Abonnés

La fraîcheur de vivre des Toulousains

  • Chelsin Kolbe (Toulouse) après avoir marqué un essai en demi-finale de Top 14 contre La Rochelle
    Chelsin Kolbe (Toulouse) après avoir marqué un essai en demi-finale de Top 14 contre La Rochelle Patrick Derewiany / Midi Olympique
Publié le Mis à jour
Partager :

Après avoir survolé la phase régulière, l’enthousiasmante armada toulousaine a validé son billet pour une finale dont elle rêvait. Une étape supplémentaire franchie, grâce à une préparation optimisée et des ressources toujours plus précieuses, symbolisée par l’entrée décisive des remplaçants en deuxième mi-temps.

Sept ans plus tard, le Stade toulousain est de retour au Stade de France. Une éternité à l’échelle de l’institution la plus titrée de France, dont les seuls rescapés de 2012 sur le terrain (Gillian Galan était remplaçant et Maxime Médard blessé) ne sont autres que William Servat, Clément Poitrenaud et Jean Bouilhou, désormais entraîneurs. Une anomalie peut-être ? « On sait d’où on vient, rappelait Ugo Mola au coup de sifflet final. Il a fallu faire bouger les lignes. » Le temps de dépoussiérer un monument en sommeil pour qui l’héritage historique était trop lourd à porter. Ce qui n’est visiblement plus le cas pour cette bande audacieuse et décomplexée. « Regardez les dix dernières années, à chaque fois, il y a un champion différent, un dernier carré différent, poursuivait l’entraîneur principal. Ce n’est pas le rugby que j’ai connu comme joueur, où j’avais tellement l’impression que c’était simple d’aller à Paris et qu’on pouvait se permettre de réserver très tôt. On a changé d’ère et le poids du passé est aujourd’hui plus positif qu’autre chose chez nous. On va amener dans la capitale les gosses de mes potes cette fois. »

Une logique de transmission jamais plus grande qu’à Toulouse, et exploitée par le staff dans la préparation de cette demi-finale. En effet, Mola et ses adjoints avaient élaboré un clip vidéo à l’endroit de leurs troupes dans lequel Emile Ntamack, Franck Belot, Fabien Pelous et Thierry Dusautoir, quatre des derniers grands capitaines du club à avoir décroché le Brennus, se mettaient en scène pour passer le flambeau à leurs dignes successeurs. Un film, monté sur le thème de la série télévisée britannique à succès « Black Mirror », où apparaissaient aussi les proches des familles pour y ajouter un aspect émotionnel et affectif. Une manière de placer les hommes face à leurs responsabilités, eux chez qui l’enthousiasme était débordant dans les quarante-huit heures précédant la rencontre. « Nous étions hyper excités, explique Sofiane Guitoune. C’est là que Jerome Kaino a été énorme. Lui a l’habitude de ce genre de rendez-vous et, par sa nature, il est ultra-calme et posé. Ses prises de parole ont apporté beaucoup de sérénité et de confiance. »

Mola : « Le banc a été colossal »

Voilà aussi comment ces Toulousains si insouciants ont définitivement grandi et appris des derniers mois. C’est là, comme le réclamait Yoann Huget dans ces colonnes, qu’ils se sont servis de leur défaite en demi-finale européenne au Leinster pour encore mieux appréhender un match couperet. Entre spontanéité et concentration. C’est là, également, que dirigeants et entraîneurs ont retenu la leçon de la saison passée, quand ils s’étaient laissés dépasser par les événements à l’heure de disputer (et de perdre) leur barrage à domicile face à Castres. Cette saison, ils ont choisi de s’exiler cinq jours en Espagne, à côté de Murcie, pour sortir de l’environnement pesant d’Ernest-Wallon. Et, franchement, il n’y avait qu’à échanger avec eux en début de semaine passée pour comprendre à quel point ils maîtrisaient le roman qu’ils étaient en train d’écrire.

