Abonnés

Test match - Ces Bleus sont couvés par une bonne étoile

  • Gregory Alldritt, ici devant son coéquipier Cameron Woki, a su prendre en mains l'équipe de France, au plus fort de la tempête.
    Gregory Alldritt, ici devant son coéquipier Cameron Woki, a su prendre en mains l'équipe de France, au plus fort de la tempête. Midi Olympique - Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
Partager :

Malmenés, maladroits et moins conquérants qu’à l’habitude, les Tricolores ont contre l’Australie remporté un match qu’ils n’auraient peut-être pas dû gagner. Existe-t-il une bonne étoile, au-dessus de cette équipe de France ?

C’est l’un des effets indésirables du succès : il embourgeoise. Et quelques minutes avant que Damian Penaud n’arrache au Stade de France un cri rauque, primaire, sauvage, on en était malgré nous rendu à des considérations qui n’avaient a priori plus cours, en ces lieux. On se demandait, déjà, quand prendrait fin cet immonde morceau de « ping-pong rugby » qu’on nous vend comme un remake de Karpov / Kasparov, comme la partie la plus raffinée de l’ovale moderne, quand elle ne consiste, en fait, qu’à monter des chandelles comme le faisaient jadis, et à dix mètres de la ligne d’avantage, Rob Andrew, Ronan O’Gara et quelques-uns des meilleurs ouvreurs de série régionale. Omettant délibérément que l’on avait passé dix ans à bâfrer des cailloux, on se disait aussi, du haut du perchoir qui est le nôtre à Saint-Denis, qu’il n’était pas Dieu possible d’être aussi maladroit, aussi indiscipliné et globalement peu emballant. Franchement ? Le grand chelem nous avait à ce point repus qu’on en venait à se dire, samedi soir, que cette équipe d’Australie en fin de saison n’était qu’un sparring-partner en guenilles, une sixième nation mondiale à sa juste place et lestée d’une charnière (Bernard Foley et Nic White) en bout de course, un amuse-gueule ordinaire avant le gueuleton de Marseille…

L’embourgeoisement ne prévient pas…

Avait-on vraiment oublié, le cul sur la chaise et les pognes sur le ventre, que ces Wallabies avaient battu l’Ecosse à Edimbourg quelques jours plus tôt ? Avait-on perdu de vue que cette équipe, où Taniela Tupou, Michaël Hooper et Will Skelton font tous partie des meilleurs joueurs du monde à leur poste, avait cet été vaincu les Springboks et échoué d’un rien face aux All Blacks ? C’est qu’il y eut un peu de tout ça, samedi soir, au moment de quitter le XV de France à Saint-Denis. Et c’est surtout que l’embourgeoisement ne prévient pas, lorsqu’il franchit sans mot dire les portes de notre salon. Passé cette première sortie tricolore, on serait pourtant idiot de ne pas la considérer pour ce qu’elle est par nature, soit une simple entrée en scène, une quelconque mise en route, un échauffement grandeur nature.

« Nous n’étions pas surpris de nous retrouver dans cette position-là, disait Fabien Galthié au crépuscule de ce France-Australie. Pour nous, chaque reprise de compétition est délicate. Ce fut d’ailleurs le cas l’an passé à la même époque, contre l’Argentine en ouverture de la tournée d’automne . Et puis, revenir dans ce stade que nous avions quitté, en folie, au soir du grand chelem nous à la fois poussé et créé une forme d’ambiguïté, dans notre engagement. » Après tout, ce XV de France qui tourne à 88 % de victoires dès lors qu’il aligne au même moment ses « joueurs premium » est une équipe encore fraîche à ce niveau de compétition et qu’on le veuille ou non, il n’a encore ni le vécu collectif des Anglais de 2003 ni celui des All Blacks de 2015. « On est encore en phase d’apprentissage, disait encore le sélectionneur, dans les entrailles du Stade de France. À nos yeux, chaque match a sa propre histoire. »

 

Comment les Bleus se sont affranchis de la « Dupont dépendance »

Et tout bien considéré, celle-ci raconte mille choses. Déjà, cette équipe de France toujours dauphine de l’Irlande au classement mondial, n’est pas totalement dépendante du meilleur joueur de la planète. Et quoi ? Contre l’Australie, Antoine Dupont fut soumis à une telle pression par les avants d’en face qu’il fut assez quelconque dans son jeu au pied d’occupation, globalement peu dangereux balle en mains et qu’il termina même ce test match avec, sur le carnet de liaison, un « peut mieux faire » plutôt inhabituel chez lui...

Test match - Antoine Dupont, demi de mêlée du XV de France, a été suivi de près et n'a pas eu le rendement habituel.
Test match - Antoine Dupont, demi de mêlée du XV de France, a été suivi de près et n'a pas eu le rendement habituel. Midi Olympique - Patrick Derewiany

Malgré ça, la sélection tricolore s’est samedi soir arrachée de l’étreinte australienne dans les conditions que l’on sait, a décroché une onzième victoire consécutive et marqué l’histoire de notre petit univers. Ici, la leçon qu’on nous sert donc depuis que ledit « Toto » a été nommé capitaine – ce discours, que l’on a longtemps pris pour un bavardage, vise à dire qu’il existe autour de lui une galaxie de lieutenants - a pris corps samedi soir et, puisque Dupont n’avait pas l’impact habituel sur le jeu des siens, Gregory Alldritt, Julien Marchand ou Damian Penaud formèrent, dans des registres qui leur sont propres, un premier cercle fort appréciable aux pires instants de la tempête. De fait, comme Richie McCaw était jadis entouré de Dan Carter, Conrad Smith et Sam Whitelock chez les All Blacks, comme Martin Johnson pouvait compter sur Neil Back, Jonny Wilkinson ou Lawrence Dallaglio au sein de ce qui fut la plus grande équipe anglaise de tous les temps, le XV de France possède un indéniable équilibre dans sa structure, son squelette, soit autant de points cardinaux d’un champion du monde en puissance.

 

Pour Galthié, c'est « un cercle vertueux »

Et puis, existe aussi autour de cette équipe de France « un cercle vertueux », pour emprunter au lexique fleuri du sélectionneur national. Demeure au-dessus de son itinéraire une bonne étoile, une sorte de bienveillance cosmique qui fait d’elle, depuis un an et demi, une « équipe invaincue » si l’on s’en tient à la toute-puissance des faits, ou une « équipe invincible » si l’on cède à notre latinité et davantage de romantisme.

Depuis trois ans, aucune « histoire » de cette équipe de France ne fut en effet neutre et l’on peut vous citer, sans même produire un effort de mémoire considérable, un instant marquant, un effet de scène de chacun des vingt et quelques matchs disputés par la sélection tricolore après la Coupe du monde japonaise. En vrac : le fier morceau de défense survenu l’an passé à Cardiff, la relance de l’en-but de Romain Ntamack face aux All Blacks ou plus près de nous, le dernier essai de Damian Penaud. Mais alors, quoi ? La bonne étoile peut-elle vraiment cesser de luire avant l’automne prochain ? Le « cercle vertueux » peut-il, pour une raison ou pour une autre, se briser avant que ne survienne la Coupe du monde ? Disons qu’à ce sujet, le prochain sommet du Vélodrome, face à la seule équipe du circuit qu’elle n’a pas encore battue, offrira à la bande à Dupont les réponses qu’il lui reste à fournir avant de s’estimer potentiellement éligible, ou pas, à un titre de champion du monde. « Pour nous, concluait Fabien Galthié samedi soir, ce match contre les Springboks ressemble à une finale de Coupe du monde. » Soyez en à la hauteur dans ce cas…

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?