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Harinordoquy : « Sur la fin, Guy Novès m’empêchait de m’entraîner » (2/2)

  • Harinordoquy : « Sur la fin, Guy Novès m’empêchait de m’entraîner »
    Harinordoquy : « Sur la fin, Guy Novès m’empêchait de m’entraîner » Manuel Blondeau / Icon Sport - Manuel Blondeau / Icon Sport
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Imanol Harinordoquy, ce sont deux titres de champion de France avec Biarritz, trois Grands Chelems, 82 sélections, trois Coupes du monde et, plus globalement, dix-sept ans de carrière professionnelle. Pour nous, il revient sur les thématiques du moment : la baisse des salaires, la peur de rejouer, les performances de Grégory Alldritt, le coup de coude de « Vahaa » et la méthode Galthié. La parole est à vous, Imanol...

 

Dernièrement, nous avons réalisé dans Midi Olympique un sujet sur le jour où Lucien, votre père, a fait irruption sur la pelouse d’Aguilera pour vous défendre. Est-il vrai que vous détestez aborder ce sujet ?

Oui et non. Il y a quelques années, j’avais récupéré toutes les caricatures parues dans le journal Sud Ouest à son sujet et les lui ai offertes le Noël d’après. Cela ne l’a pas du tout fait rire…

Certes…

Ce que j’ai trouvé sympa, dans votre article, c’est que Christian Gajan (alors entraîneur de l’Aviron bayonnais) rappelle que mon père nous a probablement fait gagner le match ce soir-là. Sur cette action, Aretz Iguiniz (pilier de Bayonne) avait marqué un essai, lequel fut annulé après l’intervention de mon père. Je m’excuse donc auprès d’Aretz : des essais, il n’a pas dû en marquer souvent. (rires)

Changeons de sujet : y a-t-il eu un effet Galthié en équipe de France ?

Oui. Fabien a surtout eu l’intelligence de remettre l’équipe de France au centre des débats. Il a fait comprendre aux joueurs que la sélection était quelque chose qui se méritait et, depuis, l’état d’esprit a changé. Cette équipe se bat, mouille le maillot. […] J’ai assisté à tous les matchs du dernier Tournoi des 6 Nations et, franchement, je me suis régalé.

À ce point ?

Oui. J’avais très mal vécu les cinq ou six dernières années, pour tout vous dire. J’avais l’impression que le XV de France acceptait la défaite. Les joueurs se regardaient les chaussettes, n’avaient plus trop envie d’y aller… Quand ils y étaient, c’était normal et quand ils n’y étaient pas, ils ne faisaient aucun effort pour y revenir. C’était d’une tristesse ! On avait galvaudé ce maillot et ça, Galthié l’a changé.

Ok…

Les mecs de ma génération n’ont pas toujours été bons. Mais lorsque nous étions battus, nous essayions quand même de filer deux ou trois coups de casque pour montrer à l’adversaire qu’on ne l’acceptait pas et que la revanche tiendrait ses promesses. Cette rage avait disparu.

Que peut-on attendre de l’équipe de France actuelle ?

Elle a reconquis le public, c’est déjà une bonne chose. Maintenant, je me rends compte qu’elle manque encore de profondeur. Au début du Tournoi, c’était costaud. Et puis, au fil des blessures, on a vu qu’il n’y avait pas la richesse suffisante à certains postes pour bien terminer la compétition. Mais les Bleus sont sur la bonne voie. Galthié a fait le ménage.

Comment ça ?

Ce fut violent pour les trentenaires mais s’être passé d’eux pour préparer le Mondial 2023 reste un choix courageux et payant, pour l’instant…

À propos de Fabien Galthié, il y a le technicien reconnu et son autre face, le coach aux rapports parfois douloureux avec ses joueurs. Lequel de ces deux personnages connaissez-vous ?

À mes débuts en équipe de France, en 2002, Fabien Galthié était mon capitaine. Il était dur avec moi mais m’a surtout fait gagner quelques années d’expérience. Il était entraînant, passionné, pointu… Il me donnait envie de me battre.

Et puis ?

À côté de ça, il pouvait avoir des mots durs quand le vent tournait, quand il voyait qu’il n’allait pas gagner. Il changeait de visage, quoi…

Mais ?

Il n’y a pas de coach parfait. J’ai eu des entraîneurs qui étaient excellents dans les rapports humains et nuls techniquement. Moi, quand je regarde ce que Fabien Galthié a fait à Montpellier (finaliste du championnat en 2011) avec l’effectif qu’il avait sous la main à l’époque, je dis juste chapeau.

Pensez-vous que Grégory Alldritt ait pu faire oublier, en seulement dix matchs, le règne de son prédécesseur Louis Picamoles ?

Alldritt a élevé le niveau et pris de l’épaisseur. Lors du dernier Tournoi, je l’ai vu mettre de gros plaquages et gratter des ballons aux 75e et 78e minutes du match. C’est très intéressant car il ne le faisait pas auparavant. Mais Alldritt a un potentiel bien plus important qu’il ne l’a montré jusqu’à présent. Pour l’instant, il s’est enfermé dans le fait d’avancer avec le ballon ; il passe aussi trop par le sol. C’est dommage parce qu’il a de bonnes mains. La prochaine étape de sa progression se situe donc dans le jeu de passes et dans la défense.