C’est même une certaine assurance qui se dégageait de ce groupe, une fraîcheur mentale et physique qui fut évidente samedi soir quand, après l’approche de l’heure de jeu, les Stadistes ont irrémédiablement pris l’ascendant. « Bénéficier d’un temps supplémentaire pour se régénérer était un confort, avoue François Cros. Après, je ne sais pas si cette coupure n’a fait que du bien. » Référence aux quelques maladresses de la première période ou aux crampes apparues chez plusieurs joueurs en deuxième mi-temps. Reste qu’en vue de la finale, lui et ses coéquipiers auront encore l’avantage du calendrier, avec une journée de plus pour récupérer. « La Rochelle, comme Clermont d’ailleurs, avait disputé la finale de Challenge, poursuit Cros. Là, on aura une nouvelle fois un peu plus de temps mais s’il n’y avait que la fraîcheur qui comptait pour une finale, ça se saurait et ce serait trop facile… »

N’empêche, c’est bien l’apparition des remplaçants, autour de la 50e minute, qui a permis à ce duel de basculer en faveur des Rouge et Noir. « L’arrivée du banc a été colossale, se réjouit Mola. Vraiment, son rôle a été monumental. » Cros va plus loin : « Cela fait plusieurs matchs qu’on gagne au moment du coaching. C’est un luxe pour nous car on a senti un nouveau souffle. Le banc a été beaucoup critiqué les années précédentes mais, cette saison, il est très impliqué. Chacun a compris que ne pas démarrer n’est pas une sanction mais un choix tactique. » Les Castets, Van Dyk, Marchand, Gray, Tolofua et Fa’asalele ont, au-delà d’apporter de l’avancée au contact, été cruciaux pour enfin remporter la guerre des rucks et resserrer la défense maritime. « Cela fait partie des caractéristiques de ces joueurs, justifie le technicien. Le jeu est souvent régi par les hommes et on savait qu’ils nous amèneraient cette dimension. »

« Ce serait une telle fierté de ramener le Bouclier »

De même, l’entrée de Sébastien Bezy en tout début de deuxième mi-temps a été absolument décisive. Alors que son équipe prenait le dessus devant, lui a accéléré le jeu et animé à merveille, surtout qu’Antoine Dupont s’est aussi montré à son avantage quand il fut décalé à l’ouverture où Thomas Ramos était en difficulté. Jusqu’à donner quelques regrets à Ugo Mola de ne pas avoir opté pour cette combinaison au départ ? « Non, pas du tout, répond-il. Stratégiquement, c’était voulu et on savait que Seb allait entrer tôt. » Voilà qui dénote des ressources de ce groupe, avec une infinité d’options possibles. C’était pourtant la grande inconnue de l’effectif toulousain il y a dix mois, voire même sa faiblesse supposée. Chacun craignait qu’il manque de profondeur… Aujourd’hui, si le Stade toulousain en est là, c’est surtout parce qu’il a pu changer constamment ses hommes sans que les productions ne s’en ressentent. Jusqu’à voir les statuts évoluer. Qui aurait parié sur une paire de centres Ahki-Guitoune l’été passé ?

Qui aurait osé mettre une pièce sur Richie Arnold à son arrivée début 2019 ? Qui avait anticipé le replacement de Kolbe à l’arrière ? Qui imaginait Mauvaka ou Castets à un tel niveau ? Pas grand monde. « J’ai fait le briefing d’avant-match devant quarante-cinq joueurs, car tous ont souhaité être là, raconte Mola. Quand on voit la qualité des mecs qui sont sur le bord, cela donne une idée de la qualité de ceux qui ont démarré. » Et Cros de confirmer : « Cela été notre force toute la saison et doit le demeurer samedi prochain. » Rendez-vous est pris avec la légende, pour revoir une place du Capitole rouge et noire de monde. « Ce serait une telle fierté d’y ramener le Bouclier », glisse Dupont. Cros pour l’éternité : « Ce qu’on a fait jusque-là est grand mais il n’y a plus qu’une étape pour réaliser quelque chose de très grand. »

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?