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Mignoni : « Bastareaud a beaucoup de courage d'accepter de changer de poste à 30 ans » (1/2)

  • Pierre Mignoni (Lyon) en discussion avec Mathieu Bastareaud et Patrice Collazo (Toulon).
    Pierre Mignoni (Lyon) en discussion avec Mathieu Bastareaud et Patrice Collazo (Toulon). Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L’ancien demi de mêlée international est un homme discret, qui compte ses mots et n’accepte pas souvent le principe de la longue interview. Mais quand il nous dit « oui », on n’est pas déçu... C’est ici le cas, avec un Pierre Mignoni qui s’engage.

Pendant le confinement, on a appris le départ de Frédéric Michalak du staff. Il se murmure qu’un gros désaccord entre vous serait la raison de son départ ?

Pas du tout. Fred, c’est moi qui l’ai fait venir comme joueur à Lyon et qui suis intervenu auprès du président pour qu’il soit dans le staff après sa carrière. Avec Fred, cela s’est bien passé et c’est toujours le cas. La partie sportive de sa mission a été plus que satisfaisante mais il avait aussi un rôle administratif et, je crois, c’est là qu’il a eu un peu plus de mal à tenir sa place. Il l’a reconnu. Son rôle n’a peut-être pas bien été défini au départ, mais en ce qui nous concerne, il n’y a aucun problème. Au contraire. Il a très bien fait son boulot de conseil auprès des joueurs sur leur reconversion, sur les transferts.

Lyon a aussi annoncé le retour pour deux saisons de Mathieu Bastareaud après une aventure américaine avortée. Votre avis ?

Il a signé à Lyon sur une opportunité, avant son départ pour New York. Il revient parce que les trois ou quatre mois qu’il a passés ici avant son séjour américain s’étaient bien passés. Il avait envie de revenir.

Quel poste jouera-t-il?

Je sais qu’il y a un débat sur son poste. Beaucoup de gens, dont la plupart n’entraînent pas, remettent en question son positionnement comme troisième ligne centre, et son niveau de forme. Mathieu n’a pas toujours été exemplaire au cours de sa carrière mais quand il a été chez nous, si. Il a d’ailleurs eu beaucoup de courage en acceptant de changer de poste. C’est une excellente idée qui n’est d’ailleurs pas de moi, mais de Patrice Collazo qui souhaitait le tester à ce poste avec Toulon. Mathieu a le potentiel pour devenir un très bon numéro huit et il l’a montré le dernier mois où il était joueur avec Lyon. Si les avis sur Mathieu sont partagés, je m’en fiche complètement. Je fais ce que le joueur et moi avons envie de faire. À lui de montrer qu’il est capable de revenir à un certain niveau, à ce nouveau poste. Moi, en tant que joueur, je n’aurais jamais osé le faire ! Je vous rassure, je ne serai pas passé numéro huit… (rires) Et même pas à l’arrière ou aux ailes à 30 ans. J’aurais dit à mon entraîneur : «tu es gentil, mais je reste demi de mêlée». C’est pour cela que c’est très courageux ce qu’a fait Mathieu. Maintenant, il faut aller au bout des choses. Et on va y aller ensemble.

Êtes-vous impatient de retrouver le terrain ?

Clairement, oui.

Même si vous êtes manager, on sait que vous tenez à conserver le leadership technique sur votre équipe…

Oui et trois fois oui ! Je suis d’abord un homme de terrain et pas un homme de bureau, même si j’y passe de plus en plus de temps. J’aime être avec mon staff et mes joueurs sur la pelouse. C’est mon métier.

Cela entraîne aussi un reproche que l’on vous fait souvent:
celui de ne pas déléguer, de ne pas lâcher le terrain ?

Je suis entraîneur, donc sur le terrain. Je suis aussi manager, c’est vrai. C’est beaucoup mais je m’appuie énormément sur mon staff. Je ne m’occupe pas de la mêlée ou de la touche. Bon, je contrôle, je regarde tout mais je les laisse travailler. Mes adjoints ont une place très importante à mes côtés. Je comprends que cela puisse être mal perçu. Je sais que je ne suis pas capable de tout faire, d’avoir toutes les compétences, même si j’ai envie de tout contrôler… Mais, et de plus en plus, mes adjoints travaillent en autonomie. Je travaille sur moi-même pour prendre plus de recul et de hauteur. Chose que, je le reconnais, je ne faisais pas il y a encore deux ans.