Pourquoi Louis Picamoles ne s’est-il jamais imposé chez les Bleus ?

Je ne sais pas… Il a fait une saison monstrueuse à l’époque où il jouait en Angleterre (à Northampton, en 2016-2017) pour la simple et bonne raison qu’il se sentait bien physiquement. […] Il avait tout : la vitesse, la technique individuelle, une puissance rare… Je ne sais pas ce qu’il s’est passé avec Jacques Brunel. Louis Picamoles est pudique, taiseux, un peu renfermé sur lui-même mais fonctionne à l’affect : ces derniers mois, il ne devait pas se sentir bien dans ce groupe et vis-à-vis de ce sélectionneur ; au final, ça n’a pas fonctionné.

Comprenez-vous que l’on puisse perdre ses nerfs dans un grand match international, comme l’ont fait Mohamed Haouas et Sébastien Vahaamahina récemment ?

Si j’avais fait ça à l’époque de Bernard (Laporte), j’aurais pris un an de frigo. Mais bon, Bernie avait aussi un réservoir que nous n’avons peut-être plus aujourd’hui… (il soupire) Hors contexte, tu peux te dire que c’est un scandale et hurler à la faute professionnelle.

Et vous ? Que dites-vous ?

Moi, j’ai eu des coups de sang ; j’ai par exemple pris trois semaines pour avoir cassé le nez à James Horwill en Australie...

Ont-ils des circonstances atténuantes ?

On dit que Mohamed Haouas a été visé parce qu’il a le sang chaud en championnat. Bon…

Oui ?

Autant, j’aurais pu croire que d’autres équipes que l’écosse aient pu préméditer de faire disjoncter Haouas, autant ce n’est pas vraiment le style écossais. Franchement, je ne sais pas…

Alors quoi ?

Je suis partagé. Sur l’action, Haouas prend une gâchette (sic) et se défend. J’aurais fait pareil, je pense. Mais celui qui répond est celui qui charge au niveau international.

Et Sébastien Vahaamahina ?

J’ai lu quelque part qu’il disait avoir fait le bon choix en arrêtant sa carrière : je ne suis pas sûr… Moi, je crois qu’il a parlé un peu vite et qu’à l’heure de la retraite, il aura de gros regrets. Quand tu aimes le rugby, tu l’aimes surtout pour vivre ces moments-là : les hymnes, le Tournoi ou la Coupe du monde. Putain, ça n’a pas de prix…

Rodrigo Capo Ortega et Brock James ont votre âge et, s’il n’y avait pas eu la pandémie, joueraient encore. Vous imagineriez-vous à leur place ?

Non. Je tiendrais cinq minutes sur un terrain de Top 14, aujourd’hui. […] Moi, j’ai arrêté à 36 ans et, à l’époque, la récupération était déjà très douloureuse après les rencontres…

Comment ça ?

Sur la fin, Guy Novès m’empêchait de m’entraîner. Il voulait que je me préserve. Il me demandait de m’asseoir sur une chaise et de regarder l’entraînement. Ugo Mola n’avait pas la même approche. On commençait très fort, dès le lundi. En fin de semaine, j’étais mort avant même que le match ait débuté…

Ah oui ?

C’est normal. Quand Christophe Urios avait Karena Wihongi (40 ans) à Castres, il ne lui demandait jamais de s’entraîner. Le rôle de Wihongi, c’était de tenir la baraque en mêlée. Une longévité comme la sienne, c’est malgré tout monstrueux…

Vous verriez-vous vraiment devenir maquignon comme votre père, dans quelques années ?

C’est un métier qui va peut-être disparaître. Mon père ne fait plus les marchés ; la vente du bétail se fait toujours en direct mais via des logiciels internet. […] Nous avons toujours des terres, des herbages et je suis très attaché à tout ça. Un jour, j’y reviendrai peut-être.

En dix-sept ans de carrière, des témoignages de supporters vous ont-ils marqué plus que d’autres ?

Bonne question… Depuis que je ne représente plus une institution - qu’elle soit celle de Biarritz, Pau ou Toulouse - je ne suis plus considéré comme un ennemi. Je suis l’ancien joueur, point barre. Il n’y a plus d’animosité de la part des supporters des autres équipes. C’est sympa !

Bernard Laporte et Florian Grill sont actuellement en campagne pour la présidence de la FFR. Avez-vous été sollicité par l’un ou l’autre de ces deux camps ?

Oui ! Je suis toujours sollicité, moi ! Comme pour les dernières municipales à Biarritz. Mais j’ai décliné…

Quel camp vous a-t-il sollicité ?

Je ne répondrai pas à cette question. Je n’ai pas envie de mettre le bazar.

Ah…

Je suis la Suisse du rugby !

Allez, sérieusement…

Pour être clair, si entrer en campagne signifie poser pour la photo et serrer des paluches, ce n’est pas intéressant. Moi, je voudrais être utile, avoir un rôle. (il marque une pause) Ouais, voilà : être sur le banc ou en tribunes ne m’intéresse pas. C’était la même chose quand j’étais joueur.

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