sanctionné. […] La commission de discipline, je ne pense plus qu’à ça. J’espère qu’ils comprendront néanmoins que mon geste n’était pas agressif… Je regrette tellement… Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça…
Que voulez-vous dire, aujourd’hui ?
Je veux juste dire que je suis désolé. Ce n’est pas quelque chose à montrer dans les écoles de rugby…
Ce genre de chose vous est-il déjà arrivé ?
Non… Jamais… En début de saison, j’ai juste «checké» (taper dans la main pour féliciter ou saluer quelqu’un, N.D.L.R.) un arbitre qui venait de siffler une pénalité contre moi, comme pour lui dire : «Bonne décision, l’arbitre ! J’aurais pris la même». Je ne suis pas un méchant garçon, vous savez.
Ne pensez-vous pas que cette histoire, peu grave au demeurant, s’éteigne de façon très naturelle dans quelques jours ?
Je n’en sais rien… J’ai l’impression que les gens en parlent encore beaucoup… Ce matin (mardi matin, N.D.L.R.), un site internet britannique a même lancé une pétition demandant à la commission de discipline de me libérer sur-le-champ. (Il soupire) Je déteste ça…
Vous détestez quoi ?
Me faire remarquer… Être placé en pleine lumière… J’ai tellement hâte que tout ceci soit fini.
Terminons sur autre chose : vous jouez avec un bandeau autour des oreilles, à la manière d’un deuxième ligne. Pourquoi ?
Je sais que ce n’est pas commun chez un ailier… Mais si je joue avec un bandeau, c’est juste parce que je déteste avoir froid aux oreilles !
Qu’écrivez-vous sur le bandage que vous portez au poignet, les jours de match ?
Sur mon poignet, sont inscrits quelques versets de la Bible et les prénoms de mes proches.
Que disent les versets, au juste ?
«Si tu m’appelles, je serai là pour toi».
Vous êtes hors-jeu !
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