Avez-vous pris conscience de ce côté omnipotent ?

Je le sais ! Mais je laisse mon staff prendre des initiatives, demandez-leur ! J’ai été adjoint et j’ai eu la chance de travailler sous Bernard Laporte et avec Jacques Delmas. J’ai appris, j’ai évolué. Je veux que mes adjoints soient dans cette évolution-là. Qu’ils apprennent et qu’ils deviennent un jour manager. Après, je me dois d’avoir un œil sur tout ! Je trouve que l’on m’a collé cette étiquette un peu vite.

Peut-être parce que vous ne donniez pas cette image autoritaire quand vous étiez joueur ou même à vos débuts de coach, à Toulon ?

On me le dit souvent. Cette autorité est venue plus tard. J’ai eu une maturité tardive en tant que joueur. Pourquoi ? Il y a plein de raisons, mais je me suis senti meilleur joueur à 30 ans qu’au début de ma carrière. Ensuite, entraîneur c’est un métier complètement différent de joueur. Un très grand joueur ne fera pas forcément un très grand entraîneur. Je vais attaquer ma sixième saison avec Lyon et je veux pousser le curseur encore plus haut ! Sera-t-on à la hauteur de nos ambitions ? On verra. Mais en Top 14, à chaque fin d’année, il y a un heureux et treize déçus.

On dit souvent que pour être champion de France, il faut un ouvreur de classe internationale. Vous avez choisi de partir avec Wisniewski, Fernandez et le jeune Berdeu. Cela sera-t-il suffisant ?

On se connaît. Vous savez que je peux me mettre en colère et vous appeler, quand vous révélez certaines pseudo-négociations ou contacts avancés avec telle ou telle star de ce jeu. Et notamment les ouvreurs. Quand on vous propose Jonathan Sexton, vous écoutez. Vous vous renseignez, c’est normal car c’est un très grand joueur. Mais vous regardez et vous faites la balance entre ce qu’il va apporter, ou pas. N’importe quel entraîneur souhaite ne coacher que de très grands joueurs ! Mais il faut aussi faire des choix différents. J’ai choisi de faire confiance à ces trois joueurs qui me semblent complémentaires et compétitifs. J’ai eu la chance d’entraîner Jonny Wilkinson. Des Wilkinson, il n’y en a qu’un ! À Lyon on est parti dans une autre optique.

C’est une des premières fois, dans nos échanges, où nous n’évoquons pas ou peu le RCT. Avez-vous définitivement tourné la page ?

Toulon restera à part, dans mon cœur. J’y ai joué tout jeune, j’y ai fini ma carrière, j’y ai entraîné et gagné des titres. Aujourd’hui, je regarde ça de loin. Mon ami Patrice Collazo est en train de réussir quelque chose et effectue du très bon boulot. J’en suis le premier heureux.

Dans ce milieu hyper-concurrentiel, comment faire la part des choses entre Patrice, l’ami, et Collazo l’adversaire ?

C’est simple: il faut être honnête et franc dans ses relations. Patrice et moi, on s’apprécie énormément mais on reste droit. Avec Patrice comme avec Laurent Emmanuelli avec qui je suis ami d’enfance, nos relations sont belles car simples. On est des compétiteurs mais on fait tous la part des choses les jours de match. On veut tous gagner avec notre équipe. Je ne vois pas pourquoi ce serait compliqué. À partir du moment où il n’y a pas de mensonge, cela se passe naturellement. Le meilleur gagne, souvent. Parfois, à chaud, nous ne sommes pas d’accord, mais on se le dit et c’est terminé. L’envie de gagner est obsessionnelle chez nous, oui ! Patrice est un compétiteur hors pair, mais je sais que je peux compter sur lui dans n’importe quelle situation. Ce sont de vrais amis. Et le rugby, ce n’est que du sport. Il ne faut pas l’oublier.

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